Un jugement  historique

(English text at the bottom)

Dimanche 8 Novembre 2015, suite à une session de quatre jours ouverte au public, le Tribunal Permanent des Peuples – TPP a rendu une décision historique en condamnant la méthode utilisée pour la définition de la LGV dans le Val de Suse et de l’ensemble du système qui en Italie et en Europe préside les grands projets : Val de Suse, Notre-Dame-des-Landes, H2S Londres-Birmingham, Roșia Montană, Pays Basque, Stuttgart, Venise, Florence, Basilicate et d’autres régions d’Italie concernées par des projets de forage, Messine et Niscemi, et tous les autres projets envisagés.

La sentence, en acceptant pleinement la poursuite, dit explicitement que en Val de Suse ont été violés les droits fondamentaux des citoyens à l’information et à la participation, ont été écartées de nombreuses conventions internationales, il y a eu une criminalisation incorrecte du mouvement d’opposition et une militarisation inacceptable du territoire (perçue par les juges lors de leur visite à l’extérieur du chantier de La Maddalena à Chiomonte).

A cet égard le TPP a reconnu la responsabilité, outre celle des promoteurs et des sociétés concernées, des Gouvernements italiens des deux dernières décennies et des articulations de l’Union européenne qui ont accepté sans les critiquer les informations et sans procéder à des contrôles et à des vérifications requises par le mouvement d’opposition.

Le TPP a conclu avec des recommandations précises appelant, entre autres choses, les Gouvernements italiens et français à ouvrir “des consultations sérieuses des populations concernées, et, en particulier, les habitants de la Vallée de Suse, afin de leur assurer la possibilité de s’exprimer sur la pertinence et l’opportunité du projet et de faire valoir leurs droits à la santé, à l’environnement et à la protection de leurs contextes de vie”, en étendant l’examen de toutes les options possibles “sans écarter l’option “0″ et  « en suspendant, dans l’attente des résultats de cette consultation, sérieuse et complète, la réalisation du projet”.

Le TPP demande également de «suspendre  l’occupation militaire de la zone».

Sur cette base il est possible d’ouvrir une nouvelle phase dans l’histoire du Tav et de la Vallée de Suse. Il suffit de le vouloir.

Turin, le 9 Novembre 2015

Le Controbservatoire Valsusa


 seule la version italienne fait foi

Testo in Italiano

Texte en Français

English text at the bottom

TRIBUNAL PERMANENT DES PEUPLES

Fondateur: LELIO BASSO (Italie)

Président

FRANCO  IPPOLITO (Italie)

Vice-présidents:

LUIZA ERUNDINA DE SOUSA (Brésil)

JAVIER GIRALDO MORENO (Colombie)

HELEN JARVIS (Australie)

PHILIPPE TEXIER (France)

Secretary General:

GIANNI TOGNONI (Italie)

DROITS FONDAMENTAUX, PARTICIPATION DES COMMUNAUTÉS LOCALES

ET GRAND PROJETS

Du TGV Lyon-Turin à la réalité globale

Turin-Almese, 5-8 novembre 2015

JUGEMENT

 Secrétariat général :

 VIA DELLA DOGANA VECCHIA 5 – 00186 ROME – TEL:0039 0668801468

E-mail: ppt@permanentpeoplestribunal.org

www.tribunalepermanentedeipopoli.fondazionebasso.it

 COMPOSITION DU JURY

Président

Philippe Texier (France)

Magistrat honoraire de la Cour suprême de Cassation, française, ancien membre et Président du Comité des droits économiques, sociaux et culturels du Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies

Composants

Umberto Allegretti (Italie)

Juriste, ancien professeur de droit constitutionnel à l’Université de Florence, ancien directeur de la “Démocratie et droit”, érudit de la démocratie participative

Perfecto Andrés Ibáñez (Espagne)

Magistrat de la Cour suprême espagnole et Directeur de la revue “Jueces para la Democracia”

Mireillle Fanon Mendes France (France)

Présidente de la Fondation Frantz-Fanon et membre du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine dans le Conseil des droits de l’homme des Nations unies

Sara Larrain (Chili)

Ecologiste et politique chilienne, directrice du Programme Chili Sustentable depuis 1997

Dora Lucy Arias (Colombie)

Avocate, membre du Conseil d’administration du Colectivo de Abogados José Alvear Restrepo

Pigrau Antoni Solé (Espagne)

Professeur de droit international public à l’Université Rovira y Virgili de Tarragone, directeur du Centro de Estudios de Derecho Ambiental de Tarragone

Roberto Schiattarella (Italie)

Économiste, professeur d’économie à l’Université de Camerino

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL

Gianni Tognoni (Italie)

Simona Fraudatario (Italie)

I. INTRODUCTION

1.1.    Histoire et légitimité du Tribunal Permanent des Peuples

Le Tribunal Permanent des Peuples (PPT) est une organisation internationale fondée en 1979 avec l’intention de rendre permanente une caractéristique qui était typique du Tribunal Russell sur le Vietnam (1966-67) et les dictatures latino-américaines (1974-1976):  garantir un espace de visibilité, de prise de parole , de jugement sur les violations systématiques des droits de l’homme, individuels et collectifs, et des droits des peuples, qui ne trouvent pas les réponses institutionnelles de chaque pays ou dans la communauté internationale. Le droit international est de facto un système largement imparfait et caractérisé par un développement difficile et controverse, en particulier en ce qui concerne la qualification des crimes contre les droits humains, avec des racines traçables à des causes et des acteurs «économiques» (également exclues de la compétence de la Cour pénale internationale) qui sont en fait de plus en plus les principaux joueurs dans la société actuelle, au niveau de chaque pays et sur les marchés régionaux et mondiaux.

Ce placement du droit international par rapport à la position dominante des raisons économiques sur les droits de l’homme et des peuples a été analysé en profondeur dans la session du TPP dédié à la “conquête de l’Amérique et le droit international (Padoue-Venise 1992). Le vice d’origine des premières formulations doctrinales  du droit international, ainsi que leurs applications opérationnelles, était très clair: une conquête, et une imposition jusqu’au génocide des modèles culturels et des systèmes sociaux, ont été légitimées par le revêtement des intérêts strictement commerciaux et les relations de forces entre les pouvoirs à l’époque dominantes avec des motivations idéologiques et des objectifs déclarés en faveur d’un plus grand bien qui devait être accepté a priori.

Les activités du TPP ont traité de plus en plus fréquemment au cours des vingt dernières années, les implications de la hiérarchie inversée entre les droits humains et économiques. Bien sûr, avec les limites évidentes de l’efficacité d’un «tribunal d’opinion», qui ne peut exercer aucune influence autre que celle de l’opinion publique au sens fort de ce terme: le droit de «dire le droit» par les gens qui en sont le sujet et les garants. La légitimité du TPP est dans son existence même avec la fonction de dénonciation, documentation, résistance à une omission et au silence devant la réalité des violations des droits fondamentaux. L’analyse rigoureuse des faits et des insuffisances des pratiques du droit au niveau national et international rend la mémoire, dans le présent et pour l’avenir,des priorités inviolables des droits  de vie et dignité des peuples, dont la souveraineté est la seule source de l’autorité des États eux mêmes.

1.2. Session « Droits fondamentaux, participation des communautés locales et grands projets. Du  TGV à la réalité globale » 

La session du Tribunal Permanent des Peuples (TPP) qui s’est tenue du 5 au 8 novembre 2015 à Turin au siège de l’association Gruppo Abele, “La Fabbrica delle E”, pour les audiences publiques, et à Almese, au théâtre Magnetto, pour la lecture de la sentence, représente la conclusion d’un long travail de préparation qui s’est rigoureusement conformé aux statuts du TPP.

A la demande initiale de prendre en considération le dossier du projet et de la construction de la ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin [désigné en Italie par l’acronyme TAV], présentée le 8 avril 2014, la Présidence du TPP a apporté le 20 septembre 2014 une réponse positive, en explicitant les motivations de sa décision et les conditions qui devaient être prises en compte lors de la préparation de la session. Elle a constaté en particulier :

- la cohérence et la continuité étroite de la requête avec l’expérience et les compétences du TPP, développées et documentées de façon spécifique par les sentences sur les politiques du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale (1989, 1994), sur les désastres de Bhopal (1992,1994) et de Tchernobyl (1996) et par les sentences plus récentes sur les entreprises transnationales en Colombie (2001-2008), sur les politiques de l’UE en Amérique Latine (2006-2010) et sur les conséquences des traités de libre échange au Mexique (2011-2014) ;

- l’importance spécifique et l’actualité des événements liés au Val De Suse, en ce qu’ils témoignent d’une situation conflictuelle provoquée par la violation systématique du droit fondamental d’une communauté à jouer un rôle incontournable et primordial dans les processus décisionnels touchant son environnement et ses conditions de vie présentes et futures ;

- l’importance d’approfondir et de vérifier l’interaction et le rapport hiérarchique entre les variables et les déterminants économico-financiers d’un “grand projet” présenté comme stratégique à l’échelon national, et soutenu au niveau européen, et les obligations relatives au respect des droits fondamentaux des individus et des communautés prévu par les réglementations nationales et internationales ;

- l’opportunité de replacer le dossier du Val de Suse dans un contexte international (européen, mais pas uniquement) relatif aux grand projets, pour évaluer dans quelle mesure une situation conflictuelle locale pouvait être révélatrice d’un problème systémique à l’échelle européenne et globale.

La présentation-acceptation de l’acte d’accusation reformulé en tenant compte des commentaires énoncés ci-dessus (Annexe 2) a formellement ouvert la phase d’instruction qui a conduit à la session publique inaugurale du procès le 14 mars 2015 à Turin. Elle a correspondu à une période de prise de contact avec les groupes représentatifs des expériences italiennes et européennes qui, après examen, s’avéraient les plus conformes aux objectifs du TPP. Le secrétariat général du TPP a même effectué à deux reprises des visites sur le terrain, vouées essentiellement à vérifier la représentativité des mouvements par rapport à la réalité des communautés locales.

En conformité avec les statuts du TPP, les parties mises en cause dans l’acte d’accusation ont été invitées (par lettre recommandée avec relances successives) à participer à la session publique du TPP, directement ou à travers leurs représentants. Deux lettres sont parvenues à l’attention du Tribunal le 4 novembre 2015 : l’une signée de l’architecte Paolo Foietta, président de l’Observatoire technique pour le Lyon-Turin, l’autre signée de l’architecte Mario Virano, directeur général de l’entreprise TELT [Tunnel Euralpin Lyon Turin], concessionnaire du projet de la ligne TGV. Ils ont chaque fois décliné l’invitation en arguant que leur position étaient parfaitement et entièrement exposée dans des documents largement accessibles, qui démontraient le bien-fondé du comportement de l’Observatoire et de l’entreprise TELT, conformément aux mandats reçus.

Comme détaillé dans le programme disponible en Annexe 1, la Session publique du TPP s’est déroulée de la façon suivante :

- une première journée entièrement consacrée aux rapports et aux témoignages relatifs au dossier du Val de Suse ;

- une seconde journée dédiée aux grands projets italiens (la digue Moïse de Venise, la ligne TGV de Florence, le MUOS de Niscemi, la centrale solaire thermodynamique en Basilicate, les projets de forage disséminés sur le territoire italien, le pont de Messine, l’autoroute Orte-Mestre, le bassin des Alpes Apuanes) et européens (aéroport de Notre-Dame-des-Landes en France, les lignes TGV de France, des Pays basques, du Royaume-Uni, et la mine d’or de Roșia Montană en Roumanie). Des situations jugées comparables et/ou complémentaires, par leur contenu et par les mouvements d’opposition-résistance des “communautés” concernées, au cas exemplaire du TGV Lyon-Turin ;

- la matinée de clôture, qui a comporté un compte-rendu général sur les stratégies des “grands projets” à l’échelle globale (en portant une attention particulière au Mexique et à l’Amérique latine) et les réquisitoires finales présentées par Livio Pepino ;

Toute la documentation multimédia a été mise à disposition des membres du jury, qui ont eu l’occasion de poser des questions au groupe de rapporteurs, composé d’experts techniques et juridiques, de représentants des collectivités locales, et de membres des communautés concernées.

II. LES FAITS ET LE CONTEXTE

En annexe au recours introductif, dans les mémoires qui suivent, lors de la séance du 14 mars 2015 et de l’instruction qui y a été réalisée, les requérants ont produit une documentation importante relative au projet de la nouvelle ligne ferroviaire Turin-Lyon, incluant – outre les allégations de la défense – les principaux documents officiels sur lesquels reposent le projet et les motivations qui le sous-tendent. Elles sont publiées sur le site institutionnel du gouvernement le 9 mars 2012 (y sont intégrées le 21 avril 2012 les remarques de la Commission technique de la Comunità montana Val de Suse et Val Sangone). Plusieurs films ont été produits sur les travaux, les manifestations du mouvement d’opposition et les interventions des forces de l’ordre (dont certains émanent de l’autorité policière et sont introduits dans les procédures pénales). Au cours de l’instruction réalisée les 5 et 6 novembre, trente témoignages directs ou en vidéo (dont l’intégralité est enregistrée en DVD et ajoutée aux actes) sont reçus par le tribunal qui pose des questions directes sur certains textes. Dans une lettre du 4 novembre, les représentants du TELT et de l’Observatoire pour la liaison ferroviaire Turin-Lyon, bien qu’absents, réclament la documentation sur l’ouvrage « largement publiée sur des sites institutionnels et médiatiques » et acceptent l’intégration, entre autres, dans le matériel de l’enquête de 9 cahiers produits par l’Observatoire entre 2006 et 2012 (disponibles sur le site du gouvernement italien). En outre, une délégation du tribunal se rend dans la zone où est en cours de forage le tunnel géotechnique de La Maddalena di Chiomonte pour y observer le chantier de l’extérieur et de la partie supérieure (l’accès à l’intérieur n’étant pas autorisé à la date requise).

Outre les documents mentionnés ci-dessus, le Tribunal a recueilli de la documentation et des informations sur d’autres grands projets italiens et européens estimés représentatifs de situations comparables et/ou complémentaires à cette nouvelle liaison ferroviaire Turin-Lyon (les digues du Mose de Venise, le passage ferroviaire souterrain du TGV à Florence, la centrale solaire thermodynamique de Basilicate, le pont de Messine, l’autoroute Orte-Mestre, l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes en France, les nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse dans les Pays Basques d’Espagne et de France, la ligne ferroviaire HS2 Londres-Birmingham et la gare de Stuttgart), ainsi que d’autres interventions dont l’incidence sur l’environnement est comparable (l’installation du MUOS à Niscemi, les projets de forage sur tout le territoire, l’exploitation intensive des carrières de marbre dans les Alpes Apuanes, l’ouverture d’une mine d’or à ciel ouvert à Roșia Montană en Roumanie). À cette fin, le greffe du tribunal a également pu accéder directement aux travaux de Notre-Dame-des-Landes et de Venise. Des rapports et des témoignages directs ont ensuite été entendus lors de la séance du 6 novembre.

Pour notre propos, ce matériel considérable et probant est révélateur.

2.1. L’idée d’une nouvelle liaison ferroviaire entre Turin et Lyon germe en septembre 1989 lorsque, sous l’impulsion de la Fondation Agnelli, est présenté à Turin un projet prévoyant l’extension du réseau de TGV en France, notamment la prévision de construction d’un tunnel de 50 kilomètres sous le Mont Cenis. En février 1990, est constitué un Comité chargé de la promotion de la grande vitesse entre Turin et Lyon, sous la présidence commune d’Umberto Agnelli (représentant la société Fiat SpA, le groupe économique privé italien le plus important à l’époque, qui compte une participation significative de quelques grands quotidiens qui deviendront des défenseurs de renom de l’ouvrage) et le Président de la Région du Piémont. Au fil du temps, le projet subit différentes modifications de son tracé et de son affectation, et devient une ligne mixte de transport de passagers et de fret. Il poursuit ensuite son évolution et une plus grande importance est accordée au transport de marchandises compte tenu de la réduction progressive de la demande de transport de voyageurs. Le projet actuel qui, juridiquement, se fonde sur l’article 1 de l’Accord conclu entre l’Italie et la France le 29 janvier 2001 (ratifié en Italie par la loi du 27 septembre 2002, n° 228), prévoit une ligne de 270 km dont 144 km relèvent de la compétence française, 58 km d’une compétence commune ou mixte des deux pays – entre Saint-Jean-de-Maurienne et Suse/Bussoleno et, enfin, 68 km sous juridiction italienne (RFI), de Suse/Bussoleno à Orbassano et Settimo, où la ligne devrait rejoindre celle de Turin-Milan. Actuellement, les travaux n’ont pas commencé sur aucun de ces tronçons car l’état d’avancement des procédures et autorisations correspondant à chacun d’entre eux diverge. À la lumière du manque de ressources financières, les gouvernements ne s’engagent qu’à procéder au creusement de la galerie de 57 km qui devrait traverser les Alpes à une profondeur de près de 600 mètres, alors qu’est en cours le percement de la descenderie tant en France qu’en Italie. La décision sur la construction des autres tronçons est renvoyée à plus tard.

2.2. Du côté italien, le tracé, l’entrée prévue de la galerie du trajet international et les travaux en cours pour le creusement du tunnel géotechnique ont tous une incidence sur la vallée de Suse, une vallée  (dont la partie supérieure n’est pas affectée par le projet) d’un peu moins de 40 municipalités et une population de 120.000 habitants, déjà traversée par la ligne ferroviaire historique, l’autoroute A32 et deux routes nationales. Dans le prolongement du projet et du début des travaux préparatoires dans la Vallée, est né et persiste un mouvement d’opposition à cet ouvrage appelé « Mouvement No TAV ». Le mouvement voit le jour à la fin de l’année 1989 et y sont engagés des citoyens, des administrateurs locaux, des professeurs d’universités et des experts de plusieurs disciplines. La première raison de cette opposition est manifestement liée aux risques multiples qu’encourent l’environnement et la santé de la population, d’une part, et le caractère titanesque de l’ouvrage, d’autre part, compte tenu de la présence d’uranium et d’amiante dans la roche montagneuse à creuser. Les rencontres des techniciens et citoyens de la Vallée deviennent régulières et suscitent une prise de conscience, une connaissance et une participation de plus en plus importantes. Progressivement, au fil de l’avancée des projets et des travaux, l’opposition tourne son attention vers d’autres dimensions : l’inutilité de la nouvelle liaison, le gaspillage des ressources dans une période de crise économique très grave (le coût global tel qu’estimé par la Cour des comptes française est de 26 milliards d’euros), l’exclusion de la communauté locale de toute consultation sur l’utilité réelle de l’ouvrage. Au cours des années (et ensuite, des décennies), le mouvement d’opposition, idéologiquement et politiquement hétérogène, s’enracine profondément dans le territoire, parvient à fédérer au niveau national et organise des manifestations avec une participation extrêmement élevée, évaluée par le mouvement lui-même à 70.000, voire 80.000 personnes. À la fin de 2005, le conflit du mouvement avec les institutions gouvernementales, bien qu’il soit dur, ne dégénère pas en affrontements. Par contre, c’est au cours de cette année que commencent les expropriations et les projets d’ouverture des chantiers. Les tensions les plus vives ont lieu à Venaus (Vénaux) dans la nuit du 6 décembre 2005, lors de l’expulsion par la force publique d’une occupation mise en place pour empêcher la réalisation de sondages et de travaux, et ensuite, six années plus tard, le 27 juin 2011, lors d’une expulsion tout aussi violente d’une occupation de La Maddalena, qui voulait empêcher l’ouverture du chantier de percement du tunnel géotechnique. Dorénavant, l’affrontement va plus ou moins souvent de pair avec des « attaques » aux réseaux du chantier, qui se déclinent parfois en simples manifestations ou en d’autres occasions, en jets de pierres et bombes en papier, voire feux d’artifice auxquels les forces de l’ordre répondent par l’usage de gaz lacrymogènes. C’est ainsi que se développe progressivement une militarisation du territoire (qualification qui est retenue plus avant dans ce texte) et une radicalisation du conflit, alors que se succèdent sans jamais être entendus les appels adressés au gouvernement par des intellectuels, des techniciens, des économistes, des syndicalistes, des juristes, des ecclésiastiques, des artistes et, également, des politiciens nationaux pour que soient suspendus les travaux et que puisse s’ouvrir un véritable dialogue sur la nécessité/utilité réelle de l’ouvrage.

2.3. L’instruction révèle sans équivoque qu’aucune information ponctuelle et adéquate sur les caractéristiques et les effets de l’ouvrage n’a été fournie aux populations et aux administrations locales au cours de la phase qui a précédé la conclusion de l’accord entre l’Italie et la France en 2001 (accord qui constitue toujours la base juridique pour la construction de cette nouvelle ligne). Les témoignages concordent à cet égard. L’« information » transmise par les institutions s’est limitée à de (rares) communications de propagande, de slogans et de prévisions mirobolantes (comme le film envoyé par le Comitato Transpadana aux élus locaux des municipalités de la Vallée de Suse et de Sangone à la fin des années 1990, projeté lors de la séance du tribunal) et à des rencontres illusoires, cosmétiques, organisées par les promoteurs au siège de la région à Turin, avec les seules parties prenantes du mouvement No TAV qui venait de voir le jour tout récemment. La circonstance n’est d’ailleurs pas contestée par le gouvernement italien, qui la confirme même indirectement dans sa réponse à la question n° 5 du document publié sur son propre site le 9 mars 2012 (« L’ouvrage a-t-il été l’objet d’une concertation avec le territoire ? ») qui s’en tient exclusivement aux faits de l’année 2007 sur lesquels nous reviendrons.

2.4. Il s’avère que suite à l’accord scellé entre l’Italie et la France en 2001, la nouvelle ligne ferroviaire est incluse par le gouvernement italien, en vertu du champ d’application de l’article 1 de la loi du 21 décembre 2001, n° 443, « appelée « loi objectif »), dans les « infrastructures d’intérêt national primordial à réaliser pour la modernisation et le développement du pays » avec transfert de toute décision sur la compatibilité environnementale au Président du Conseil (après la délibération du CIPE – Comité interministériel de programmation économique -) et est donc soustraite au processus de prise de décision des administrations locales (ainsi privées des attributions en matière de permis, d’autorisations ou d’approbations), ce qui a enlevé ultérieurement à la communauté locale la possibilité de devenir un interlocuteur d’un dialogue sur l’ouvrage. Au-delà, en juin 2006, suite à une décision du Président du Conseil, la ligne Turin-Lyon est exclue du champ d’application de la loi objectif, mais la procédure concernant l’ouvrage se poursuit comme si de rien n’était (accord est ainsi donné notamment au projet de galerie d’exploration de Chiomonte, en recourant à la procédure appliquée dans le cadre d’un projet antérieur, développé ailleurs, sans qu’un nouvel appel d’offres soit organisé). Cette nouvelle évolution est d’ailleurs rendue possible grâce à des déclarations spécifiques (qui se sont révélées inexactes) d’institutions publiques, comme ladite « Structure technique de mission » du ministère des Infrastructures et des Transports qui, dans sa note du 8 septembre 2009, répondant à une question précise de LTF, attestait que « la liaison ferroviaire Turin-Lyon était incluse dans le premier programme des ouvrages stratégiques approuvé en application de la loi n° 44372001 ainsi que de la délibération du CIPE le 21 décembre 2001, n° 121, qui n’a pas été suivie d’une autre délibération du même Comité interministériel (CIPE) qui aurait officialisé la révocation de l’inclusion de l’ouvrage dans le programme des infrastructures stratégiques » (ce qui a, entre autres, induit en erreur le tribunal administratif Tar Lazio qui, dans sa décision du 4 décembre 2013 – 27 février 2014, rejette le recours de la Comunità Montana (Communauté de montagne, entité de droit public de la région) contre la délibération du CIPE du 18 novembre 2010.

2.5. Toujours concernant l’engagement de la communauté locale, un éclairage est apporté lors l’examen de la question de l’Observatoire pour la liaison ferroviaire Turin-Lyon, institué par le décret du Président du Conseil des ministres du 1 mars 2006 en vue de réaliser un dialogue entre les différentes composantes territoriales et de trouver des solutions à soumettre aux décideurs politiques (réglant ainsi le conflit qui avait pris corps au fil des mois précédents). L’Observatoire et ses travaux sont toujours qualifiés – par les promoteurs de l’ouvrage, le gouvernement, la Région du Piémont, la majorité politique, la Commission européenne et les médias indépendants en Italie et en Europe – d’illustration d’un rapport correct entre les institutions et les citoyens, et de démonstration de la participation des administrations locales et des citoyens aux décisions concernant l’ouvrage (cf. pour l’ensemble des éléments la « réponse » n° 5 – déjà mentionnée – du gouvernement Monti, en date du 9 mars 2012, selon laquelle « l’Observatoire a accompli un long parcours, fatigant et complexe, en vue d’aboutir à une solution concertée et partagée, en examinant prioritairement l’opportunité et la modalité de réalisation de la nouvelle ligne ferroviaire Turin-Lyon et en parvenant à un accord entre les différents représentants. Le 28 juin 2008, a été conclu l’accord de Pra Catinat, dans lequel sont explicités les engagements des différents acteurs du projet, qui conduisent à la décision d’avoir une projection préliminaire de tout le tronçon prévu en territoire italien. Le résultat est un projet préliminaire qui représente le premier exemple dans l’histoire italienne d’une projection marquée au sceau de la participation et de la discussion d’une grande infrastructure »). L’instruction révèle que cette affirmation manque tout à fait de fondement. L’Observatoire a, en fait, effectué un travail intense de recueil de données et de documents, dont attestent les cahiers publiés (notamment, les premiers), mais a éludé les échanges sur le point crucial – décisif pour un véritable engagement de la communauté locale -, celui de la nécessité d’une nouvelle ligne, ou la possibilité de moderniser et d’utiliser la ligne historique. Il s’avère en réalité qu’il n’y a pas eu de délibération formelle sur ce point ; le président de l’Observatoire (très actif dans la réalisation de la nouvelle ligne) prend, dans ce contexte, la tête de la délégation italienne à la Conférence intergouvernementale italo-française pour la réalisation de l’ouvrage et, en janvier 2010, le gouvernement décide de « redéfinir les représentants locaux au sein de l’Observatoire », en les limitant « aux seules communes qui se déclarent explicitement prêtes à participer à la meilleure réalisation de l’ouvrage ». À cet égard, est particulièrement éclairant l’accord de Pra Catinat, déjà évoqué, (qualifié d’exemple historique de participation non seulement dans le document du gouvernement du 9 mars 2012 mais aussi dans le cahier n° 7 de l’Observatoire, qui lui est entièrement consacré, selon lequel : « Le Texte desdits ‘Points d’accord pour la projection de la nouvelle ligne et les nouvelles politiques de transport sur le territoire’ est le fruit d’un ‘séminaire’ ininterrompu de près de 50 heures à l’Ermitage de Pra Catinat (à 1.760 mètres d’altitude), dans des conditions donc propices à la créativité, qui a permis aux membres de l’Observatoire de rassembler tous les éléments du long travail commencé le 12 décembre 2006. Au terme de ce travail et au fil d’un rapport continu des techniciens avec les maires et de nombreuses autres parties prenantes institutionnelles, c’est un échange démocratique riche, ininterrompu, solide qui a redescendu vers la réalité des territoires et des communautés locales, les avancées et les résultats d’une discussion technique sur des thèmes sensibles, une discussion sortie du périmètre étroit d’une Commission de travail pour faire face ouvertement et souvent durement à l’environnement politico-social mais aussi pour s’ancrer solidement dans un fondement institutionnel grâce aux maires ». L’instruction laisse cependant apparaître que cette reconstitution ne correspond en aucune manière à la réalité : le document appelé « accord » n’est souscrit par aucun maire mais uniquement par le président de l’Observatoire. Les maires auxquels fait référence le tribunal prétendent ne pas avoir adhéré à un tel document (et dans de nombreux cas, ne pas avoir participé non plus au séminaire). Il s’avère qu’aucune délibération de conseils communaux n’a eu lieu pour ratifier un tel « accord ». Il n’y a donc eu aucune forme de participation et il s’agit même d’une présentation falsifiée de la réalité et de pure propagande. L’affaire est particulièrement grave et symbolise une tentative d’exclure toute forme de participation en faisant croire, en l’occurrence, le contraire.

2.6. Une partie importante de la séance a été consacrée à l’analyse des données et des prévisions requises par les auteurs des propositions ainsi que les institutions gouvernementales italiennes et européennes pour étayer la nécessité de l’ouvrage. Cet élément est pertinent dans le cadre du jugement en question car l’accord italo-français déjà évoqué, du 29 janvier 2001, « prenant acte des recommandations présentées par la Commission intergouvernementale qui figurent dans le rapport du 15 janvier 2001 », prévoit dans son article 1 que « les gouvernements italien et français s’engagent, en application dudit Accord, à construire ou faire construire les ouvrages de la partie commune italo-française nécessaires à la réalisation d’une nouvelle liaison ferroviaire mixte – transport de fret et de passagers – entre Turin et Lyon dont l’entrée en service devrait avoir lieu à la date de saturation des ouvrages existants ».  Ce qui signifie, au-delà de la prudence terminologique des accords internationaux, que la condition requise pour la construction de la ligne, même si elle était voulue par les gouvernements signataires, était – lors de la conclusion de l’accord – la saturation avérée ou prochaine de la ligne historique (comme le confirment par ailleurs non seulement le bon sens mais aussi le débat parlementaire sur la ratification de l’accord, notamment en France). Or, toute la documentation recueillie, les sources gouvernementales, à commencer par celles des cahiers de l’Observatoire, évoqués à plusieurs reprises, révèlent que cette condition est bien loin d’être réalisée et n’est absolument pas en voie de réalisation compte tenu que la ligne historique est utilisée à hauteur de 20 à 30% de sa capacité et que le trafic est en baisse constante, qu’il s’agisse du trafic ferroviaire ou routier, sur l’axe Est-Ouest (ce qui dément, entre autres, toutes les prévisions des défenseurs de cet ouvrage au début des années 1990). Le gouvernement italien l’admet dans son document du 9 mars 2012, évoqué à plusieurs reprises. Même si le texte de l’accord italo-français demeure inchangé, pour étayer la nécessité d’une nouvelle ligne, le gouvernement n’invoque plus la saturation de l’ancienne ligne mais son « inadéquation ». La réponse n° 8 prétend en effet que « la ligne historique de Fréjus est comme une machine à écrire à l’ère de l’ordinateur : un service dont la demande s’est éteinte. Il faut donc créer une nouvelle infrastructure qui réponde à la demande du transport de fret et de passagers. Les exigences d’un transport de fret moderne, dans lequel la composante privée joue un rôle de plus en plus important, ne permettent pas d’utiliser la capacité existante sur la ligne historique Turin-Modane, compte tenu de sa finalité qui est de favoriser le rééquilibrage modal entre la route et le rail. Il est donc nécessaire de réaliser le nouveau passage et tronçon ferroviaire. Pour l’exprimer plus synthétiquement : compte tenu des objectifs de rééquilibrage modal sur l’arc alpin, il est nécessaire de privilégier le recours au transport ferroviaire à une vitesse et à un coût que le marché estime satisfaisants, ce que ne peut assurer le réseau ferroviaire actuel entre Turin et Modane ». Cette affirmation, à la fois incantatoire et marquée au sceau de la propagande, n’est par ailleurs pas étayée par des prévisions et des données fiables et contrôlables à plusieurs égards, comme l’évolution du trafic dans le sens indiqué et les prévisions pour l’avenir, le rapport coût-bénéfice, la modalité du report modal de la route vers le rail (à un moment où se réalise, entre autres, le doublement du tunnel autoroutier du Fréjus), l’incidence de la réalisation de l’ouvrage sur l’environnement et la pollution émise par les trains roulant aux vitesses prévues, les connexions entre la nouvelle ligne et les tracés existants, etc. Le manque, l’insuffisance et l’absence de fondement des (quelques rares) éléments soumis par les défenseurs du projet et les institutions concernées ont été soulignés, d’une part, par tous les techniciens (de différentes disciplines) qui sont intervenus au cours de la séance et, d’autre part, dans les très nombreux documents rassemblés. L’incidence est bien évidemment significative sur les processus démocratiques, ceux en jeu dans la définition de l’intérêt général (à poursuivre même aux dépens d’intérêts particuliers) et ceux en jeu dans les processus de prise de décision ainsi que la participation à ceux-ci (qui doivent se fonder sur des informations fiables).

2.7. Au cours de la séance, a été présenté de manière détaillée un nombre extraordinaire de demandes, de sollicitations, d’appels, de documents (certains figurant en annexe aux actes) adressés au gouvernement, au chef de l’État, aux institutions européennes, aux associations écologiques, aux médecins, aux professeurs d’universités, aux scientifiques, aux citoyens, aux intellectuels, aux ecclésiastiques et aux représentants du monde du travail en vue d’obtenir un vrai débat, qui implique la suspension des activités préparatoires et l’intervention d’experts internationaux pour vérifier l’utilité réelle et la sécurité environnementale de l’ouvrage. Ces sollicitations sont demeurées, pour la plupart, sans réponse et dans les (rares) cas où une suite a été donnée, les requérants ont été reçus par l’autorité mais sans aboutir à de véritables échanges sur le sujet.

2.8. Un tel manque de réponse est également observé dans le cas des nombreux recours présentés par les représentants du mouvement d’opposition au TAV à des instances judiciaires, qu’elles soient administratives ou ordinaires. En ce qui concerne la justice administrative, l’attention a été attirée sur les limites du système juridique italien qui, ne prévoyant pas de protection spécifique des intérêts communs/collectifs (mais uniquement de l’intérêt légitime de personnes ou d’un groupe de sujets), empêche de fait les actions judiciaires collectives pour la protection de biens communs, comme c’est le cas dans la Vallée de Suse. Quant à la justice ordinaire, il s’avère que différentes requêtes sur des aspects généraux ou particuliers, adressés au procureur de la République de Turin et de Rome, ont été archivées sans un examen précis du fond (comme la dénonciation du 31 mars 2014, présentée au Procureur de la République de Rome da Cancelli avec trois autres personnes, ayant pour objet « exagération, irrégularités et faux témoignages », dans le cadre de la procédure de l’ouvrage et qui pourrait relever du droit pénal) ou qui ont eu carrément un effet boomerang (comme la requête présentée le 22 mai 2013 au Procureur de la République de Turin par le président de Pro Natura Piémont et d’autres responsables d’autres associations écologiques sur le danger d’un éboulement dans la zone du chantier du tunnel géotechnique de La Maddalena, suivi d’un début de procédure pénale accusant les requérants de « fausse alerte »).

2.9. Un autre point substantiel, approfondi lors de la séance et sur lequel a été produite une multitude de documents (provenant à la fois d’organismes nationaux et de l’Association italienne des juristes démocrates), est celui de la limitation de certains droits fondamentaux dans la Vallée de Suse. Comme nous l’avons déjà évoqué, le manque de dialogue et de concertation des institutions nationales avec la population locale a fomenté et exacerbé en réalité le conflit. Les réactions institutionnelles ont dépassé le seuil physiologique du maintien de l’ordre démocratique et de la poursuite équilibrée des infractions, induisant par les modalités d’intervention, les distorsions ou les excès, des violations significatives des droits garantis par la constitution (notamment, la liberté de circuler, de manifester, la liberté d’expression et la liberté tout court). Il ressort des témoignages et de la documentation rassemblée que :

a) a pris corps une norme juridique ad hoc avec l’introduction d’une sorte de droit pénal « spécial » pour la zone du chantier La Maddalena di Chiomonte. L’article 19 de la loi du 12 novembre 2011, n° 183, dont le seul précédent est établi par le décret-loi du 23 mai 2008, n° 90, relatif aux installations pour l’élimination de déchets en Campanie stipule que : « Pour assurer la réalisation de la ligne ferroviaire Turin-Lyon et garantir, à cette fin, le déroulement régulier des travaux de la galerie d’exploration de La Maddalena, les zones et les sites de la municipalité de Chiomonte, choisis pour l’installation du chantier de la galerie géotechnique et la réalisation du tunnel de base de la ligne ferroviaire Turin-Lyon, constituent des zones d’intérêt stratégique national. Sous réserve d’une infraction dont la gravité peut être estimée supérieure, quiconque s’introduit abusivement dans les zones d’intérêt stratégique national traitées à l’alinéa 1 ou empêche, voire entrave l’accès autorisé à ces zones, se voit appliquer les sanctions prévues à l’article 682 du code pénal ». Rappelons que l’article 682 du code pénal (« Pénétration arbitraire sur des lieux dont l’accès est interdit dans l’intérêt militaire de l’État ») prévoit que « quiconque s’introduit sur des lieux, dont l’accès est interdit dans l’intérêt militaire de l’État est puni, si les faits ne sont pas qualifiés d’infraction plus grave, d’une peine de prison de trois mois à un an ou d’une amende de 51 à 309 euros ». De telle sorte que la zone qui entoure le chantier en question est transformé à tous les effets en zone militaire (et s’y applique, dès lors, une discipline proche à celle prévue en cas de conflits militaires) ;

b) a été instituée, dans le voisinage immédiat du chantier précité, une « zone rouge » interdite aux citoyens, sauf s’ils peuvent démontrer devoir y effectuer un travail. La mesure est prise en application de la répétition d’ordonnances identiques sur le fond émises par le Préfet de Turin, qui s’inscrivent dans le long terme, prévoyant que la zone adjacente au chantier de La Maddalena di Chiomonte est confiée aux forces de police. Tout « accès et stationnement » y sont interdits tout comme est interdite la circulation dans la zone limitrophe. Outre que le fait en soi est contestable, l’est aussi l’émission des ordonnances préfectorales pour une durée ininterrompue de quatre ans (du 22 juin 2011 au 30 septembre 2015 dont la validité s’étend jusqu’au 30 janvier 2016), sur la base de l’article 2 du Texte unique des lois sur la sûreté publique (Décret royal du 18 juin 1931, n° 773), qui prévoit un pouvoir qui peut s’exercer dans des conditions de nécessité et d’urgence (« Le préfet, en cas d’urgence ou de nécessité publique grave) a la faculté d’adopter les mesures indispensables à la protection de l’ordre public et de la sûreté publique;

c) dans la zone décrite et, plus généralement, dans la vaste zone de la Vallée de Suse, est à l’œuvre une véritable militarisation du territoire, avec le recours – anormal en temps de paix – à des corps de l’armée qui contrôlent ce territoire et viennent en appui aux différentes forces de police. Des restrictions au droit de circuler ont été imposées ainsi que des contrôles invasifs des personnes et des désagréments graves dans la vie quotidienne de ladite zone, tant dans la vie de travail des personnes que dans les rapports entre personnes. La délégation du Tribunal a pu constater les faits lors de sa visite dans cette zone. Pour accéder à une zone non soumise à la limitation de circulation, elle a dû se soumettre à une longue attente et au contrôle, à l’enregistrement de ses documents et a été ensuite suivie, photographiée et filmée tout au long de la visite par du personnel des forces de l’ordre ;

d) pour contrôler le territoire et vaincre toute résistance ou opposition, a été mis en place un recours pour le moins disproportionné à des pouvoirs légitimes et à la force : des demandes répétées des documents d’identification, photographies et films de citoyens pacifiques, interventions d’une violence singulière lors de l’évacuation de l’occupation de Vénaux le 6 décembre 2005 et de La Maddalena le 27 juin 2011 (avec un préjudice grave porté à la nécropole datant de 4000 ans avant Jésus-Christ), emploi massif de gaz lacrymogènes lors des opérations de contrôle des manifestations aux abords du chantier, etc.

2.10. Les éléments de l’instruction révèlent également des violations perpétrées par certaines institutions européennes, notamment le Commissaire désigné pour coordonner le projet prioritaire TEN-T n. 6, Laurens Jan Brinkhorst, et la Commission des pétitions du Parlement européen. Le premier, lors de diverses déclarations, réalisées en toute autonomie ou dans le cadre de rapports annuels de compétence, se fait l’écho des allégations du gouvernement italien et du président de l’Observatoire pour la liaison ferroviaire Turin-Lyon sans tenir compte du tout (même pas pour les réfuter) des observations des institutions territoriales et de leurs techniciens. Il minimise ainsi les éventuels dommages à l’environnement et aux nappes aquifères que produirait l’ouvrage, et il affirme (à tort) l’existence dans la Vallée de Suse d’un large consensus sur la nouvelle ligne ferroviaire. Quant à la Commission des pétitions du Parlement européen, il est apparu, notamment sur la base de témoignages du Parlement lui-même, qu’elle a durablement rejeté dans l’oubli les contrôles sur place  qui auraient dû avoir lieu suite aux doléances des institutions territoriales et des citoyens (ils ont été effectués une seule fois et aucune suite n’a été réservée aux remarques soumises par la délégation envoyée) et qu’il n’y a peu d’examen contradictoire des requêtes qui lui ont été adressées et qui ont été archivées sans se pencher sur le fond.

2.11. Comme nous l’avons fait remarquer, le Tribunal a réalisé une enquête sur de nombreux autres projets italiens et européens. L’examen du projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et de son mouvement d’opposition a été particulièrement approfondi, accompagné d’une visite du lieu pour préparer la séance. Le projet est d’ajouter à l’aéroport existant un nouvel aéroport proche de la ville de Nantes. Le projet date de la fin des années 1960, revient dans l’actualité en 2000 avec la prévision de terminer sa construction en 2017. Depuis les années 1970, une forte opposition s’est manifestée et a grandi au fil du temps, dénonçant l’inutilité de l’ouvrage (compte tenu de la possibilité d’agrandir et de rationnaliser l’aéroport international qui existe), les coûts insoutenables et les dommages à l’environnement (perte irréversible de terres agricoles et de zones humides de qualité). Le mouvement d’opposition regroupe actuellement 50 comités, associations, mouvements politiques, syndicats et développe une activité intense sans discontinuer sur certains aspects fondamentaux : la résistance sur le territoire (avec l’occupation d’une zone dénommé Zad ou Zone à défendre, avec une extension des cultures et des manifestations à répétition), la documentation et la dénonciation de l’inutilité de l’ouvrage et de l’irrégularité qui la caractérise (qui a eu pour effet d’engager dans l’opposition des secteurs significatifs d’administrateurs locaux) et l’action juridique (avec le dépôt de recours à tous les niveaux des instances judiciaires, soit contre l’expropriation de terres, soit contre les aspects précis du projet). Suite à cette opposition intense et constante, les travaux de construction de l’aéroport, malgré l’avancée des procédures administratives, n’ont pas encore commencé. Les forces politiques du gouvernement prétendent toujours que l’ouvrage est nécessaire, qu’il se réalisera en tout cas et que le conflit avec les opposants sera de plus en plus dur. L’instruction réalisée a mis en lumière de nombreux points communs, outre ceux déjà présentés, entre le cas de Notre-Dame-des-Landes et celui du TAV dans la Vallée de Suse. Parmi ceux-ci, pointons l’importance et l’hétérogénéité du mouvement d’opposition qui s’étend au-delà de la zone territoriale concernée et regroupe une large diversité de catégories sociales ; le manque d’engagement et de véritable consultation de la communauté concernée et des institutions lors de la prise de décision, ou encore le caractère purement de façade de cette consultation (comme c’est le cas dans la gestion concrète de la procédure du Débat public) ; la constitution, suite à quelques échanges violents en 2012, d’une « Commission du dialogue » qui, par ailleurs, a exclu du débat toute discussion sur l’option « zéro » (à savoir l’agrandissement de l’aéroport existant et l’abandon du projet de construire une nouvelle structure) ; le manque de réponse aux appels, requêtes, dénonciations et le défaut de présentation aux institutions européennes de la documentation fournie par les opposants ; la manipulation répétée des données et une information déséquilibrée, favorable à l’ouvrage, de la part des institutions ; l’option de faire intervenir la police, avec un recours disproportionné à la force afin de contrecarrer les manifestants ; l’utilisation au niveau politique et journalistique d’une terminologie et d’un langage tendant à criminaliser/pénaliser le mouvement d’opposition (jusqu’à le qualifier de « terrorisme »).

2.12. Comme indiqué au point 1.2, les autres grands travaux retenus dans le cadre de l’examen du TPP sont la digue de Mose, le passage ferroviaire souterrain du TGV à Florence, la centrale solaire thermodynamique de Basilicate, le pont de Messine, l’autoroute Orte-Mestre, les nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse dans les Pays Basques d’Espagne et de France, la ligne ferroviaire HS2 Londres-Birmingham et la gare de Stuttgart, l’installation du MUOS à Niscemi, les projets de forage sur tout le territoire, l’exploitation intensive des carrières de marbre dans les Alpes apuanes, l’ouverture d’une mine d’or à ciel ouvert à Roșia Montană en Roumanie. Il convient de faire mention plus particulièrement des rapports relatifs au Mose qui étaient déjà l’aboutissement d’une longue journée intense d’audition publique, à Venise, en présence du Secrétaire général du TPP, le 10 octobre 2015. Dans le cas du passage ferroviaire souterrain de Florence, selon l’avis des experts des comités populaires, l’évaluation des risques suivants est tout à fait déficiente : pollution et déviation des nappes portant préjudice aux édifices ; diminution de la résistance des terrains ; hypothèque à vie sur le sous-sol d’une ville extrêmement délicat, qui requiert des interventions sur le trafic citadin, certains usages du sous-sol deviendront impossibles compte tenu de la « barrière » que l’ouvrage constituera ; allongement des temps de liaison entre les trains à grande vitesse et le réseau régional ; la non-conformité aux normes sismiques ; l’obsolescence et l’absence de fiabilité des données et preuves sur le projet ; l’usage impropre de la méthode d’« observation ».

Sans entrer dans les détails, des similitudes impressionnantes sont apparues (dans certains cas, des processus calqués) dans les méthodes empruntées, comme le caractère autoritaire et centralisé des prises de décision, l’exclusion des populations et des administrations locales de ces décisions (ou leur implication purement de façade), l’insuffisance et (parfois) l’incongruité tangible des données apportées en appui à l’ouvrage, la conversion des questions politiques inhérentes à l’ouvrage en problèmes d’ordre public délégués à la police et la magistrature (en recourant aussi à des mesures législatives ou administratives spéciales en l’occurrence généralisées), les interventions bien lourdes de la police et de la justice interprétées par beaucoup comme des méthodes directes de dissuasion et/ou blocage d’une opposition et protestation naissante.

La gestion de l’affaire du TAV dans la Vallée de Suse n’est donc plus un épisode isolé mais devient une méthode répétée d’intervention dans le cadre des grandes questions de modifications de l’aménagement en cours du territoire et de son environnement.

III. QUALIFICATION DES FAITS ET CADRE DE RÉFÉRENCE DU DISPOSITIF

Une évaluation globale des rôles et de la responsabilité des différentes entités publiques et privées, qualifiées de promotrices et actrices du développement et de la gestion des grands travaux, et identifiées dans la documentation structurée et très précise portée à la connaissance du TPP (dont le résumé des éléments essentiels a été soumis à la séance précédente) peut se décliner en trois types de considérations.

3.1 La démocratie comme cadre de référence fondamental

Les processus de construction des systèmes démocratiques sont le produit d’un long parcours de conquêtes démocratiques des peuples qui ont permis de constituer un ordre des droits de l’homme, des droits sociaux, des droits politiques, des droits culturels qui sont le fondement et la garantie de la démocratie et de la légitimité des pouvoirs et des institutions de l’État.

Le système international a façonné la Charte fondamentale des droits humains qui représente la base de toutes les constitutions nationales. Elle a été ensuite renforcée par d’autres instruments internationaux. Plus récemment, y ont été stipulés nommément les groupes sociaux et les minorités ethniques, suite à leur demande de reconnaissance et d’autodétermination, dont une formulation plus générale est prévue à l’article 16 de la Déclaration universelle des droits des peuples, proclamée à Alger en 1976. Elle est considérée comme le cadre de référence spécifique (tant sur le plan doctrinal qu’opérationnel) pour les activités, les critères de fonctionnement et le jugement du TPP : « Tout peule a droit à la conservation, à la protection et à l’amélioration de son environnement ».

L’universalisation de ces droits en tant que principes fondamentaux de la vie en commun et de la gouvernabilité démocratique, reconnus même, à ce titre, au niveau constitutionnel, représente la trame constitutive de la notion d’intérêt public. Face au développement de situations environnementales et territoriales critiques, la communauté internationale et les pays, individuellement, ont élaboré d’autres cadres de référence qui ont consolidé les devoirs et les droits spécifiques des peuples et des États en vue d’une gestion durable des biens communs, des ressources naturelles et des territoires. Il convient de souligner plus particulièrement ici les conventions multilatérales sur l’environnement et certains documents plus précis tels que la Convention d’Aarhus qui prévoient des procédures obligatoires de participation des communautés locales à tous les processus décisionnels concernant la gestion de l’environnement et des territoires. Il convient surtout de mettre en lumière la protection des droits à l’accès à une information en temps voulu (opportune) et adéquate sur les projets dont le développement est proposé sur les territoires, la participation aux décisions prises dans le cadre des activités qui seront mises en œuvre et l’accès à la justice par des mécanismes juridiques administratifs dont la finalité est de résoudre les désaccords ou les divergences concernant ces processus.

Le respect substantiel du droit à la participation correspond, en ce sens, à l’instrument principal qui garantit et légitime des processus décisionnels dans le cadre de projets engageant les droits et territoires respectifs des personnes et des communautés locales, ainsi que l’examen de la nécessité de ces projets, dont peuvent éventuellement émaner des propositions alternatives à l’expression d’une opposition.

Toute limitation grave de l’exercice du droit à la participation entrave la garantie d’autres droits et se traduit par une violation de la gouvernabilité démocratique.

Dans ce cadre, apparaît clairement l’incidence dévastatrice des évolutions récentes du système économique et financier international et leur institutionnalisation progressive ainsi que la création d’un système de règles parallèles qui se prétendent indépendantes et hiérarchiquement supérieures au système du droit et des garanties démocratiques, au nom d’avantages à concéder à la croissance économique, condition première du bien-être et du développement.

3.2 Intérêt local et intérêt général

L’ensemble des témoignages a permis au TPP de refléter, d’une part, tout au moins dans les dossiers présentés au cours de ces journées, les limites de l’affirmation selon laquelle aucun intérêt local ne peut s’opposer totalement à ce qui est considéré comme l’intérêt général. D’autre part, les témoignages ont mis en lumière que le mode d’évolution de l’affrontement aux grands projets publics est emblématique d’une détérioration des rapports entre le politique, l’État et les citoyens.

La prise en considération du bon sens selon lequel prévaut l’intérêt du plus grand nombre auquel on peut absolument se rallier est valable lorsque des intérêts « qualitativement » semblables s’affrontent. Dans ces seuls cas, en réalité, l’élément déterminant (qui prévaudra) sera la « quantité » des intérêts en jeu. Le problème dans les cas qui nous occupent est que les intérêts en jeu font en premier lieu référence à la collectivité, la collectivité locale et celle sur la base de laquelle est défini l’intérêt général sont cependant différentes, ne sont pas définies de la même manière. Si les collectivités locales s’identifient à un territoire délimité et précis, la collectivité plus large renvoie à une idée de marché non seulement difficile à identifier mais aussi représentative de valeurs différentes. Les affaires soumises au débat n’opposent pas l’intérêt local à l’intérêt général, mais font référence à quelque chose de qualitativement différent. Il s’agit d’un affrontement de valeurs : d’un côté, les valeurs et les raisons de la société, dont l’acception est cependant délimitée géographiquement, et de l’autre, les valeurs et les raisons de l’économie. Une question qui peut être qualifiée de physiologique dans une économie de marché mais à laquelle il faut prêter la plus grande attention. Il ne faut pas oublier que l’économie de marché peut être considérée comme l’expression d’un pari qui prétend pouvoir faire coexister les impulsions du marché avec le respect des valeurs autour desquelles s’articule la construction d’une démocratie moderne et qu’il est donc toujours possible de trouver un équilibre entre des impulsions de nature différente.

Un tel équilibre n’implique pas que les forces du marché doivent toujours prévaloir que celle de la société, que cet équilibre ne peut se réaliser que par une confrontation ou rencontre ouverte et transparente aussi bien des parties en cause que de l’opinion publique.

C’est bien cette confrontation/rencontre qui, dans les cas soumis à l’examen, a de toute évidence fait défaut, d’une part, pour des raisons institutionnelles, c’est-à-dire le fait que les décisions aient été prises, dans le cas des grands projets, par des institutions techniques internationales, plus en cohérence sur le plan territorial avec les dimensions du marché, ce qui a rendu la mise en regard presque impossible dès la première phase du processus de prise de décisions. Par ailleurs, cette confrontation ou mise en regard ne se confond certainement pas avec l’adoption par les gouvernements nationaux des indications reçues de ces institutions. En outre, la confrontation a fait défaut lors du choix des institutions nationales qui ne peuvent apparaître comme un élément de rupture par rapport aux équilibres persistants. Une telle conduite semble être l’expression, plus ou moins consciente, de la volonté de poursuivre un projet de « société économique » répondant aux exigences de lois hypothétiquement économiques. Ainsi l’équilibre entre les raisons de l’économie et celles de la société sacrifient les secondes au bénéfice des premières, dont la seule finalité proposée comme plausible est la croissance du revenu, une croissance pour laquelle peuvent être sacrifiées d’autres valeurs à plus long terme.

Une société donc différente de celle conçue par les constitutions européennes et qui, faisant sienne l’idée d’un intérêt général qui se confond avec celui du marché, expose la politique au risque de se laisser écraser par les intérêts et la culture des grands pouvoirs économiques.

Le manque absolu de transparence dans la manière dont ont été décidés des investissements de cette importance et la « faiblesse » des arguments techniques, dont ont largement attesté les témoignages, se présentent donc au Tribunal comme des faits emblématiques et non occasionnels, comme l’expression ainsi de problèmes de nature plus générale qui ont à voir avec un changement d’attitude de la part du politique quant au rôle à attribuer à la dimension économique dans son rapport avec la dimension non économique ; en synthèse, il s’agit d’une relecture de la signification même donnée dans le passé à l’économie de marché mais aussi d’un changement qui coûte cher au fonctionnement de la démocratie au sens large et au rapport entre l’État, la société et le politique.

Les faits présentés au Tribunal au cours du débat, la dureté même de la confrontation dans les réalités géographiques, par ailleurs très différentes, peuvent – en ce sens – constituer un témoignage. Une politique qui fonde ses choix sur les indications des institutions internationales, et qui contraint systématiquement la société à s’adapter aux lois de l’économie, ne parvient plus à protéger les droits et engendre, en même temps, une perte de « qualité » de la démocratie. C’est pourquoi, en premier lieu et dans cette optique, l’État doit se réformer pour pouvoir imposer la logique de l’économie à celle du droit, surtout parce qu’il rompt son rapport de confiance avec les citoyens, une rupture qui, d’une part, rend possibles les agressions d’intérêts sectoriels contre le politique et, d’autre part, contraint le politique même à vivre de récits capables de créer une confiance émotionnelle à court terme, qui l’affaiblira ultérieurement, à long terme.

Dans l’optique donc d’une lecture des questions d’opposition entre un intérêt général et des intérêts particuliers, les témoignages présentés laissent entrevoir un meilleur respect de l’intérêt général dans les requêtes qui émanent des communautés locales que dans celles qui émanent du politique et des entreprises, et qui, dans ce dernier cas, étayent l’évidence construite autour de grands intérêts particuliers.

3.3. Les grands projets, un contre-modèle

Du portrait tracé globalement des grands travaux, qui se dégage de la documentation présentée lors de cette séance du TPP, il est aisé d’induire et de concevoir très simplement un modèle, ou plutôt un contre-modèle lorsque les critères de réflexion pris en compte sont les seuls critères de valeur du discours des promoteurs de ces grands travaux.

Il s’agit habituellement de projets énormes qui transforment significativement la réalité physique dans laquelle ils s’insèrent, qui engendrent régulièrement des effets dévastateurs sur l’environnement, qui modifient ainsi gravement et de manière irréversible le cadre de vie des communautés ainsi frappées. Si tels sont bien les effets des grands projets sur le plan socio-structurel, ils sont tout aussi négatifs pour l’ordre institutionnel. Il ne peut en être autrement compte tenu de la nature même de ces projets qui impose un mode opératoire qui se traduit dans la mise en œuvre de véritables états d’exception, au sens propre du terme, et de l’environnement juridico-politique qui les accompagne. C’est ainsi que devrait se qualifier un plan de travaux qui, dans le cas italien, a besoin d’attribuer à des centaines d’entre eux le caractère de « stratégiques », qui équivaut à une militarisation, pour verrouiller les interrogations et les questions qui émanent d’une opinion, à juste titre, alarmée.

Les gouvernements issus des urnes ont les compétences constitutionnelles pour réaliser des projets qui ont un ancrage physiologique et sont introduits dans leurs programmes électoraux qu’ont soutenus les citoyens par leur vote. Dans de telles conditions, on peut légitimement imposer aux citoyens, ou à l’une ou l’autre partie, d’éventuels sacrifices proportionnels et suffisamment justifiés, dans le respect des procédures prévues par la loi. Ce type d’options, soumis à la surveillance de la corrélation moyens/finalités d’une rationalité manifeste, relève de la normalité de la politique en démocratie.

Le problème naît d’une absence de ratio de ce genre. Une telle absence pourrait se produire lorsque les finalités ne sont pas reconnaissables constitutionnellement : ou parce que, bien qu’elles les soient, elles n’ont pas été prises en considération dans le cadre des moyens avec toute la cohérence nécessaire. Plus encore, et c’est l’hypothèse la plus grave, lorsque – selon les données disponibles – les moyens ou les finalités, voire les modes de procéder, sont objectivement inacceptables.

Eh bien, c’est le cas des grands travaux envisagés. On peut donc en induire qu’ils ne répondent pas aux finalités de l’intérêt général proclamé par les promoteurs, un élément qui en soi serait déjà un facteur puissant de dé-légitimation. Mais par ailleurs, il arrive que sur le plan des moyens et des procédures utilisées, leurs agissements rompent le cadre de référence juridique et réglementaire qui doit soutenir tout exercice d’administration et de pouvoir dans une démocratie constitutionnelle.

L’état d’exception évoqué gagne d’emblée en visibilité à la lumière de l’identité des acteurs authentiques du processus décisionnel, des véritables responsables des choix, bien établis au sein d’enceintes extra-institutionnelles opaques et, par conséquent, échappant au rayon d’action des dispositifs de contrôle qui fonctionnent, tout au moins en principe. En deuxième lieu, se servant d’opérateurs institutionnels en mains propres ou non, ils se dotent de procédures ad hoc pour agir, au nom de l’efficacité (efficacité sans principes), dans le cadre d’une formalité/informalité atypique qui les rend effectivement irréprochables.

L’opacité des finalités véritablement poursuivies a besoin de formules obscures dans sa programmation et la présentation des activités entreprises, substituant le secret à la transparence qui est, par excellence, le bouillon de culture du pouvoir autoritaire.

Dans des contextes au moins formellement démocratiques, habités par des citoyens titulaires non seulement de droits, mais aussi de l’exercice de la prise de décision, il est inévitable que les modes de procéder, qui ont été déclinés, génèrent la revendication, plus que justifiée, de connaître précisément ces sujets d’autant plus qu’ils concernent directement et profondément ces citoyens. Et il est aussi clair que cette volonté de savoir, portée par les mouvements qui ont demandé cette séance du TPP, est doublement légitime, avant tout parce qu’il s’agit d’un intérêt direct, confronté au risque grave de violations de droits inaliénables et, en second lieu, parce qu’elle s’exerce dans des affrontements à des sujets et des formes d’exercice du pouvoir qui, agissant en marge des règles, sont plus que d’autres des formes d’exercice du pouvoir de fait, dans la mesure où elles sont intégrées aux institutions ou s’en servant.

C’est la raison pour laquelle la légitimité, plus que contestable, des options, décisions, procédures et pratiques qui en découlent, est très justement mise en discussion dès le début et s’inscrit dans une continuité emblématique, par la forme et la qualité des réactions intolérables, aux inquiétudes et interrogations justes des communautés concernées.

Au large éventail des protestations répond une stratégie de pénalisation de la protestation. Ce sont non seulement les décisions et le débat qui sont confrontés à des comportements qui enfreignent gravement les droits et les intérêts vitaux de fractions importantes de la population, mais cette population est également soumise à une nouvelle forme de violence, une violence qui s’ajoute à la violence.

D’autre part, l’opacité et le peu de clarté qui entourent le choix des objectifs, les processus décisionnels et le développement même des grands projets, deviennent d’autant plus intolérables que se prolonge la manipulation des grands médias sur les mouvements qui s’opposent à ces grands projets. Les médias se convertissent en agents de désinformation, voire de contamination. Les organes de presse pourraient être considérés comme étant au service des promoteurs et des bénéficiaires des grands projets compte tenu de l’appartenance commune des propriétaires des titres à la même sphère d’intérêts.

Une espèce de cercle vicieux antidémocratique et oligarchique enserre ainsi les populations déjà victimes des grands travaux, opérés par des intérêts perçus comme très puissants, de grands acteurs économiques, qui instrumentalisent dans leur intérêt propre et exclusif les ressources institutionnelles du système démocratique. Les médias qui devraient garantir le droit fondamental et véritable à l’information s’avèrent être des complices objectifs.

Pour les raisons évoquées synthétiquement, il convient de conclure que la stratégie des grands travaux symbolisés par le TAV :

  • compte tenu de la manière dont les choix sont effectués, de leur intervention dans l’espace de la politique des centres économiques décisionnels qui échappent à son contrôle ;
  • compte tenu de la dissimulation des finalités réellement poursuivies, de l’enrichissement privé, contraire à l’intérêt commun ;
  • compte tenu des procédures, qui se caractérisent par l’exceptionnalité et le secret (la confidentialité) ;

constitue une métaphore anticipatoire de ce qu’est devenue la gestion de la crise à l’échelle mondiale. Étant régie par les sièges des institutions, différents de ceux de la démocratie représentative des pays respectifs, auxquels ils imposent leurs intérêts, ils s’opposent et sont étrangers à ceux des citoyens concernés ainsi privés de leurs droits, tout en réduisant le rôle des institutions constitutionnelles à celui d’une simple prestation de services policiers et de maintien de l’ordre public.

C’est précisément la raison pour laquelle mettre en discussion et s’opposer, en faisant usage de la raison et du droit, à cette politique et aux pratiques qui en résultent dans la phase de réalisation, ne constitue pas seulement la défense des intérêts légitimes des personnes directement concernées mais se traduit de fait en une contribution précise au rétablissement de l’ordre constitutionnel comme unique cadre légitime de la politique démocratique qui ne peut ignorer une culture claire de soutien de la part des citoyens.

DISPOSITIF

LE TRIBUNAL PERMANENT DES PEUPLES

Considérant la Déclaration Universelle des Droits des Peuples adoptée à Alger en 1976 et en particulier les articles 7 et 10 ;

Considérant l’ensemble des traités internationaux et des autres instruments de protections des droits humains, aussi bien les droits civils et politiques que les droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux ;

Considérant en particulier l’art. 21 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 et l’art. 25 du Pacte international relatif aux Droits civils et politiques du 16 décembre 1966, qui reconnaissent le droit de toutes les personnes à participer aux questions d’intérêt public ;

Considérant la Convention sur l’accès aux informations, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement adoptée à Aarhus le 25 juin 1998, dont sont membres 47 États parmi lesquels l’Italie, depuis le 13 juin 2001, et la France depuis le 8 juillet 2002, et approuvée par l’UE par la décision 2005/370/CE du Conseil du 17 février 2005 dont l’application partielle au niveau communautaire a été entérinée par la Directive 2003/4/CE relative à l’accès de la société civile à l’information en matière d’environnement et la Directive 2003/35/CE relative à la participation du public dans les procédures relatives à l’environnement ;

Considérant la Directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement modifiée par la Directive 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidents des projets publics et privés sur l’environnement et la Directive 2014/52/UE du 16 avril 2014 ;

Considérant l’ensemble des preuves documentaires et les témoignages qui ont été présentés au cours de cette session,

ESTIME

que l’art. 1 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, qui affirme que “Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit” et surtout qu’ils sont “doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité”, doit être mentionné. Le concept de fraternité, trop souvent remplacé par celui de solidarité, a une valeur constitutionnelle en droit français (Préambule et art. 2, Constitution française, 4/10/1958) et renvoie à l’idée que c’est justement sur la fraternité entre les hommes au niveau mondial et sur sa dimension intergénérationnelle que se base l’impératif de protection de l’environnement. Par conséquent, il est important de restituer au concept de fraternité sa valeur juridique, comme principe actif qui inspire, guide et fournit un cadre de référence à l’élaboration des lois. Dans la Constitution italienne, qui considère l’accomplissement des devoirs de solidarité politique, économique et sociale comme obligatoire et indérogeable, le principe de fraternité est absent, mais l’exigence de réalisation des dits devoirs renvoie de fait à la notion de fraternité telle qu’elle est utilisée dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. C’est ce principe fondamental de “fraternité” qui est au cœur des revendications des personnes qui se sont mobilisées contre le TGV Lyon-Turin, ce grand projet dont l’utilité n’a pas pu être documentée.

LE TRIBUNAL prenant acte des tendances culturelles et juridiques qui vont désormais s’affirmant et qui sont garanties par des traités et par les normes internationale citées ci-dessus concernant les comportements en matière de construction de grands projets, entendus comme projets qui peuvent avoir d’importants effets sur le territoire et l’environnement tels qu’énumérés dans les annexes à la Convention d’Aarhus.

RECONNAÎT

parmi les droits fondamentaux des individus et des peuples, le droit de participer aux procédures de délibération relatives aux dits projets. Ce droit, en plus d’être l’expression du droit des individus et des peuples à prendre part à la direction des affaires publiques – tel qu’établi dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (art. 21) et dans le Pacte relatif aux Droits civils et politiques (art. 25) – sert les principes de la démocratie et de la souveraineté populaire et garantit le respect effectif des autres droits humains, y compris le droit à l’environnement et à des conditions de vie conformes à la dignité humaine des individus et des communautés locales concernées par les projets.

ESTIME

blâmables tous les États qui, en droit et en fait, ne s’ouvrent pas à des formes efficaces de participation – dont le modèle peut être puisé dans la Convention d’Aarhus – dans les procédures relatives aux grands projets.

DEMANDE

par conséquent à tous les États, en Europe et dans le monde, de se doter des règles nécessaires et de les observer. Les cas présentés au cours de la session du TPP par les représentants des communautés du Val de Suse, de Notre-Dame-des-Landes, de HS2 Londres-Birmingham, de Roșia Montană, des Pays Basques de France et d’Espagne, de Stuttgart, de Venise, de Florence, de la Basilicate et des régions d’Italie concernées par les projets de forage, de Messine et de Niscemi, et de tous les autres projets pris en considération, attestent un modèle généralisé de non-conformité opérative à ces principes de la part d’un grand nombre de gouvernements et de collectivités publiques ainsi que des concessionnaires des grands projets.

LE TRIBUNAL

JUGE ILLÉGITIME cette conduite procédurale et la dénonce devant l’opinion publique mondiale et

DÉCLARE

- que dans le Val de Suse les droits fondamentaux des habitants et des communautés locales ont été bafoués. D’une part les droits de nature procédurale, comme les droits relatifs à une information pleine et entière sur les objectifs, les caractéristiques et les conséquences du projet de la nouvelle ligne ferroviaire entre Lyon et Turin (désignée en Italie par l’acronyme TAV) initialement prévus par l’Accord bilatéral entre la France et l’Italie du 29 janvier 2001 ; le droit de participer, directement et à travers leurs représentants institutionnels, aux processus décisionnels relatifs à l’intérêt et, le cas échéant, à l’élaboration et à la réalisation de la ligne TGV ; le droit d’avoir accès à des voies judiciaires efficaces pour exiger la reconnaissance des dits droits. D’autre part les droits fondamentaux civils et politiques, comme la liberté d’opinion, d’expression, de manifestation et de circulation, ont été bafoués, conséquence des stratégies de criminalisation du mouvement de contestation qui seront détaillées ultérieurement.

- que ces violations ont été commises aussi bien par commission que par omission. D’un côté l’omission d’une étude sérieuse sur l’impact écologique du projet dans son ensemble avant son autorisation ; une information complète et véridique n’a pas été garantie dans les justes délais aux communautés concernées ; les individus et les communautés locales ont été exclus de toute procédure effective de participation aux délibérations et au contrôle de la réalisation des projets, au profit de procédures de participation fictives et inefficaces ; aucune suite n’a été donnée aux procédures engagées devant les tribunaux pour faire valoir les droits d’accès à l’information et à la participation aux processus décisionnels. De l’autre côté des violations qui s’avèrent le produit d’actions délibérées et planifiées : la diffusion d’informations erronées et la manipulation des données relatives à la nécessité, à l’utilité et à l’impact des travaux ; la simulation d’un processus participatif avec l’institution de l’Observatoire pour la liaison ferroviaire Lyon-Turin, qui en arrivera à exclure les dissidents (Décret de la Présidence du Conseil des Ministres italienne du 19 janvier 2010), et à annoncer un accord inexistant, l’Accord de Prà Catinat de juin 2008, largement utilisé auprès de l’opinion publique et des institutions européennes ; l’adoption de mesures législatives ayant pour objectif l’exclusion de la participation des citoyens et des communautés locales ; la stratégie de criminalisation du mouvement de contestation par des manœuvres administratives, législatives, judiciaires et policières, qui incluent entre autres un acharnement pénal démesuré, l’imposition répétée d’amendes excessives, et l’emploi disproportionné de la force.

- en particulier, que les territoires visés par la construction de grands projets ont été abusivement déclarés “zone d’intérêt stratégique”, soumises à des régimes spéciaux qui modifient et interfèrent avec les compétences de gestion du territoire, excluant les administrations locales conformément à la Loi n° 443 du 21 Décembre 2001, mieux connue Loi Objectif (Délégation au Gouvernement  en matière des infrastructures et des installations stratégiques de production et d’autres mesures visant à stimuler la production), et au Décret-loi n° 190 du 20 Août 2002 (Application de la Loi du 21 Décembre 2001, n. 443, pour la construction des infrastructures et des installations stratégiques de production et d’intérêt national) ou au Décret-loi n° 133 du 12 Septembre 2014 (Mesures urgentes pour l’ouverture des chantiers, la réalisation des travaux publics, la numérisation du Pays, la simplification bureaucratique, les urgences liées aux instabilités  hydrogéologiques et la reprise des activités de production). Les variations ultérieures de la position du Gouvernement dans l’utilisation de la Loi Objectif dans le cas TAV objectif ont conduit, sur la base de fausses informations, à la sentence  de la Cour Administrative du Latium, saisi sur ce point par la Communauté de Montagne, que dans son jugement (Sentence 02372-2014 Tar Latium 04637-2011 Reg. Ric), a déduit d’une note ministérielle la preuve que le projet n’est jamais sorti du cadre de la Loi Objectif, tandis que l’annexe au 7ème  DPEF 2010-2013, cité par la note ministérielle, atteste exactement le contraire. La sentence est irrévocable parce que elle n’a pas pu être contestée par la  Communauté de Montagne, puisque la même a été déclarée dissoute par Décret de la Région Piémont après seulement trois jours de la notification du susdit jugement.

- que les centaines de projets réputés stratégiques peuvent être assujettis (comme c’est le cas dans le Val de Suse) à un contrôle policier et militaire et interdits aux citoyens. Dans le cas du chantier du tunnel de la Maddalena de Chiomonte (Projet Lyon-Turin), d’une part, l’article 19 de la Loi 12 Novembre 2011, n. 183 (mieux connue comme « Loi de Stabilité » ou « Loi de Finance 2012 ») prévoit, sous la rubrique «Aide à la mise en place du corridor Turin-Lyon et du Tunnel routier du col de Tende »  que « les zones et sites de la ville de Chiomonte, identifié pour l’installation du chantier du tunnel géognostique et pour la construction du tunnel de base de la ligne ferroviaire entre Turin et Lyon, sont des domaines d’intérêt stratégique national », en déployant sur ce site des troupes de l’armée italienne. D’autre part, on a procédé à une application erronée de l’art. 2 du Code de la Sécurité publique, en élargissant d’une façon exagérée l’aire concerné, et en transforment une décision, qui ne pouvait être que transitoire, en mesure permanente à travers des ordres ultérieurs du Préfet de Turin qui ont émergés à partir du 22 Juin 2011, qui ont assigné la zone adjacente au chantier à la police, en empêchant l’accès, le stationnement et le mouvement dans les zones environnantes. Dans leur visite dans la zone le membres d’une délégation de la TPP ont été traités comme des criminels potentiels. Les conséquences sur la vie quotidienne des habitants ont été considérables, tant au niveau des obstacles au déroulement normal de leurs activité professionnelles (déplacement entre leur lieu de résidence et leur lieu de travail agricole) qu’au niveau du préjudice moral représenté par les contrôles d’identité continuels, les autorisations ou les refus de passage arbitrairement délivrés par les forces de l’ordre, ou par le fait de se voir réduits, en temps de paix, au rôle d’observateurs impuissants de l’occupation de leurs propres terres par les forces armées nationales avec une action directe contre de citoyennes et citoyens de leur propre Etat.  Dans ce contexte, la liberté de penser et le droit de réunion, considérées questions de sécurité publique, sont réprimés et ceux qui y prennent part accusés de terrorisme, abandonnant à la répression policière et judiciaire des problèmes d’ordre démocratique et social.

- que les personnes qui se mobilisent contre le TGV Lyon-Turin, contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou contre d’autres projets doivent être considérés comme des “lanceurs d’alerte” dans la mesure où ils dénoncent des violations du droit qui peuvent avoir de graves conséquences sociales et écologiques et qu’ils tentent, par des voies légales, d’alerter les autorités pour mettre fin à des agissements contraires aux intérêts de la société toute entière. Universitaires, professionnels, fonctionnaires, travailleurs agricoles, n’importe qui peut jouer ce rôle. En droit européen les règles et recommandations qui définissent le statut de “lanceur d’alerte” sont nombreuses et précises : ces règles sont contraignantes pour les juridictions des pays membres (Conseil de l’Europe, Résolution 1729(2010) du 29 avril 2010 et recommandation CM/Rec(2014)7 du 30 avril 2014).

- que le recours au dénigrement et à la criminalisation du mouvement de contestation est la preuve la plus évidente de l’inconsistance et du manque de crédibilité des arguments des promoteurs des grands projets, qui visent à convaincre les personnes et les communautés touchées de la qualité et des avantages des projets. Les principaux médias, en relayant une désinformation explicite soumise aux intérêts de leurs propriétaires, jouent dans cette affaire un rôle déterminant et renient leur mission d’information.

- que l’autorisation de lancement des travaux du tunnel de la Maddalena est particulièrement grave, puisqu’elle a été décidée au mépris : du principe de précaution, sans la moindre étude préliminaire de l’impact sur l’environnement ; capable de définir correctement le risque actuel et futur découlant de la présence possible d’amiante et d’uranium, et l’impact sur l’équilibre hydrologique ; du principe de prévention puisqu’aucun programme d’analyse et de traitement des matériaux extraits n’a été mis en place. Il convient de noter, en passant, que cela a entraîné la destruction délibérée et injustifiable d’une nécropole datés de 4000 ans avant J.-C., ce qui représente un élément fondamental du patrimoine archéologique de la région, ce qui démontre le manque absolu de sensibilité sociale et culturelle de ses auteurs.

- que la responsabilité de ces violations doit être imputée en premier lieu aux gouvernements italiens qui se sont succédés au cours des deux dernières décennies, aux autorités publiques responsables de la prise des décisions et des mesures dénoncés ci-dessus, aux promoteurs du projet et à l’entreprise chargée de son exécution, la TELT (Tunnel Euralpin Lyon Turin).

- que la responsabilité de ces violations doit également être imputée à l’Union européenne qui, en omettant d’apporter des réponses concrètes aux plaintes réitérées formulées par les communautés touchées et présentées devant la Commission des pétitions du Parlement européen et en se ralliant aveuglément aux positions de l’état italien, permet le renforcement et, plus grave encore, le cofinancement d’un projet qui se développe en violation patente du principe de précaution, tel que stipulé dans l’art. 191 du Traité de fonctionnement de l’UE, et des directives européennes sur l’évaluation des incidences des projets sur l’environnement, sur l’accès à l’information et sur la participation à l’adoption des décisions concernant l’environnement en faussant ainsi les critères de priorité qui comprennent la construction des liens qui ne sont pas encore complétés et l’élimination des goulets d’étranglement, en particulier dans les sections transfrontalières selon les normes et réglementations européennes applicables (Règlement UE nº  1315/2013 du Parlement et du Conseil du 11 décembre 2013, sur les orientations de l’Union pour le développement du Réseau Transeuropéen de Transport, et le Règlement n° 1316/2013 du Parlement européen UE et du Conseil du 11 Décembre de 2013 établissant le « Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe ».

- qu’il convient de souligner le comportement particulièrement grave et insensible du coordinateur européen pour le corridor TEN-T Méditerranéen, Laurens Jan Brinkhorst, qui a contribué à diffuser des informations non-vérifiées et à jeter le discrédit sur le mouvement de contestation des communautés du Val de Suse, en les stigmatisant comme violentes et peu représentatives.

- que la non-application des principes voués à assurer la participation pleine et effective des citoyens, abondamment documentée dans le cas du Val de Suse, n’est pas un cas isolé en Italie comme on a eu l’occasion de constater dans tous les cas présentés aux audiences publiques et que le TPP a connu dans de nombreux autres focalisées sur de citations extra européennes.

- que tout ce qui vient d’être souligné semble démontrer l’existence d’un modèle bien rôdé de gestion du territoire et des dynamiques sociales chaque fois qu’un scénario d’approbation et de réalisation de grandes infrastructures est engagé : les gouvernements, au service des grands intérêts économiques et financiers, nationaux et supranationaux et de leurs institutions, disposent sans limite ni contrôle de leurs territoires et de leurs ressources : les opinions, les arguments, et plus encore le ressenti des populations directement touchées sont totalement occultés. Cela représente, au cœur de l’Europe, une menace extrêmement grave contre l’essence de l’état de droit et du système démocratique, qui doit nécessairement être fondé sur la participation et le respect des droits et de la dignité des personnes.

Cette Session a permis au TPP d’apprécier et de partager l’immense capacité des communautés du Val de Suse à mettre en commun leurs énergies et leurs connaissances, fruits de compétences scientifiques et techniques et de savoirs partagés dérivant d’une vie et d’un travail quotidien profondément ancrés sur le terrain, qui ont permis de construire une réalité informée et un récit cohérent, convaincant, et de mener pendant 25 ans une lutte exemplaire pour la défense de leurs droits fondamentaux.

RECOMMANDATIONS

Constatant que, dans le cas de la ligne TGV Lyon-Turin, de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et dans tous les cas examinés, italien (la digue Moïse de Venice, la ligne TGV de Florence, le MUOS de Niscemi, la centrale solaire thermodynamique en Basilicate, les projets de forage disséminés sur le territoire italien, le pont de Messine, l’autoroute Orte-Mestre, le bassin des Alpes Apuanes) et européens (les lignes TGV de France, des Pays basques, du Royaume-Uni, et la mine d’or de Roșia Montană en Roumanie), au cours de cette session dédiée aux “Droits fondamentaux, participation des communautés locales et grands projets”, nombreux droits fondamentaux comme le droit à l’information et à la participation des citoyens ont été bafoués,

LE TRIBUNAL PERMANENT DES PEUPLES

Recommande aux États français et italiens, dans le cas du TGV Lyon-Turin, de procéder à de des consultations sérieuses des populations concernées, en particulier les habitants du Val de Suse, afin de garantir leur possibilité de se prononcer sur la pertinence et l’opportunité du projet et de faire valoir leurs droits à la santé, à l’environnement, et à la protection de leur milieu de vie. Ces consultations devront avoir lieu sans omettre aucune donnée technique sur l’impact économique, social et écologique du projet et sans manipuler ou déformer l’analyse de son utilité économique et sociale. Il conviendra d’examiner toutes les possibilités sans écarter l’option “Zéro”. Tant que cette consultation populaire, sérieuse et complète n’aura pas été garantie, la réalisation du projet doit être suspendue dans l’attente des résultats, qui doivent être en mesure de garantir les droits fondamentaux des citoyens.

Recommande à l’État français, dans le cas de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, de présenter une étude documentée sur l’opportunité et la nécessité du projet et sur ses conséquences sociales, économiques, écologiques, et de suspendre la réalisation du projet.

Recommande au Gouvernement italien de revoir la Loi Objectif de Décembre 2001, qui exclut totalement les collectivités locales des procès décisionnels liés au projet, ainsi que le Décret Déverrouiller l’Italie de Septembre 2014 qui officialise le principe selon lequel il n’est pas nécessaire de consulter les populations concernées dans la prise de décision dans les projets qui transforment le territoire.

Le contrôle militaire du territoire dans la zone du projet de la Vallée de Susa est un usage disproportionné de la force. Dans un Etat démocratique en temps de paix, l’armée ne peut pas intervenir dans les affaires intérieures, de restreindre les droits des citoyens garantis par la Constitution, par  la Déclaration universelle des droits de l’homme et par la Convention européenne des droits de l’homme.

Recommande au gouvernement italien de suspendre l’occupation militaire de la zone du Val de Suse.

L’État doit également s’abstenir de criminaliser le mouvement de contestation citoyen justifié par l’absence de concertation et protégé par la Constitution et par de nombreux instruments internationaux ratifiés par l’Italie. Le TPP recommande à l’État de ne pas entraver l’expression de la contestation sociale.

Demande à la Surintendance pour les biens archéologiques du Piémont d’inspecter le site archéologique de La Maddalena afin de vérifier les dommages causés par des moyens militaires, selon les témoignages recueillis sur le site aussi par la Cour, afin de prendre les mesures nécessaires de sauvegarde  et de la nécessaire restauration.

Demande aux institutions européennes compétentes, Commission européenne et Commission des pétitions du Parlement européen, d’examiner avec tout le sérieux nécessaire et d’un œil critique les projets présentés par les entreprises concessionnaires et les États, en prenant en considération l’intérêt réel des communautés touchées et des populations en général.

Recommande aux gouvernements de n’envisager la réalisation des grands projets qu’au terme de procédures techniques participatives sérieuses et efficaces qui démontrent la réelle nécessité de remplacer ou de compléter des infrastructures existantes, et à condition que l’impossibilité d’effectuer des améliorations significatives ait été établi. De donner la priorité, plutôt qu’aux grands projets, aux programmes vastes et efficaces qui concernent les services et les travaux d’intérêt vital et quotidien de la vie des citoyens, tels que les travaux de contraste aux phénomènes hydrologiques et hydrogéologique et les situations de dégradation et de manque d’entretien des immeubles et de transport d’intérêt public.

Le Tribunal recommande aux mouvements sociaux, aux associations et aux comités qui luttent ou pourraient lutter contre les violations des obligations énoncées ci-dessus en matière de grands projets, sur l’exemple de la stratégie pacifiquement adoptée en Val de Susa, d’exercer avec toute la vigueur nécessaire leur droits, de réclamer aux États et autres sujets tenus d’assurer la participation du public aux procédures de délibération des grands projets la mise en place des dites procédures dès le départ et tout au long des délibérations, comme stipulé par la Convention de Aarhus ; ainsi que d’actionner tous les leviers  légitimes pour les y contraindre en cas de manquement aux dites obligations, en particulier le recours au Comité d’examen du respect des dispositions de la Convention de Aarhus.

Enfin, les États ont le devoir constitutionnel de protéger les droits de leurs citoyens. Ils doivent par conséquent assurer cette protection contre les lobbies économiques et financiers nationaux ou transnationaux en examinant chaque projet selon les critères définis par les différents traités internationaux, en particulier la Convention de Aarhus du 25 juin 1998 qui prévoit une information juste et efficace, la participation effective des citoyens tout au long du processus de décision et l’obligation pour les institutions compétentes de prendre en compte de manière appropriée les résultats de la participation des citoyens.


Annexe 1

TRIBUNAL PERMANENT DES PEUPLES

Droits fondamentaux, participation des communautés locales et grands travaux

Du TAV à la réalité mondiale

Turin, Almese, 5-8 novembre 2015

PROGRAMME

Jeudi, 5 novembre, Turin – Fabbrica delle “E”

9H00

OUVERTURE DE LA SÉANCE

Gianni Tognoni (Secrétaire général du Tribunal)

Lecture de l’acte d’accusation

Livio Pepino (Controsservatorio Valsusa – Controbservatoire Valsusa)

9H30 – 19H00

LE TAV DANS LA VALLÉE DE SUSE ET LA NÉGATION DE LA PARTICIPATION

1. La situation de la Vallée de Suse en général

Rapporteur Ezio Bertok (Controsservatorio Valsusa)

Audition de témoins et projections de films

2. La négation de la participation : manipulation des données et des prévisions

Rapporteur Angelo Tartaglia (professeur du Politecnico de Turin, membre de la Commission technique Comunità montana Val Susa e Val Sangone)

Audition de témoins et de conseils

3. L’exclusion des citoyens et des institutions des processus décisionnels

Rapporteur Luca Giunti (naturaliste, membre de la Commission technique Comunità montana Val Susa e Val Sangone)

Audition de témoins

4. La substitution de la répression au dialogue

Rapporteur Paolo Mattone (Controsservatorio Valsusa)

Audition de témoins et projections de films

13H15 – 14H30

Déjeuner de travail

****

Vendredi, 6 novembre, Turin – Fabbrica delle “E”

 9H00 – 19H00

GRANDS TRAVAUX ET ATTEINTES AUX DROITS FONDAMENTAUX DANS LE MONDE

1. La situation italienne (plus particulièrement, le pont de Messine, l’autoroute Oerte-Mestre, les forages, la gare de Florence, le regazéificateur de Livourne)

Rapporteur Tiziano Cardosi (Forum contre les Grands Projets Inutiles et Imposés)

 Sous la loupe :

Mose à Venise (Armando Danella e Cristiano Gasparetto)

Muos à Niscemi (Sebastiano Papandrea)

2. La situation européenne (plus particulièrement, Hs2, lignes ferroviaires à grande vitesse  – Pays Basques, Stuttgart 21, mine d’or de Roșia Montană)

Rapporteuse Sabine Bräutigam (Forum contre les Grands Projets Inutiles et Imposés)

Sous la loupe :

Aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Geneviève Coiffard-Grosdoy, Françoise Verchère, Thomas Dubreuil)

La procédure du débat public en France (Daniel Ibanez)

3. La situation de l’Amérique latine

Rapporteur Andrés Barreda (Faculté d’économie, Université nationale autonome de Mexico)

 13H15 – 14H30

Déjeuner de travail

 * * * * *

Samedi, 7 novembre, Turin – Fabbrica delle “E”

9H00 – 11H00

Espace pour des déductions et plaidoiries des destinataires de l’acte d’accusation

11H00 – 12H30

REQUISITOIRES FINAUX

Livio Pepino (Controsservatorio Valsusa)

12H30

Clôture de la séance publique

* * * * *

Dimanche, 8 novembre, Almese – Teatro Magnetto, 16H00

LECTURE DU DISPOSITIF DU JUGEMENT


Annexe 2

Acte d’accusation – Livio Pepino

 1. Je commence, dûment, avec une salutation et un remerciement au Tribunal permanent des peuples pour être ici, aujourd’hui, en réponse à la pétition déposée en avril dernier par le Contre-observatoire Valsusa et par les gérants du Val. Dans cette pétition nous avons demandé au Tribunal deux choses.  Avant tout de vérifier « que dans l’affaire de la conception et construction de la nouvelle ligne ferroviaire Tourin-Lyon il y a eu des violations graves et systématiques des droits fondamentales de la communauté du Val de Suse ». Et puis, de dire que la question que nous avons posée ne concerne pas seulement une petite vallée alpine, mais ce n’est que la pointe de l’iceberg d’une situation générale dans laquelle « les choix relatifs à la vie et au futur d’entières communautés sont soustraites – même au cœur de l’Europe – aux populations intéressées et qui se sont faites charge de grands pouvoirs économiques et financiers : une situation où la violation des droits fondamentaux des personnes et des peuples se passe de façon moins brutale de ce qui s’est produit en d’autres affaires examinées par le Tribunal, mais qui représente la nouvelle frontière des droits, devant des attaques qui mettent en danger l’équilibre même (écologique et démocratique) de la planète.

Nous exposeront dans la suite de cette session, nos raisons, et les soutiendront par des documents, des témoignages, des  films, des contes. Nous vous démontreront avec les mots de ceux qui, depuis plus de 25 ans, attendent d’avoir la possibilité de parler même dans des sièges institutionnels et qu’aujourd’hui sont ici – arrivés en masse du Val de Suse et non seulement – pour dire que finalement c’est une belle journée. Aujourd’hui, à l’occasion de l’ouverture des travaux de la session du Tribunal, je me limite à les résumer.

2. Depuis toujours la défense des droits fondamentaux a vu, à côté et à soutien de la mobilisation des populations intéressées (qui en est et en reste la présence fondamentale), l’engagement des particuliers et des institutions. Même sur le côté  judiciaire ou (comme dans ce cas) sur les côtés en quelque sorte assimilables.

Jadis, à l’époque romaine, il était possible pour un citoyen individuel (d’autant plus pour un groupe de citoyens) d’agir en justice contre le gouvernement en protégeant l’intérêt général. Et cela aujourd’hui est prévu, avec une extension différente, dans les Constitutions du Brésil, de la Bolivie, de la Colombie. Non en Italie, où une jurisprudence administrative formaliste et anachronique continue à estimer non légitimé à agir le citoyen qui n’a pas un intérêt personnel de type économique. Non en Europe, malgré les ouvertures prudentes de la Cour des droits de l’homme. Non dans le scénario des organismes internationaux, supposé que la Cour pénale internationale a voire exclu de sa compétence les crimes économiques.

Pour cela, nous – et avec nous les communautés de Notre Dame des Landes, de Londres, de Birmingham et Manchester, de Roșia Montană et Corna en Roumanie, de Venise, de Florence, de la Basilicate de Niscemi et de beaucoup d’endroits d’Italie, d’Europe et du monde, nous nous somme adressés au TPP pour avoir une réponse à notre demande de justice, restée lettre morte.

3. Nous savons que le jugement du Tribunal sera limité aux profils concernant la démocratie et la participation des citoyens aux choix qui les intéressent. Nous nous en tiendront, en continuant à faire valoir – ailleurs – ainsi que nous le faisons depuis 25 ans – des autres bonnes raisons  que nous avons. Mais il est nécessaire une référence générale à la situation du Val de Suse, notamment afin qu’il soit clair à tous de ce que nous parlons, et quels sont les droits, les biens, les attentes sur les quelles nous demandons de nous pouvoir exprimer et de recevoir des réponses.

La proposition d’une nouvelle ligne ferroviaire entre Tourin et Lyon naît à la fin du XXème siècle. La prévision initiale d’une ligne à grande vitesse pour les passagers, au fil du temps a été transformée en celle d’une ligne destinée même au transport des marchandises (étant donné la chute verticale de la demande de transport des personnes). Le projet actuel prévoit une ligne de 270 km dont 144 en territoire français, 58 de tunnel transfrontalier et autres 68 en territoire italien, influentes sur la partie moyenne et la partie basse du Val de Suse.

Dès la présentation du premier projet, dans le Val il s’est développé une forte opposition avec l’entraînement de la population, des gérants locaux, des experts de plusieurs disciplines, qui ont mis en évidence beaucoup des aspects critiques. Les rasions de l’opposition concernaient et concernent la protection de l’environnement et de la santé de la population (en étant, entre autre, la montagne a creuser riche en amiante et uranium), l’inutilité de la nouvelle ligne (en étant celle historique utilisée seulement à 20 pour cent de ses potentialités), le gaspillage de ressources en une période de crise économique très grave (en ayant supposé que dix mètres de TGV coûtent plus d’un million et demi d’euro) et surtout, aux fins qu’ici on relève, (le caractère autoritaire de la décision de construire l’ouvrage, arrivée en dépassant la population et les institutions locales. Autour de ces contenus et ces revendications, au fil du temps il s’est structuré un mouvement d’opposition désormais connu, même au niveau national et international, profondément enraciné dans le territoire et capable de manifestations avec des dizaines de milliers de personnes. Donc, ce mouvement, dans toutes ses articulations (même celles institutionnelles) a été systématiquement exclus de toute décision. Exactement comme il s’est produit pour faire référence aux sessions précédentes du Tribunal, en Amazonie et au Tibet, au Guatemala et au Canada, et en plusieurs d’autres régions du globe. Juste comme il est en train de se passer en plusieurs localités de la France, du Royaume-Uni, de l’Espagne, de la Roumanie et de l’Italie (pour se limiter aux réalités impliquées dans la session actuelle).

Cette exclusion s’est manifestée en Val de Suse surtout en trois façons :

a) L’absence de procédures d’information, consultation et comparaison (ou par l’adoption de procédures de consultation purement plausibles) ;

b) La diffusion des données fausses et des prévisions dépourvues de toutes séries de bases scientifiques pour influencer et conditionner l’opinion publique et les décideurs politiques ;

c) L’absence d’une réponse et des demandes, d’appels, de sollicitations et de requêtes des institutions et de nombreux techniciens et avec la tentative parallèle de transformer le problème TGV en une question d’ordre public.

4. Depuis 1989, il n’a eu aucune véritable procédure de consultation, d’entraînement et de concertation, malgré cela soit expressément prévu par la Convention de Aarhus de 1988 et surtout soit l’ABC de la démocratie (qu’il est une participation ou non). Les formes ont changées mais pas le contenu :

- Au début et jusqu’à la fin de 2001 (période dans laquelle il est intervenu, entre autre, l’accord intergouvernemental Italie-France du 29 janvier 2001) l’existence même des communautés locales a été ignorée. Personne ne s’est pas préoccupé de les informer et de les entendre, et on n’a même pas activé les consultations de façade, comme celles prévues par la procédure de la Commission nationale du débat public français ou par la loi n. 69/2007 de la Région Toscane. Rien ;

- Puis, à la fin du mois de décembre 2001, on a crée la loi cible avec laquelle la situation précédente de facto, est devenue une règle juridique. Les administrations locales ont été totalement exclues de l’iter décisionnel des projets estimés importants au Président du Conseil (et au Comité interministériel pour la programmation économique). Celle que jusque-là avait été une conclusion de facto, est devenue même une exclusion de droit ;

- Entre décembre 2005 et décembre 2006, il semblait qu’il y avait un changement de direction, mais bientôt il a été clair qu’il s’agissait du système « gattopardesco » de « tout changer parce que cela ne changerait rien ». Il en parlera Sandro Plano qui a été le protagoniste de celle saison. Je me limite à une remarque : la décision gouvernementale – imposée par les grandes manifestations de décembre 2005 – de ramener la ligne Turin-Lyon dans le cadre de la « procédure ordinaire » et instituer un Observatoire pour « réaliser une comparaison parmi les requêtes concernées et analyser les criticités de l’ouvrage et les solutions à soumettre aux décideurs politico-institutionnels » a été, en fait, une tromperie pour freiner la conflictualité en Val. En effet, l’Observatoire s’est révélé imperméable à chaque discussion réelle sur l’opportunité effective de l’ouvrage, jusqu’à quand en 2010, même le masque est tombé et le Gouvernement a décidé de «recentrer les représentations locales au cœur de l’Observatoire », en n’y admettant «uniquement les Communes qui déclarent expressément leur volonté de participer à la meilleure réalisation de l’ouvrage ».

- L’opérativité renouvelée de la loi cible et la prise, pour la part du président de l’Observatoire, de la charge parallèle de chef de la délégation italienne de la Conférence intergouvernementale Italie-France pour la réalisation de l’ouvrage, ont été la confirmation définitive de l’éviction totale des communautés locales des décisions.

5. Mais cette éviction s’est réalisée même par la diffusion des données fausses et des prévisions sans aucune base scientifique sérieuse pour influencer et conditionner l’opinion publique et les décideurs politiques. Nous vous fournirons une preuve suffisante de cela dans la suite de la session, mais dès maintenant il faut souligner comment toute la stratégie d’information des promoteurs de l’ouvrage a été finalisée à démontrer la saturation imminente de la ligne historique qui, au contraire, actuellement n’est utilisée qu’à 20 pour cent de ses potentialités, et l’augmentation prévisible des trafics sur la directrice en question (refusée par les prévisions les plus fiables et surtout par les vérifications qui ont eu lieu medio tempore qui ont vu une diminution du trafic). Tout cela n’a pas été et n’est pas accidentel mais répond à un dessin précis. L’accord Italie-France du 29 janvier 2001, qui reste à présent l’acte fondamental relatif à la Tourin-Lyon, en effet, subordonne la réalisation de la nouvelle ligne à la saturation de la ligne historique, et cela a été confirmé dans le débat parlementaire qui a précédé la ratification de l’Accord pour la part du Parlement français, où l’on a expressément constaté que « la saturation de la ligne existante représente la pré-condition indispensable ». Donc, la diffusion, à soutien de la décision de réaliser l’ouvrage, de données fausses et aérées et des prévisions scientifiquement peu fiables, acceptées et amplifiées par les médias les plus importants (dans les conseils d’administration desquels résident dans beaucoup de cas, des exposants de groupes  intéressés à l’ouvrage) a exproprié les citoyens du droit de communiquer, a réalisé une lésion macroscopique du droit à l’information et a révélé une mélange d’intérêts de décideurs politiques et opérateurs économiques et financiers, qui compromet à la base une démocratie substantielle.

6. La communauté du Val de Suse, expulsée des lieux des décisions et dépourvue d’une information fiable, ses organes locaux, ses techniciens et ses intellectuels qui sont de près de lui, ont engendré des dizaines de requêtes, d’appels, de propositions, de dénonciations sur des profils d’illégitimité de l’ouvrage dans tous les sièges institutionnels italiens et européens sans jamais obtenir une comparaison à cet égard et, d’autant plus, sans jamais recevoir une réponse aux arguments et aux critiques envisagées. Ou mieux, il a eu voire un refus affecté des institutions gouvernementales et des sociétés chargées de la réalisation de l’ouvrage, de donner une réponse aux questions, aux objections, aux critiques du Mouvement No TGV et des experts (excepté le Gouvernement Monti que le 9 mars 2012, a publié sur son propre site institutionnel, les raisons en faveur de l’ouvrage résumées en 14 points, en ouvrant de cette façon, une comparaison d’ailleurs interrompu après les contre-déductions des techniciens de la communauté du Val de Suse).

Non seulement mais, dans le but de conditionner ultérieurement l’opinion publique nationale, dont le consentement aux égards des revendications No TGV, malgré tout, continue à augmenter, jusqu’à arriver – selon la dernière enquête d’opinion connue réalisée, par l’ISPO de Mannheimer en 2012 pour le Corriere della Sera – 44 pour cent des italiens, il s’est ouvert une nouvelle phase : celle de la transformation du  mouvement en ennemi public. Ainsi on a adopté (en 2011 et en 2013) des lois avec lesquelles le chantier de la Maddalena a été transformé en « site d’intérêt stratégique » et le territoire du Val a été littéralement militarisé, voire en recourant aux forces armées, engagées déjà en des missions de guerre à l’étranger. Avec tout ce qui en est suivi en termes de dure répression judiciaire (avec des nouvelles  procédures pénales à la charge de plus de mille militants), selon un schéma bien connu dans l’affaire politique, critiqué enfin par la Cour interaméricaine des droits de l’homme, dans l’arrêt du 29 mai 2014 (concernant des exposants du peuple Mapuche contre l’État du Chili), puisque visé à faire peur aux autres membres de la communauté impliqués en activités de protestation sociale et revendication de leurs droits territoriaux ou qui éventuellement veulent y participer ».

7. La situation qui s’est déterminée en Val se Suse fait retourner – ainsi qu’on la déjà dit – des questions générales de videment de la démocratie et de violation des droits fondamentaux toujours plus diffusées dans chaque partie du globe et qui font déjà l’objet d’étude pour la part du Tribunal. Il s’agit de questions convergentes en définissant la centralité – dans l’époque contemporaine – de l’économie prétendue (et pour elle, des décideurs politiques, des entreprises, de grands groupes financiers) d’être libre de contraintes, y compris le respect des droits fondamentaux des personnes et des peules réels.

L’exclusion systématique de la population locale et des institutions territoriales des choix qui la concernent doit se confronter avec les règles et les principes minimaux de la démocratie. Quand on arrive à déclarer les chantiers tels que « sites d’intérêt national », en les assimilant à des installations militaires et en les défendant avec les soldats – l’armée en temps de paix ! », les citoyens se sentent trompés de leurs droits et se convainquent que l’État a déclaré la guerre. Ni cela peut trouver une justification dans un pouvoir de la majorité prétendu auquel la minorité devrait dans tous les cas se soumettre en vertu de l’intérêt général. Parce que, pour reprendre les enseignements d’un constitutionnaliste illustre tel que « Gustavo Zagrebelsky » : « Aucune votation, en démocratie (sauf celles concernant les règles constitutives ou constitutionnelles de la démocratie même) ferme définitivement un match. (…) La maxime : vox populi, vox dei,  n’est que la légitimation de la violence que la majorité exerce sur les moins nombreux. Elle n’est démocratique qu’à l’apparence, puisque elle nie la liberté de ce qui est minorité, dont son opinion mériterait d’être écrasée pour ne plus se redresser.  À la limite cette-ci serait la démocratie absolutiste ou terroriste, pas une démocratie basée sur la liberté de tous ».

8. Que participer aux décisions qui concernent son propre habitat, sa propre vie et sa propre santé et celles des générations futures soit un droit fondamental d’une communauté, il résulte en manière évidente par la « Déclaration universelle des droits humains », approuvée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948. Dans cette Déclaration, attendu que « il est indispensable que les droits humains soient protégés par des normes juridiques, si l’on veut éviter que l’homme est forcé à recourir, comme dernière instance, la rébellion », l’on affirme expressément – entre autre – que « chaque individu a le droit à une possibilité effective de recours aux tribunaux compétents contre les actes qui violent les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi » (article 8) et que « chaque individu a le droit de participer au gouvernement de son propre Pays, autant directement, qu’au moyen des représentants librement choisis ». (art. 21, point 1).

Celles qu’on a mentionné jusqu’ici sont les violations que le Tribunal des peuples a bien reconnu, par exemple, dans l’arrêt du 23 juillet 2008 relatif aux « Politiques des transnationales en Colombie », dans un passage qui semble écrit pour le Val de Susa et pour l’Europe, là où il définit le « droit de participer » tel que le droit des femmes et des hommes à être consultés dans le but d’obtenir le consentement libre, préalable et informé avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives qui les endommagent, avant d’adopter tout projet qui compromette leurs terres ou territoires ou d’autres ressources, en particulier en ce qui concerne le développement, l’usage et l’exploitation des ressources minérales, hydriques et d’un autre type, et avant d’utiliser leurs terres ou territoires pour des opérations militaires.

9. Il est à la lumière de tout cela que nous soumettons au Tribunal des peuples notre demande de justice. Les grands projets et les pratiques qui les accompagnent, en Val de Suse et dans le monde, n’épuisent pas leurs effets dans la construction d’un méga-pont ou dans le tunnel d’une montagne ou dans l’abattage d’une forêt, mais ils exercent une influence – ainsi que l’expérience des ces années enseigne – sur les mécanismes totaux du fonctionnement des institutions et de la démocratie même.  

Au TPP nous demandons de dire, qu’au-delà du colonialisme classique exercé sur les Pays loin de l’Europe, il y a – et le terme ne vous semble pas excessif -  un colonialisme interne à l’Europe qui mortifie les personnes et leurs droits, en traçant des lignes ferroviaires et des grands projets, ainsi qu’autrefois on traçait avec une ligne sur la carte géographique les confins de nouveaux États. Aux TPP nous demandons, avec beaucoup de respect mais avec la même détermination, de restituer aux communautés violées, la conviction que la participation et la démocratie peuvent être des réalisées, et non seulement des mots utilisés comme un instrument pour couvrir l’exploitation des personnes et des peuples pour la part des plus forts.

Nous donneront au Tribunal notre collaboration la plus étroite. Nous nous souhaitons que les promoteurs de l’ouvrage acceptent l’audition contradictoire, celle audition que nous a été refusée.  Autres – pas nous – craignent la confrontation.

Avec ces souhaits, avec ces engagements et ces espoirs, nous donnons notre contribution à l’ouverture de la session du Tribunal.


Annexe 3

REQUISITOIRE

Livio Pepino

1. Président, juges,

C’est à moi qu’il revient, au nom des requérants, de  résumer ces deux jours et de vous adresser nos requêtes. Je le fais – je ne le cache pas – avec beaucoup d’émotion. Il m’est arrivé souvent, en plus de 40 ans de magistrature, de rendre des conclusions dans des procès complexes et délicats. Mais aujourd’hui c’est différent.  Parce que, pendant que les travaux suivaient leur cours, quelque chose sans précédent est arrivé: les requérants ont en quelque sorte  disparu et la scène a été occupée par  un  mouvement populaire qui, avec force et détermination, a demandé justice. Il s’agit d’un mouvement dont fait partie la communauté du Val de Suse et dont le développement est, en quelque sorte, exponentiel. Un mouvement qui, depuis la fin du deuxième millénaire court en  Italie et en Europe (comme c’est apparu de manière claire hier) dans le sillage de ce qui se produit depuis plus d’un siècle dans les pays du Sud de la Planète, en Afrique, en Asie, en Amérique latine, avec des dizaines de luttes pour la défense du territoire et les droits des peuples (comme le montrent un certain nombre de vos jugements, en commençant par le premier, en date du 11 Novembre 1979, relatif au Sahara occidental, et encore ceux relatifs au Timor oriental, à l’Amazonie brésilienne, à la  Colombie et ainsi de suite jusqu’au plus récent, prononcé il y a à peine un an, portant sur « le libre-échange, la violence, l’impunité et les droits des peuples au Mexique »). Ce mouvement a été au cœur de ces journées.

Ces derniers jours, vous avez touché du doigt une partie de la réalité. Vous avez vu les visages et entendu les voix  de femmes et d’hommes informés, responsables, déterminés: les jeunes gens de Bussoleno (qui vous ont parlé de leurs motivations, et aussi des craintes que le  lobby pro-TAV cherchent à susciter), les retraités de Borgone (qui, depuis dix ans, chaque jour que Dieu fait habitent leur Presidio No TAV pour la défense du territoire de la vallée), le conseiller de Chiomonte (qui, bien qu’initialement favorable au TAV, a démissionné en larmes devant la dévastation de la Maddalena), les professeurs de l’École Polytechnique (qui depuis des décennies crient, en vain, face aux institutions et aux politiques que ce projet est une folie), Emilio, le  poissonnier  à Bussoleno (qui – comme il vous l’a dit avec fierté –   n’avait jamais vu un juge avant de commencer à s’occuper du TAV et demande pour sa fille la santé que lui et sa femme ont perdue), Luca (qui ne parle pas de lui-même et de sa chute du  pylône de la ligne électrique, mais de l’avenir de la terre et des montagnes), et bien d’autres encore. Vous n’avez pas vu et entendu des Luddites déraisonnables, des Astérix et des Obélix hors du temps et de l’histoire et encore moins de dangereux terroristes (comme ils sont  présentés et traités). Je le sais bien: tout cela ne signifie pas encore que ce mouvement, ces hommes et ces femmes, ont raison. Mais cela signifie qu’ils méritent respect, attention, écoute, toutes choses qui ces dernières années leur ont été déniées par les institutions et par le lobby des grands projets (un lobby économique, politique, médiatique qui domine cette région et ce pays, lobby seulement égratigné parfois, par des enquêtes et des arrestations pour corruption et malversations).

Vous avez vu et entendu, ces jours-ci, des morceaux de réalité. Pas les représentations déformées des médias, du gotha de la politique, et des poids lourds de la magistrature. Pas les magnifiques paysages sur papier glacé ni les vidéos de propagande; pas les descriptions mirobolantes des journaux appartenant à des sociétés aux conseils d’administration desquelles siègent les promoteurs et les constructeurs potentiels du projet ; pas les publicités électorales des ministres qui, comme l’ont montré certaines écoutes téléphoniques, ne font pas la différence entre une autoroute et une ligne de chemin de fer ni des maires qui confondent Kiev (gare finale du corridor ferroviaire dans lequel s’insère le Lyon-Turin) avec Moscou ou Pékin. Face à ces blindés médiatiques et publicitaires, le mouvement d’opposition semble un petit David engagé dans une lutte inégale contre Goliath. Mais la partie est toujours en cours. Et le mouvement No TAV est déterminé à la gagner, en la conduisant obstinément  avec les instruments de la politique, de la parole, des arguments, de la raison. C’est aussi pour cela que nous nous sommes tournés vers vous, un tribunal international, indépendant, tout en sachant qu’il ne s’agit que d’une  étape, mais  convaincus que cette étape est importante pour le Val de Suse et pour toutes les communautés qui se trouvent dans des situations similaires.

2. En déclarant recevable notre appel le 20 Septembre 2014, la présidence du Tribunal a précisé l’objet et les limites de ce jugement qui porte – je cite – sur « l’effectivité des procédures de consultation des populations concernées  et leur impact sur le processus démocratique », dans un contexte de multiplication des « situations – souvent également traitées dans les sessions du TPP – qui remettent en cause et mettent en danger l’effectivité, le sens des consultations et l’égale dignité des différentes composantes des populations concernées ».

C’est donc de cela dont nous nous sommes principalement occupés ces jours-ci: des droits et de la participation des personnes et des communautés. De démocratie pourrait-on dire, si ce terme n’était pas de plus en plus souvent utilisé pour masquer des choix qui vont dans une direction contraire et des régimes qui sont tout sauf démocratiques. Nous avons traité plus précisément du rapport entre les droits fondamentaux et les modalités (et limites) de décisions politiques et économiques qui portent sur des projets qui affectent de manière irréversible l’environnement, l’économie, la santé de dizaines de milliers de personnes. À l’image des grands projets dont nous avons parlé ces jours-ci: le TAV dans le Val de Suse (mais aussi à Florence, au Royaume-Uni et au Pays Basque), les barrages du Mose à Venise, le pont de Messine (revenu sur le devant de la scène de façon spectaculaire ces jours-ci), l’aéroport de Notre- Dame-des-Landes en France et bien d’autres. Projets auxquels se rajoutent d’autres programmes de destruction de l’environnement qui suivent la même logique comme la mine d’or à ciel ouvert de Roșia Montană en Roumanie (dont les sinistres images nous rappellent celles des mines similaires au Pérou et au Chili), les forages exploratoires de pétrole et de gaz dans plusieurs régions d’Italie, l’exploitation intensive des carrières de marbre des Alpes Apuanes, le MUOS à Niscemi.

Nous avons commencé par le TAV en Val de Suse: un projet pharaonique dévastateur (le chantier que certains d’entre vous ont vu mercredi dernier n’est qu’une galerie préliminaire et n’est, par conséquent, qu’un petit aperçu de ce qui devrait se faire …), impactant fortement l’environnement,  manifestement inutile, insoutenable en termes de dépenses publiques. Et, dans le même temps, c’est un projet – voilà le premier point de cette session – décidé de manière autoritaire, et excluant systématiquement tout débat contradictoire réel avec les acteurs du territoire.

Exactement – et ceci est le deuxième point de cette session – comme c’est le cas dans tous les grands projets en cours de planification ou de construction examinés ces jours-ci. Et exactement comme cela s’est vérifié – c’est le troisième point qui doit être souligné – lors des sessions précédentes de ce tribunal notamment celles relatives à l’Amazone, au Guatemala et au Canada, et dans d’innombrables autres endroits du monde.

Cela fait référence à un système qui se répète avec des similitudes importantes pour tous les grands projets inutiles et qui comprend trois caractéristiques fondamentales:

a) l’exclusion systématique des populations affectées des décisions et du contrôle des travaux pendant leur exécution ; elle se fait directement et/ou au moyen de mesures législatives et administratives ad hoc, en refusant toute procédure d’information, de consultation et de discussion et/ou en adoptant des procédures de consultation purement formelles et/ou en ne tenant pas compte des consultations effectuées;

b) le conditionnement et la manipulation du jugement des communautés concernées, du public et parfois même des décideurs politiques, en trafiquant les données relatives à l’utilité et l’impact du projet, et en produisant et en diffusant largement des données mensongères et des prévisions sans base scientifique sérieuse (martelées par la presse souvent contrôlée par les parties intéressées au projet);

c) l’imperméabilité totale et permanente aux requêtes, aux appels, aux sollicitations et pétitions des institutions locales, des comités de citoyens, d’ experts et d’intellectuels; et une façon de gérer  la contestation et l’opposition comme des problèmes d’ordre public dont le contrôle est délégué, parfois par le biais d’une législation spécifique, aux forces militaires locales avec intervention massive de l’appareil répressif (incluant des limitations importantes des droits des citoyens garantis par la constitution).

3. Ne pouvant retracer la façon dont ce système a opéré dans tous les cas particuliers examinés ces derniers jours, je me limiterai à l’examen de ce qui s’est produit dans le Val de Suse (avec quelques coups de projecteur sur les autres situations).

Commençons par l’absence de procédures réelles de consultation, de participation et de concertation. Procédures – il est bon de rappeler – qui sont maintenant expressément prévues par des normes internationales, à commencer par la Convention d’Aarhus du 25 Juin 1998 (mentionnée hier avec une grande efficacité par Tiziano Cardosi et Sabine Bräutigam) selon laquelle «quand un processus décisionnel affectant l’environnement est lancé, le public concerné est informé de manière appropriée, efficace et en temps voulu, dès le début» de sorte qu’ «il puisse réellement se préparer et participer aux travaux tout au long du processus de prise de décision.» Procédures qui  constituent de toute façon  le B.A BA de la démocratie (qui n’existe pas sans participation).

Eh bien, voici ce qui est arrivé dans le Val de Suse :

a) du début des années quatre-vingt dix jusqu’à la fin de l’année 2001 (période cruciale, pendant laquelle est intervenu l’accord intergouvernemental Italie-France du 29 Janvier 2001, qui constitue la base juridique du travail) l’existence même des communautés locales est ignorée. Personne n’a pris la peine de les informer ni de les entendre (comme l’ont montré de façon précise, entre autres, Ezio Bertok, Claudio Giorno, Gianfranco Chiocchia);

b) ensuite, fin  Décembre 2001, la fameuse Loi objectif (toujours en vigueur), qui a transformé la situation précédente en  règle juridique. Avec elle – comme  Luca Giunti et Massimo Bongiovanni l’ont montré – les administrations locales ont été totalement exclues de la prise de décision des travaux, considérés comme stratégiques pour le pays, avec attribution de toutes les décisions importantes au Président du Conseil (et au Comité interministériel pour la planification économique). Il a donc été établi par la loi que, pour le TAV (et pour des projets similaires), la participation et le contrôle des communautés concernées sont une perte de temps! Inutile de dire que le principe a fait école de telle sorte que – comme l’avocat Bongiovanni l’a aussi montré – dans la courte période où le TAV est sorti de la procédure de la « Loi objectif», dans les faits, on a continué à agir comme si rien n’avait changé …;

c) en 2006, on a fait miroiter un changement vers plus de participation. Certaines grandes manifestations populaires ont forcé le gouvernement de centre-gauche, puis en mai 2006, le gouvernement Berlusconi, à mettre en place un Observatoire pour «organiser une confrontation entre les organismes concernés et analyser les critiques faites au projet et les solutions à soumettre aux décideurs politiques institutionnels». Mais il est vite apparu qu’il s’agissait d’une mise en pratique de la fameuse phrase du «Guépard»:  « Il faut que tout change pour que rien ne change ». Des maires et des experts qui ont participé à la première phase des travaux de l’Observatoire, ou qui ont travaillé avec lui au fil du temps, en ont parlé ici (Sandro Plano, Loredana Bellone, Angelo Tartaglia, Luca Giunti). Je vais me limiter à trois conclusions sommaires car c’est une histoire tout à fait exemplaire:

- La création de l’Observatoire a été, en y regardant de plus près, une tromperie pour étouffer le conflit dans la vallée. En fait, cette structure s’est rapidement montrée imperméable à toute discussion réelle sur l’opportunité du projet jusqu’à ce que, en 2010, le masque tombe et que le gouvernement décide de « redéfinir la représentation locale au sein de l’Observatoire », en y admettant « les seules municipalités déclarant explicitement leur volonté de participer à l’ amélioration du projet ».

- Dans son fonctionnement concret, l’Observatoire s’est révélé un organisme de pure propagande, géré sans scrupules par son président, l’architecte Virano. Ce que montre de manière éloquente l’histoire du soi-disant accord «Pracatinat» de Juin 2008,  brandi en permanence en Italie et en Europe, sur la foi des déclarations de l’architecte Virano, comme une preuve de l’implication et de la participation des institutions locales. En réalité, ce n’était pas un accord, mais un document signé uniquement par le président (et j’avoue que jamais, en 40 ans d’activité judiciaire, il ne m’est  arrivé de voir un accord signé par une seule des parties …). Sur ce sujet, est particulièrement éclairant le récit d’un des administrateurs impliqués, Barbara De Bernardi, alors maire de Condove (qui avait pourtant été parmi ceux qui avaient donné le plus de crédit à l’Observatoire), témoignage que certains d’entre vous ont entendu dans la seconde moitié de la partie inaugurale de cette session, le 14 Mars dernier à Bussoleno (et que vous pouvez lire dans le cahier n 3 du « Contre-Observatoire».): «Cela nous amène au 28 Juin 2008, lorsque le président de l’Observatoire convoque une réunion finale à Pracatinat. Cet après-midi là, je reçois un appel téléphonique d’un journaliste d’un média national, me demandant une déclaration au sujet de ma signature sur l’Accord de Pracatinat. Je  tombe  des nues. D’autant que je suis à 1000 km, dans les Pouilles. Évidemment, je n’ai pas signé quoi que ce soit, et je n’ai délégué personne pour le faire à ma place. Je téléphone à quelques collègues : eux non plus ne se sont pas rendus à Pracatinat et n’ont signé aucun accord. » Et c’est pourtant le contenu des titres des quotidiens le 29 Juin: «Accord conclu. Gouvernement et maires se sont entendus sur le tracé de la ligne» (le Corriere della Sera). [...]

Je termine donc par une question, à laquelle malheureusement j’ai déjà répondu: qu’y-a-t-il de pire qu’un État qui n’écoute pas les citoyens et leurs représentants librement et démocratiquement élus ? Le pire, c’est un État qui ment. Qui ment dans son propre pays et à l’étranger, en se servant de signatures jamais données, d’accords jamais signés et de médias complaisants, qui, au lieu de chercher la vérité amplifient les mensonges. Comme si un mensonge, souvent répété, pouvait devenir une vérité. On a souvent entendu parler ces dernières années de la violence du mouvement No TAV. Demandons-nous, une fois encore, qui sont vraiment dans cette histoire les « violents » .

- mais, comme on dit, le temps est un gentleman et le sens véritable de l’opération « Observatoire » a été révélé au fil des ans: la nomination de son Président, tout d’abord,  à la tête de la délégation italienne à la Conférence intergouvernementale Italie-France pour la réalisation des travaux, puis, dans la foulée, à la direction de la société responsable de la réalisation des travaux. Pour utiliser une métaphore footballistique : il n’y a pas d’arbitre neutre d’un match régulier et honnête, mais seulement un joueur qui joue dans les deux camps.

d) enfin – et ceci est l’histoire actuelle – la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin est rentrée sous les règles de la « loi objectif », elle-même renforcée si c’est encore possible par une nouvelle intervention législative (le « décret qui déverrouille l’Italie » Septembre 2014) qui, dans le but déclaré de «surmonter la bureaucratie et stimuler l’économie et l’initiative privée», a officialisé le principe selon lequel, pour les moyens et grands travaux de transformation du territoire, il n’y a aucune nécessité d’écouter les populations concernées.

J’ai parlé jusqu’à présent du val de Suse, mais c’est exactement le même processus qui s’est appliqué, par exemple, à l’autoroute Orte Mestre (dont même les maires concernés ignoraient l’existence) ou à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (qu’on a essayé de soustraire à toutes les procédures de débat car la délibération avait été prise 10 jours avant l’approbation de la loi sur le Débat public) ou encore  à la ligne de chemin de fer entre Londres et Birmingham.

4. La deuxième constante du système « Grands Projets » est – comme déjà mentionné – l’élaboration et la diffusion de données et de prévisions mensongères, dénuées de tout fondement scientifique sérieux, pour obtenir l’acceptation du projet par les communautés concernées, l’opinion publique et parfois même des décideurs. C’est une constante, même dans d’autres domaines: rappelez-vous le scandale Volkswagen au cœur de l’actualité ces jours-ci, qui semble, par rapport à tout ce qui s’est produit et se passe encore sur le projet Lyon-Turin,  le travail d’amateurs maladroits.

Dans le cas du Val de Suse, la méthode est un véritable cas d’école. Beaucoup l’ont prouvé : de Tartaglia à Ponti, de Cancelli à  Franchino, de Clerico à Tomalino. Je ne répéterai donc pas  des choses dites et montrées d’une manière bien plus efficace que je ne le pourrais. Je vais simplement souligner que toutes les prévisions ont été clairement contredites par les données réelles et rappeler, que les prévisions des promoteurs – comme vous l’a dit le professeur Cancelli – sont basées sur des modèles, des calculs et des graphiques tellement farfelus qui, s’ils étaient montrés à un étudiant de deuxième année de n’importe quelle faculté scientifique, vaudraient rejet immédiat et mériteraient d’être mis en ligne par les étudiants des facultés de physique sous le titre significatif : « les graphiques du chapelier fou ». Et tout cela – et c’est le point fondamental – n’est pas le fruit du hasard, d’une étude superficielle ou de l’ignorance, mais a été pensé pour prouver la nécessité et l’urgence d’un projet  en réalité insoutenable et inutile.

Le fait est que l’accord Italie-France du 29 Janvier 2001, qui reste l’acte fondateur du Lyon-Turin, dans une étonnante irruption de rationalité et de bon sens, a subordonné la construction de la nouvelle ligne à la saturation de la ligne historique, et cela a été réitéré, notamment, lors du débat parlementaire qui a précédé la ratification de l’Accord par le Parlement français, dans lequel il est reconnu expressément que «la saturation de la ligne existante est une condition sine qua non » de la construction de la nouvelle ligne. Et pourtant, les soi-disant erreurs de calcul et l’invalidité des prévisions scientifiques diffusées largement par les promoteurs, par le président de l’Observatoire, par les ministres, les maires et les journalistes  « embarqués » ne sont rien d’autre, en réalité, que des prévisions mensongères, consciemment faites pour tromper les communautés locales, l’opinion publique, les (rares) décideurs politiques nationaux et internationaux de bonne foi et pour les convaincre que la ligne historique est proche de la saturation. Et ce alors que cette même ligne n’est actuellement utilisée qu’à 20 % de son potentiel dans un contexte où le trafic sur l’axe en question, loin d’augmenter, connaît une baisse brutale (comme les enquêtes l’ont confirmé entre temps).

L’effet est évident. La diffusion de ces données et de ces prévisions, reprises et amplifiées par la presse amie (c’est à dire par tous les grands médias) a démultiplié le pouvoir de conditionnement des grands lobbies économiques et financiers, a totalement brisé le droit à l’information de la communauté locale et nationale, et a dénié aux citoyens le droit de participer et d’interagir, portant ainsi atteinte à la base même d’une vraie démocratie.

Sur ce point là aussi, ne vous semble-t-il pas entendre la même histoire, les mêmes tromperies que celles que vous avez entendues à propos du barrage du Mose à Venise, ou de la gare de Stuttgart ou de la mine à ciel ouvert de Roșia Montană?

5. Cela nous amène à la troisième caractéristique commune du système des grands travaux : le remplacement du débat contradictoire par l’affrontement et la présentation des opposants comme des ennemis de la société, à isoler, neutraliser et réprimer.

Exclus des lieux de décisions et privés d’une information fiable, la communauté du Val de Suse, ses citoyens, ses collectivités locales et ses experts – rejoints par des intellectuels, des syndicalistes, des hommes de culture et d’église, et par des citoyens de toutes les régions de l’Italie – ont produit des dizaines de requêtes, d’appels, de propositions, de plaintes sur des aspects précis montrant illégitimité des projets auprès de toutes les institutions italiennes et européennes sans jamais obtenir un débat sur le fond et, plus encore, sans jamais avoir de réponse aux critiques, arguments et propositions avancés (qui ont été mentionnés ici, entre autres, par Paolo Mattone et Paolo Prieri et qui sont présentés dans le Cahier n. 2 du Contre-Observatoire, dans les pièces qui ont été produites). A la place du dialogue, il y a eu un refus ostentatoire par les institutions gouvernementales et les entreprises chargées de la réalisation du projet de répondre aux questions, aux objections, et aux critiques du mouvement No TAV et des experts (à l’exception du gouvernement Monti qui a publié le 9 Mars 2012 sur son site officiel un argumentaire en 14 points en faveur du projet, ouvrant ainsi un débat vite interrompu après les contre-arguments des experts de la communauté du Val de Suse). Les demandes de suspension des travaux et d’ouverture d’une table ronde sur les questions clés du projet avec des experts indépendants internationaux dont les conclusions auraient déterminé la suite à donner au projet, n’ont même pas été prises en considération. Et même quand, il y a moins d’un an, un énième scandale a éclaté et amené des arrestations méritées au sujet des grands projets ce qui a abouti au remplacement du ministre des infrastructures, un silence total a été maintenu face aux demandes  sur le  fond venant de la vallée de Suse.

Vous en avez eu la preuve, d’ailleurs, vous-mêmes par l’absence de réponse qu’ont opposée les partisans du projet, les entreprises de construction et les décideurs institutionnels et politiques à l’invitation de votre

Cour  à venir débattre avec nous ici, et même par le refus de l’entreprise de construction d’accepter la visite d’une délégation de votre Tribunal au chantier de la Maddalena pour obtenir des éclaircissements et des explications, au cours d’une confrontation avec des experts choisis par le « Contre-Observatoire », sur la nécessité des travaux, les risques environnementaux et tout autre point intéressant.

Néanmoins, le soutien de l’opinion publique nationale aux revendications du mouvement No-TAV a continué à croître jusqu’à atteindre en 2012 – date de la dernière enquête d’opinion connue, réalisée pour l’un des plus grands quotidiens italiens, Corriere della Sera – le nombre de 44 % des italiens.

C’est aussi pour cela qu’une nouvelle phase a débuté: celle de la transformation du mouvement en ennemi public. Deux lois ont été approuvées (en 2011 et 2013) par lesquelles le chantier de construction de la Maddalena a été décrété «site d’intérêt stratégique» et le territoire de la vallée littéralement militarisé, avec même un recours aux forces armées déjà déployées dans des missions de guerre à l’étranger (comme vous l’ont montré, notamment, Paolo Mattone, Alessandra Algostino, Alberto Perino et Guido Fissore). S’en est suivie une répression judiciaire très dure – comme maître Novaro l’a montré ici et comme le rapporte le premier cahier du « Contre-Observatoire » du Val de Suse  – répression qui a vu des centaines de procès avec plus d’un millier de personnes concernées,  parfois inculpées pour des faits insignifiants, des mesures de sécurité prolongées et répétées, une application extensive du délit de complicité d’une infraction, le retour du délit d’opinion (avec l’acte d’accusation de l’écrivain Erri de Luca pour incitation au crime pour avoir soutenu, à propos du forçage des grilles du chantier de Chiomonte, la licéité du «sabotage») et même des  accusations de terrorisme (rejetées par les tribunaux sur le fond et par la Cour de cassation, mais source, pour certains jeunes, de longues incarcérations à l’isolement).

Cette étape aussi semble identique, jusque dans les photos des affrontements, dans le nombre de personnes arrêtées, dans la durée des procès, dans l’inégalité de traitement, dans les accusations avec ce qui est arrivé à Notre Dame des Landes, à Niscemi, à Stuttgart, au Pays Basque, à Roșia Montană et ailleurs encore. Et voilà qui forme l’ossature d’un schéma récurrent (même au-delà des grands projets), qui rigidifie les appareils et limite de plus en plus les droits constitutionnels des citoyens. C’est le modèle du « droit pénal de l’ennemi », dont les effets ont été décrits et critiqués dans la dernière Cour interaméricaine des droits de l’homme, dans son arrêt du 29 mai 2014 (concernant les membres du peuple Mapuche contre l’État du Chili), car il vise à provoquer « la peur chez les autres membres de la communauté impliqués dans des activités de protestation sociale et de revendication de leurs droits fonciers ou qui ont éventuellement l’intention d’y participer ».

6. Ce qui est arrivé et qui se produit encore dans le Val de Suse est donc arrivé et se produit encore dans de nombreuses situations, d’une  manière identique ou au moins ressemblante.

Nous sommes, autrement dit, face à une méthode, à un système.

A propos de ce système, avant-hier, le président a posé la question du pourquoi? Pour quelles raisons  persiste-t-on dans les grands projets s’ils sont une source de risques environnementaux graves et d’inutilité économique reconnue ? La question, tout à fait pertinente, nous mène au le cœur du problème. L’insistance, apparemment incompréhensible, à poursuivre les grands projets s’explique par la conjonction de plusieurs éléments. Dont trois sont majeurs : l’existence sous-jacente de grands intérêts économiques et financiers, la persistance d’une culture du développement (ou en tout cas d’une certaine idée du développement) aussi anachronique que lente à mourir, le désespoir d’un système politique incapable de trouver des voies rationnelles pour sortir de la crise :

a) hier Tiziano Cardosi a rappelé l’analyse de Salvatore Settis: « les grands projets ne servent pas, mais il est utile de les faire», comme en témoigne le fait qu’ils sont souvent terminés des années ou même des décennies après la date prévue, ou même jamais finis. Ce n’est pas un paradoxe. Tous les projets dont nous avons discuté ces derniers jours mettent en jeu des milliards d’euros. Des sommes prévisionnelles considérables, destinées à se multiplier au bilan final. On a parlé ici de doubler ou tripler. Ce n’est pas ça. C’est bien pire. Je citerai un seul exemple: la ligne ferroviaire à grande vitesse Turin-Milan (exclusivement en plaine, sans une colline à percer et avec seulement deux rivières à franchir) est passée d’un coût prévisionnel (en 1991 et converti en euros) de 1 milliard 74 millions d’euros à une dépense réelle à la fin des travaux (en 2010), de 8,3 milliards. En temps de crise, ce sont de belles sommes … Surtout quand on considère qu’elles viennent presque entièrement  de fonds publics, avancés par les banques qui se garantissent des intérêts substantiels et sûrs pour les décennies à venir. Ce n’est pas rationnel? Bien sûr, ça ne l’est pas! Mais étaient-ils rationnels les prêts « subprime » qui ont déclenché la crise financière la plus importante du nouveau millénaire, avec de graves conséquences pour les épargnants et aucune pour les banques sauvées par les États? C’est, en effet, un «modèle de développement» qui sert les grandes puissances économiques et financières;

b) la culture du développement à tout prix est celle qui, en dépit de la réalité, continue à concevoir le monde en perpétuelle croissance économique, les investissements et infrastructures visant uniquement à la soutenir et la développer. C’est cette même culture qui aboutit à valider des hypothèses basées uniquement sur la foi des partisans du projet comme l’idée selon laquelle la chute du trafic sera stoppée et inversée par la construction d’une nouvelle ligne de chemin de fer;

c) et pour finir, il y a ce désarroi de politiques incapables de proposer des voies de sortie crédibles à la crise. Les responsables politiques sont parfois conscients que ce système ne tiendra pas mais ils savent que son effondrement balaierait définitivement et sans appel leur crédibilité aujourd’hui déjà à des niveaux historiquement bas.

Tout cela produit, par ailleurs, une situation très grave, pas seulement au plan économique, mais aussi sur le plan éthique et culturel, comme l’a souligné récemment, un document extraordinaire faisant autorité. Je veux parler de l’encyclique papale «Loué sois-tu » qui stipule entre autres:

« 56. Pendant ce temps, les pouvoirs économiques continuent de justifier le système mondial actuel, où priment une spéculation et une recherche du revenu financier qui tendent à ignorer tout contexte, de même que les effets sur la dignité humaine et sur l’environnement. Ainsi, il devient manifeste que la dégradation de l’environnement comme la dégradation humaine et éthique sont intimement liées ».

« 183. … La participation requiert que tous soient convenablement informés sur les divers aspects ainsi que sur les différents risques et possibilités ; elle ne se limite pas à la décision initiale d’un projet, mais concerne aussi les actions de suivi et de surveillance constante. La sincérité et la vérité sont nécessaires dans les discussions scientifiques et politiques, qui ne doivent pas se limiter à considérer ce qui est permis ou non par la législation. »

Ce système replace sous les feux de la rampe des questions politiques concernant l’exigence qu’a l’économie (c’est à dire les entreprises, les grands groupes financiers, les décideurs) d’être libre et exempte de toute contrainte, en s’affranchissant des relations avec les communautés et les personnes affectées par les grands projets, en s’affranchissant du respect de leur santé et de leurs droits. Cela a évidemment à voir avec les règles et les principes de base de la démocratie. Et quand, pour contenter cette exigence, on en arrive à déclarer des chantiers « sites stratégiques d’intérêt national» en les assimilant ainsi aux installations militaires et  en les protégeant avec des soldats – avoir recours à l’armée en temps de paix! – cela conduit les citoyens à se sentir privés de leurs droits et à être convaincus que l’État leur a déclaré la guerre.

Il est à peine nécessaire d’ajouter qu’un tel système ne peut en aucun cas être justifié par un quelconque « pouvoir de la majorité » auquel la minorité devrait de toutes façons se soumettre au nom de « l’intérêt général ».

Le Tribunal Permanent des Peuples a averti à plusieurs reprises – récemment d’une manière particulièrement efficace dans la sentence du 23 Juillet 2008 sur la politique transnationale en Colombie – que le danger « d’une tyrannie de la majorité» produit par consensus électoral est toujours présent, soulignant que «la démocratie ne se limite pas à un processus électoral, mais se définit aussi par un débat public, ouvert à tous les membres de la société et tous les citoyens, sorte de garantie du libre exercice de ses droits. C’est la seule manière de construire et de former la «raison publique» pour la préservation de l’intérêt commun».

Cela correspond d’ailleurs à la pensée des pères de la pensée libérale, en commençant par l’aristocrate français Alexis de Tocqueville qui, de retour d’un long séjour en Amérique, en 1831-1832, à la recherche des sources et des formes de la démocratie,  écrivait :

« Pour moi, quand je sens la main du pouvoir qui s’appesantit sur mon front, il m’importe peu de savoir qui m’opprime, et je ne suis pas mieux disposé à passer ma tête dans le joug, parce qu’un million de bras me le présentent. [...] Si, à tous les pouvoirs divers qui ont empêché ou retardé l’élan de la raison humaine, les peuples démocratiques substituaient le pouvoir absolu de la majorité, le mal n’aurait fait que changer de visage. »

La signification de cette déclaration – et beaucoup d’autres semblables – est évidente et toujours d’actualité. La démocratie ne coïncide pas avec le principe de la majorité, qui est certainement l’un de ses points cardinaux, mais pas le seul. La majorité décide, par un vote, qui doit gouverner ; c’est de la même manière que se prennent les décisions politiques, qui par ailleurs, nécessitent aller-retours et  réunions et ont des contenus contraints (si bien que certaines constitutions prévoient explicitement un droit/devoir de résistance des citoyens face à des décisions politiques qui violent les droits et principes fondamentaux). L’absolutisation du principe de la majorité provoque la dissolution du modèle démocratique dans lequel, d’ailleurs des fonctions différentes sont guidées par d’autres principes : ainsi les décisions des juges, qui sont fondées sur la base de règles et des critères prédéfinis et non sur les souhaits du plus grand nombre, ou encore le contrôle de constitutionnalité des lois, qui est effectué par la Cour constitutionnelle sur la base de vérifications qui peuvent conduire à l’abrogation des lois, même si elles sont approuvées par la majorité et, en fin de compte, l’ensemble du Parlement).

Ainsi, la violation des droits fondamentaux des individus et des communautés ne peut être légitimé par un vote à la majorité. Du reste, comme nous l’avons déjà écrit dans la requête introductive, citant l’éminent constitutionnaliste Gustavo Zagrebelsky, « Aucun vote, dans une démocratie (sauf celles concernant les règles constitutionnelles de la démocratie elle-même) ne clôt définitivement un débat. [...] La maxime : vox populi, vox dei n’est que la légitimation de la violence que la majorité exerce sur la minorité. C’est seulement une apparence de démocratie parce qu’elle nie la liberté de ceux qui sont minoritaires et dont l’opinion ne mériterait alors que d’être définitivement écrasée. Ce serait, en tout état de cause, une démocratie absolutiste ou terroriste, non pas une démocratie fondée sur la liberté de tous ».

7. Je résume: l’éviction des citoyens et de la communauté locale de la possibilité de contribuer aux décisions relatives au TAV et aux grands projets similaires, la désinformation systématique ou l’information mensongère sur les hypothèses qui fondent ces décisions et sur leurs conséquences, la tentative d’éliminer toute opposition avec des outils  juridiques ad hoc, la militarisation de la région et une aggravation de la  répression pénale ne laissent aucun doute. Tout comme il est clair que, compte tenu de l’omniprésence de ces caractéristiques, nous ne sommes pas  face à une pratique accidentelle et contingente, mais bien face à une méthode, à un véritable système de gouvernance dans ce domaine de la vie publique et de l’économie.

D’autre part, la possibilité de participer aux décisions qui affectent leur habitat, leur vie et leur santé et celle des générations futures est un droit fondamental des citoyens et des communautés reconnu aussi par la «Déclaration universelle des droits de l’homme” approuvée par l’Assemblée générale des Nations Unies 10 Décembre 1948 qui, « Considérant qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression. » déclare expressément – entre autres choses – que « Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi. » (Art. 8) et que « 1. Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis. » (Art. 21.1).

Cela a été clairement affirmé par le Tribunal Permanent des Peuples, par exemple, dans la sentence  du 23 Juillet 2008 sur les «politiques transnationales en Colombie» où, dans un passage qui semble écrit pour le Val de Suse et pour l’Europe, il est affirmé : « Le droit des femmes et des hommes à être consultés afin d’obtenir leur consentement libre, préalable et  éclairé avant d’adopter et de mettre en œuvre des mesures législatives ou administratives qui leur font du tort, avant de décider de tout projet qui compromette leurs terres, territoires ou autres ressources ».

8. Cependant, une grave question reste ouverte, pour votre jugement, qui s’est posée dans les derniers mois et que nous nous sommes aussi posée lorsque nous avons présenté l’appel (et que nous avons également reprise dans un mémoire ultérieur  le 1 juillet 2014).

Le problème est le suivant: la prévarication, les illégalités, les abus qui ont lieu en lien avec le TAV en Val de Suse et avec d’autres grands travaux examinés lors de cette session, font-ils partie intégrante de ces violations graves et systématiques des droits fondamentaux des peuples et des minorités, et/ou les droits et les libertés des individus (à côté des crimes contre la paix et contre l’humanité) qui légitiment l’intervention du Tribunal Permanent des Peuples conformément à l’article 2 de ses statuts? Ou bien, quoique graves, restent-ils au-dessous de ce seuil, dans un monde où ont lieu chaque jour des crimes épouvantables (la mort quotidienne des migrants, sur nos côtes, nos mers et aussi sur le continent, les tentatives réelles d’anéantissement des peuples en Syrie, au Kurdistan, au Moyen-Orient et au cœur de l’Afrique) ?

Ce n’ est pas une question rhétorique, mais une vraie question que nous nous sommes d’abord – comme je le disais – posée, parce que nous sommes partie prenante de ces drames, de ces tragédies, qui, en effet, ont trouvé leur place dans l’engagement et dans la lutte du Val de Suse ( le dernier exemple en est le jumelage et le projet d’aide qui unit la ville de San Didero – dont vous avez entendu le maire, Loredana Bellone, ces derniers jours – avec la ville de Kobane et la région du Rojava au Kurdistan syrien). C’est, par conséquent, une vraie question que nous ne sous-estimons pas, mais à laquelle nous sommes convaincus qu’il faut donner une réponse positive.

Nous l’avons écrit depuis la requête d’origine: dans notre situation (et dans des situations européennes) « la violation des droits fondamentaux des personnes et des populations se produit sur un mode moins brutal que ce qui est arrivé dans d’autres situations examinées par la Cour, en particulier dans les premières décennies de son activité  mais l’histoire du Val  de Suse et d’autres exemples similaires  « représente – au niveau local et régional – la nouvelle frontière des droits face à des attaques qui mettent en danger le équilibre même (écologique et démocratique) de la planète », ce qui rentre pleinement dans les questions susceptibles d’être analysées et jugées par le TPP. D’une part, l’article 1, paragraphe 2, du Statut du Tribunal prévoit qu’il  est compétent pour se prononcer, entre autres, sur «les violations graves et systématiques des droits et libertés des personnes » sans précisions supplémentaires ; d’autre part, naturellement, le champ d’intervention du Tribunal s’est  progressivement étendu jusqu’à des situations où se manifestent des violations des droits des individus et des communautés à l’intérieur des États, très semblables à la situation que vous examinez: voir, par exemple – en plus des  décisions citées dans le recours – la sentence du 21 mai 1999 (Examen de la plainte déposée par le collectif “ELF ne doit pas faire la loi en Afrique” contre l’entreprise ELF-Aquitaine) qui stipule, entre autres choses, ce qui suit:

«Les travaux de la session du Tribunal permanent des peuples  sur ELF se sont appuyés sur la Déclaration universelle des droits des peuples, qui proclame le droit de ces derniers à l’autodétermination politique et rappellent leurs droits économiques, en particulier celui du contrôle de leurs ressources naturelles et celui du respect de leur environnement. L’affaire ELF a révélé des pratiques qui entravent l’exercice de ces droits. [...]

Repenser le rôle du Tribunal Permanent des Peuples dans la perspective du respect de son mandat initial exige qu’il prête attention aux problèmes suivants:

- la façon dont les fondements des lois impérialistes –l’équation entre  « ordre » et « protection de la propriété privée » – peuvent être remis en cause et limités est la formalisation d’une libération de la tyrannie économique;

- la façon dont les procédures pour « dire » et « écouter » devraient être modernisées pour donner priorité à la voix de ceux qui souffrent, afin de créer une forme de jugement social contre la criminalité économique des entreprises transnationales.

9. La compétence du Tribunal Permanent des Peuples – votre compétence – est claire et ne laisse aucune place au doute. Mais – je tiens à le souligner – elle est validée par de nombreux autres éléments.

Le premier découle non pas d’un fondamentalisme écologiste mais de la récente encyclique déjà mentionnée  « Loué sois-tu » du Pape de Rome, dans laquelle au paragraphe 95 on lit :

« 95. L’environnement est un bien collectif, patrimoine de toute l’humanité, sous la responsabilité de tous. Celui qui s’approprie quelque chose, c’est seulement pour l’administrer pour le bien de tous. Si nous ne le faisons pas, nous chargeons notre conscience du poids de nier l’existence des autres. Pour cette raison, les Évêques de Nouvelle Zélande se sont demandés ce que le commandement « tu ne tueras pas » signifie quand « vingt pour cent de la population mondiale consomment les ressources de telle manière qu’ils volent aux nations pauvres, et aux futures générations, ce dont elles ont besoin pour survivre ».

Prêtons attention aux mots qui, bien sûr, ne sont pas utilisés au hasard! L’interdiction des destructions irréversibles de l’environnement qui menacent la vie et la santé des générations actuelles et futures est sur le même plan que le commandement fondamental: «Tu ne tueras pas» et «Tu ne voleras pas ». Si c’est ainsi,   la violation des droits fondamentaux collectifs, par l’éviction des populations concernées, est évidente.

En second lieu, la logique autoritaire des décisions prises sur des sujets aussi importants et irréversibles est à tout point de vue une logique typiquement coloniale comme celle qui a justifié une grande partie des interventions de ce Tribunal. Quelle était et est, de fait, l’essence du colonialisme sinon la domination de l’Occident sur les  ressources des autres peuples, domination imposée par la force et avec une prétendue supériorité morale et culturelle des colonisateurs (d’où, comme avait coutume de le dire Sir Thomas Watt, responsable britannique en Afrique du Sud, « aucune considération d’ordre moral, comme les droits de l’homme, ne pourra barrer la route à la domination blanche»)? Mais est-ce que ce ne sont pas ces mêmes arguments – évidemment adaptés (mutatis mutandis, comme disent les juristes) – qui sont  utilisés contre les opposants au TAV et aux  grands projets similaires, considérés comme des ignorants, ennemis du progrès, ne s’intéressant qu’à leur intérêt particulier, capables de violences, ce qui légitime l’usage même de la force (au lieu du dialogue) pour les faire taire ? Je parle, bien sûr, de la logique, de la culture sous-jacente, pas d’actes concrets. Et c’est ce qui relie la décision que vous devez prendre aujourd’hui aux décisions du Tribunal d’il y a plusieurs décennies, sur par exemple, le Sahara (1979), le  Timor oriental (1981), le Zaïre (1982), le Guatemala (1983). Dans son histoire -  nous le savons bien – le Tribunal Permanent des Peuples s’est  toujours occupé, à la seule exception de l’ex-Yougoslavie et de Tchernobyl (arrêts du 20 Février et 11 Décembre 1995 et arrêt du 15 Avril 1996), des violations des droits qui ont eu lieu dans les pays non-européens. Pas par hasard, mais en raison de son origine, liée à l’expérience du colonialisme (comme l’indiqué explicitement  la Charte d’Alger du lointain  4 Juillet 1976). En ce nouveau millénaire cependant, le colonialisme classique a été complété par d’autres formes d’exploitation et de suppression des droits des peuples et des citoyens, consécutivement au pouvoir absolu et sans contrôle de la force et de la richesse. Et il est donc compréhensible et cohérent que le Tribunal  s’enrichisse de ces nouvelles compétences, comme il l’a fait, d’ailleurs, quand il s’est occupé du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale (1988-1994), des risques industriels et droits de l’homme (1994), des droits des enfants et des mineurs (1995), des droits des travailleurs du vêtement (1998).

Et il y a une troisième considération. Les violations des droits dont nous traitons aujourd’hui, sont  certainement moins flagrantes que d’autres mais sont le  signe de ce qui nous attend à l’avenir. Dans les sociétés contemporaines, traversées par de nouvelles dérives décisionnaires et des tendances autoritaires, il arrive de plus en plus souvent que le centre soit aveugle et que la vérité se trouve aux marges, dans les lieux périphériques, dans des événements impliquant des parties limitées de la société mais qui anticipent, cependant, les phénomènes généraux. Comme l’ont montré – entre autres – les recherches, désormais classiques, d’Enzo Traverso sur le nazisme et sa genèse, l’incompréhension et la mauvaise analyse des nombreux signes avant-coureurs pourtant facilement perceptibles ont abouti au siècle dernier à des guerres et catastrophes indicibles. Il appartient au TPP, toujours en avance sur son temps, de contribuer à changer la vision inadéquate et myope qui prévaut, de dénoncer et condamner les violations des droits fondamentaux des peuples même apparemment limitées, afin d’empêcher que cela ne devienne  une méthode de gouvernement général de la société.

10. C’est à la lumière de tout cela, que nous soumettons au Tribunal des peuples  nos requêtes. Les grands projets et les pratiques qui les accompagnent, dans le val de Suse, en Italie et en Europe, n’épuisent pas leurs effets dans la construction d’un barrage ou d’un grand pont, dans la destruction d’une forêt ou la percée d’une montagne (déjà elle-même, parfois, responsable d’événements terribles, comme  devraient le rappeler, dans notre pays, les 19l7 morts de la tragédie du Vajont en 1963, exclus de fait du débat sur les grands projets), ils agissent aussi  – comme l’expérience de ces dernières années l’enseigne – sur les mécanismes globaux du fonctionnement des institutions et de la démocratie elle-même. Voilà pourquoi nous – et avec nous la communauté de Notre-Dame-des-Landes, de Londres, de Birmingham et Manchester, de Roșia Montană et Corna, du Pays Basque en  France et en Espagne, de Stuttgart, de Venise, de Florence, de la Basilicate et des régions de l’Italie touchées par les projets de forage, de Messine, de Niscemi et de tant d’autres parties de l’Italie et de l’Europe – demandons au Tribunal Permanent des peuples de dire, avec l’autorité que lui donnent son histoire, sa composition et son indépendance:

- que, dans la vallée de Suse ont été violés les droits fondamentaux des habitants et de la communauté locale à être correctement informés et à participer, directement et par l’intermédiaire de leurs représentants institutionnels, aux décisions concernant la conception et la construction de la Nouvelle ligne ferroviaire entre Lyon et Turin (connu sous le nom de TAV), décisions cruciales ayant des incidences  sur les ressources naturelles, l’environnement, la santé, et sur l’ espérance de vie même des générations actuelles et futures;

- que cette violation s’est réalisée par des omissions délibérées (en particulier la non-implication de la communauté locale et ses représentants institutionnels dans les décisions concernant la nouvelle ligne ferroviaire, l’absence de  procédures de dialogue réel et de consultation, l’inexistence de possibilités de recours juridiques adaptés contre l’exclusion des citoyens des décisions susmentionnées) et de manière active, notamment par la manipulation des données relatives à l’utilité et l’impact des travaux, ainsi que par la fabrication et la diffusion ultérieure d’ informations, de prévisions et de données mensongères  et/ou non fondées scientifiquement sur les caractéristiques, l’utilité et l’impact des travaux ; la préparation de mesures législatives visant à interdire la participation et à criminaliser les manifestations de protestation, l’adoption de pratiques et d’interventions administratives et policières, visant aux mêmes objectifs, aboutissant au contrôle du territoire par l’armée et à un usage disproportionné de la force contre les opposants et manifestants  parfois grâce à une législation spécifique, au contrôle militaire du territoire et à l’intervention massive de l’appareil répressif, avec des limitations importantes des droits  des citoyens garantis par la constitution;

- qu’ont contribué à la réalisation de cette violation les différents groupes parties prenantes au projet, les entreprises chargées de sa mise en œuvre et les gouvernements nationaux qui se sont succédé au cours des deux dernières décennies (en agissant directement et par l’intermédiaire de  fonctionnaires nommés à des postes clés comme  l’Observatoire pour la liaison ferroviaire Lyon-Turin) et que cette violation a été autorisée ou facilitée par les institutions européennes compétentes (le commissaire nommé par la Commission européenne  coordonnateur du projet prioritaire no. 6 RTE-T et la Commission des Pétitions du Parlement Européen) qui ont accepté sans critique des projets préparés par les promoteurs et les gouvernements, sans  contrôles adéquats et sans  prise en compte des demandes venant de la communauté du Val de Suse et de ses experts;

- que le système établi en référence au Val  de Suse est l’expression d’un modèle de gouvernance territoriale et de dynamiques sociales de type néocolonial fondé sur la prétention des lobbies économiques et financiers nationaux et supranationaux et des institutions qui leur sont liées de disposer sans  limites et sans contrôle  des ressources d’un territoire en excluant les populations concernées (considérées comme porteuses d’intérêts particuliers et sans valeur);

- qu’un tel modèle de gouvernance est maintenant courant en Italie et en Europe, comme en témoigne la gestion de nombreux cas abordés dans cette session et en particulier, en se limitant aux exemples les  plus pertinents, l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes en France, la mine à ciel ouvert de Roșia Montană en Roumanie, la ligne de chemin de fer “Y basca” en Espagne, le pont de Messine, le barrage du Mose à Venise et les forages pour l’exploration pétrolière dans  différentes régions de l’Italie;

- que le système est clairement contraire aux exigences de nombreux traités et actes internationaux  (en particulier, celles de la Convention d’Aarhus du 25 Juin 1998 qui prévoit quand il s’agit d’environnement une « information adéquate, efficace et en temps voulu, » la participation effective des citoyens aux  travaux « tout au long du processus de prise de décision» et l’obligation pour les  institutions compétentes à « tenir dûment compte des résultats de la participation » des citoyens), qu’il viole les fondements de la démocratie participative (puisque  la plupart des constitutions occidentales affirment  que «la souveraineté appartient au peuple») et qu’il met en danger, au cœur même de l’Europe, les principes fondamentaux énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, approuvée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 Décembre 1948.

J’ai terminé. En présentant au Tribunal Permanent des Peuples ce réquisitoire, j’ai conscience de  l’insuffisance de mes propos pour décrire la gravité des violations des droits fondamentaux liés au système des grands projets et les conséquences néfastes qu’ils entraînent (et sont susceptibles d’entraîner) dans la gouvernance de la société et dans le rapport  entre les grandes puissances économiques et financiers et les citoyens.

Me console cependant la conviction que ce je n’ai pas su  dire  vous a cependant été transmis par la force de conviction, l’intelligence, la passion, la rigueur d’une petite partie de la communauté que vous avez appris à connaître ces derniers jours.

Turin, le 7 Novembre 2015


A historic sentence

On Sunday, November 8, 2015, following a four-day session open to the public, the Permanent Peoples’ Tribunal – PPT - made a historic decision condemning not only the process used in the planning of the TAV (high speed train) in Val Susa (in Northern Italy), but also the entire system dominant in Italy and Europe regarding mega projects: TAV Susa Valley, the airport of Notre-Dame-des-Landes in France, HS2 in the UK, the Rosia Montana mine in Romania, high speed rail projects in the Basque Country, Stuttgart, Venice, Florence, Basilicata and other regions of Italy, etc.

The PPT’s decision, which fully accepted the prosecution case, says explicitly that in the Susa Valley the fundamental rights of citizens to information and participation were violated in contradiction of numerous international conventions, and recognised that there had been incorrect criminalization of the opposition movement and unacceptable militarization of the territory (seen at first hand by the judges during their visit to the site of La Maddalena in Chiomonte).

In this respect the PPT identified the responsibility, in addition to that of developers and companies concerned, of the Italian Government over the past two decades and of the European Union which has uncritically accepted information without conducting the checks required by the opposition movement.

The PPT concluded with specific recommendations calling, among other things, for the Italian and French governments to open “meaningful consultation of the populations concerned, and in particular, the residents of the Susa Valley, in order to provide them the opportunity to express their views on the relevance and viability of the project and to assert their rights to health, the environment and the protection of their living conditions”, extending the examination of all possible options “without ruling out the Zero Option” and “suspending the project pending the results of serious and full consultations”.

The PPT also asked that the military occupation of the area should be suspended.

On this basis it is possible to open a new phase in the history of the TAV and the Susa Valley. It must happen.

Turin, November 9, 2015

The ContraObservatory Valsusa


Italian version prevails

Text in English

Turin Session, 5-8 November 2015

PERMANENT PEOPLES’ TRIBUNAL

Founder : Lelio BASSO (Italy)

President : Franco IPPOLITO (Italy)

Vice-presidents:

LUIZA ERUNDINA DE SOUSA (Brazil)

JAVIER GIRALDO MORENO (Colomba)

HELEN JARVIS (Australia)

PHILIPPE TEXIER (France)

Secretary General:

GIANNI TOGNONI (Italy)

FUNDAMENTAL RIGHTS, PARTICIPATION OF LOCAL COMMUNITIES AND MEGA PROJECTS

 From the Lyon-Turin high-speed rail to the global reality

Turin-Almese, 5-8 November 2015

General Secretariat:

VIA DELLA DOGANA VECCHIA 5 – 00186 ROME – TEL: +39 0668801468

E-mail: ppt@permanentpeoplestribunal.org

www.tribunalepermanentedeipopoli.fondazionebasso.it

http://tribunalepermanentedeipopoli.fondazionebasso.it/wp-content/uploads/2015/11/Dispositivo-INGLESE.pdf

 JURY COMPOSITION

President:

Philippe Texier (France)

Honourary Magistrate of the French Supreme Court of Appeals, former member and President of the Committee on Economic, Social and Cultural Rights of the Office of the United Nations High Commission

Members:

Umberto Allegretti (Italy)

Jurist, former professor of Constitutional law at the University of Florence, former director of « Democracy and Law », scholar of democratic participation

Perfecto Andrés Ibáñez (Spain)

Magistrate of the Supreme Court of Spain and director of the magazine Jueces para la Democracia

Mireille Fanon Mendes France (France)

President of the Frantz-Fanon Foundation and  member of the Working Group of experts for people of African descent of the Human Rights Council of the United Nations

Sara Larrain (Chile)

Chilean ecologist and politician, director of the Sustainable Chile Program since 1997

Dora Lucy Arias (Columbia)

Lawyer, member of the Board of Directors of the Colectivo de Abogados José Alvear Restrepo

Pigrau Antoni Solé (Spain)

Professor of Public International Law at the University of Rovira y Virgili in Tarragone, Director of the Centre for the Study of Environmental Rights in Tarragone

Roberto Schiattarella (Italy)

Economist, economics professor at the University of Camerino

GENERAL SECRETARIAT

Gianni Tognoni (Italy) – Simona Fraudatario (Italy)

JUDGMENT

I. INTRODUCTION

1.1. The history and legitimacy of the Peoples’ Permanent Tribunal

The Peoples’ Permanent Tribunal (PPT) is an international organization founded in 1979 with the aim of rendering the process that began with the Russell Tribunal on Vietnam (1966-67) and on Latin American dictators (1974-76) permanent: guaranteeing space for visibility, for voices to be heard, for judgments on systemic violations of human, individual and collective rights, as well as the rights of peoples who do not find an institutional response in single countries or in communities of States. International law is, de facto, a largely imperfect series of regulations and in arduous and contentious evolution, especially regarding how to define crimes against human rights with roots that can be traced to “economic” causes and actors (that are, however, excluded from the competencies of the International Criminal Court) but which are, nonetheless, increasingly protagonists in today’s society at the single nation, and regional and global market levels.

Applying international law to the dominant position held by economic rationale over the rights of peoples, was the object of in-depth analysis in the PPT session dedicated to “The Conquest of America and International Law” (Padua-Venice 1992). The original ritual in the formulation of the doctrines of international law, and their application, was very clear: a conquest, an imposition until the genocidal destruction of cultural models and social orders were legitimated by disguising strictly commercial interests and relations of strength between the dominant powers at the time, with ideological motivations and objectives declared to be in the name of a greater good that had to be accepted a priori.

The activities of the PPT have ever more frequently addressed the implications of the reverse hierarchy between human rights and economic ones in the last 20 years. This naturally, with the obvious limits of efficacy as a “court of opinion” that cannot exercise any influence that is not part of public opinion in the real sense of the term: the right to “declare the right” on behalf of a people that are the subjects of this dynamic and the guarantors of that right. The legitimacy of the PPT lies in its very existence as a tool to denounce, document and resist against an omission, a silence before the reality of violations of fundamental rights. The rigorous analysis of facts and the gaps in the practice of rights at national and international levels, creates an historic memory, for the present and the future, of the inviolable priority of the genuine right to a decent life and the dignity of people whose sovereignty is the only source of authority before the State.

1.2. The Session on “Fundamental rights, local community participation and megaprojects. From the Tav to global realities”

The Permanent Peoples’ Tribunal (PPT) Session, which took place 5-8 November 2015, with the public audiences held at the Abele Group’s Fabbrica delle E and the final reading of the sentence at the Magnetto Theatre in Almese, represents the conclusion of painstaking preparation which rigorously followed the requirements of the PPT Statute.

On 20 April 2014, the Presidency of the PPT responded positively to the initial request to consider the planning and construction of the Turin-Lyon high-speed rail project presented on 8 April 2014, outlining the motivations for accepting the case and the parameters that had to be followed in preparing for the Session. The following was particularly noted:

- the strong coherence and continuity of the request with the experiences and competencies of the PPT, developed and documented specifically in the decisions on the policies of the International Monetary Fund and the World Bank (1989; 1994), on the Bhopal (1992; 1994) and Chernobyl (1996) disasters and in the more recent decisions on transnational corporations in Colombia (2001-2008), on EU policies in Latin America (2006-2010) and the consequences of free trade treaties in Mexico (2011-2014);

- the specific relevance and contemporary nature of the current facts related to Val Susa regarding the accusation of a conflictual situation that has at its centre a systemic violation of the fundamental rights of a community to play a priority and essential role in the decision-making process regarding the context and conditions in present-day life and the future;

- the importance of examining and verifying the interaction and hierarchical relationship between variables and determining economic and financial factors in “megaprojects” that are proposed as strategic at a national level, and sustained at a European level, and the obligations related to respect for the fundamental rights of individuals and communities in national and international legislation;

- the opportunity to evaluate if and how much the Val Susa case could be considered the embodiment of a local conflictual situation, or whether it should be framed and compared with the international context (European and not only) related to megaprojects, to verify the possible character of its manifestation as exemplifying a systemic problem at a European and global level.

The presentation-acceptance of the formulated charge, keeping in mind the comments identified above (Attachment 2), formally opened the investigative phase which led to the inaugural Public Session on 14 March 2015, in Turin. At that point, the period of contact with the groups representative of the Italian and European context which, at first inspection, resulted more directly pertinent to the objectives of the PPT, commenced. In the case of two of these cases – in particular the case of the Notre-Dame-des-Landes airport and the Mose project in Venice – on-site visits took place by the General Secretariat of the PPT, with the aim, above all, of documenting the representative nature of the movements with respect to the local community.

According to the PPT Statute, the stakeholders identified in the indictment were invited (by registered mail and with a follow-up request) to participate in the PPT Public Session directly or through a representative. On 4 November 2015, two letters addressed to the Tribunal and signed respectively by Paolo Foietta, architect and President of the Turin-Lyon Technical Observatory, and Mario Virano, architect and Director General of TELT, the body organization charged with realizing the TAV project, were received. In both cases, they declined the invitation to participate stating that their positions were flawlessly and entirely available in documents that are easily accessible and which, they sustain, demonstrate the absolutely appropriate nature of the behaviour of the Observatory and TELT, in coherence with the mandate they have received.

As documented in the detailed programme available in Attachment 1, the PPT Public Session was carried out in the following manner:

- an initial day dedicated completely to the relations and testimonies related to the Val Susa case;

- a second day focusing on Italian megaprojects (the Mose in Venice, the TAV in Florence, the Muos in Niscemi, the thermodynamic solar plant in Basilicata, the various drilling projects scattered throughout the territory, the Messina Bridge, the Orte-Mestre toll highway, the Alpi Apuane basin) and European ones (Notre-Dame-des-Landes airport in France, the TAV in France, the Basque Region, the UK and Germany, and the mining project in Roşia Montana in Romania), identified as representative situations that are comparable and/or complementary, due to their content and the opposition-resistance activities carried out by the interested communities, to the Turin-Lyon TAV case study;

-in the morning conclusions, which included a general report on the strategy of “megaprojects” on a global level (with particular attention paid to Mexico and Latin America) and the required conclusions presented by Livio Pepino (Attachment 3);

All multimedia documentation was available to the members of the jury, who were able to question the speakers, among whom were technical and legal experts, local administration representatives and citizens of the affected communities.

II. THE FACTS AND THE CONTEXT

In the attachments to the initial request, in the succeeding submissions, in the hearing of 14 March 2015 and  the preliminary proceedings that have taken place during the present session, the claimants have produced extensive documentation related to the new Turin-Lyon Railway line project which includes – along with the allegations of the defendants – the main official documents on which the project is based, as well as the grounds supporting it published on the institutional website of the Government on 9 March 2012 (later included on 21 April following the observations by the Technical Commission of the Valsusa and Val Sangone Mountain Community). Furthermore, several films have been submitted, related to the project work, the demonstrations by the opposition movement and repressive action by law enforcement personnel (some of them originating from police authorities and introduced in criminal proceedings). Later on, in the course of the preliminary proceedings held on 5 and 6 November, at least another 30 direct or video testimonies were obtained (the latter  completely recorded in dvd format that were incorporated into the official records) and the Tribunal addressed direct questions concerning certain texts. While they did not attend the proceedings, in their letters dated 4 November, the representatives of  TELT (Tunnel Euralpin Lyon Turin) and the Observatory for the railway connection  Turin–Lyon requested the documentation on the project that “had been widely publicized on institutional and media sites” and this allowed the inclusion of information material, inter alia of the nine booklets produced by the Observatory between 2006 and 2012 (that can be found on the site of the Italian Government). Moreover, a delegation of the Tribunal travelled to the area where the underground tunnel of Maddalena in Chiomonte is being excavated and observed the work from outside and from above (since no authorization was granted to access the tunnel on the requested date).

Besides the above mentioned material, the Tribunal obtained documents and information about other large-scale projects in Italy and Europe that were considered representative of situations that are comparable and/or complementary to the New Turin-Lyon Railway line (the Mose dam in Venice, the TAV railway line in Florence, the solar thermodynamc plant in Basilicata, the bridge in Messina, the Orte-Mestre motorway, the airport of Notre-Dame-des-Landes in France, the new high-speed railway line in the Basque Country in Spain and France, the HS2 London-Birmingham railway line and the train station in Stuttgart) as well as other similar initiatives from the point of view of their environmental impact (the Muos plant in Niscemi, the projects of widespread drillings throughout the territory, the intensive exploitation of  marble quarries in the Apuan Alps, the start of open-pit gold mining in Roșia Montană, Romania). For that purpose, the Tribunal secretariat also had direct access to Notre-Dame-des-Landes and Venice. Report and direct-witness depositions were submitted over the course of the session, on 6 November.

From that vast evidentiary material the following, with regard to the aspects that are pertinent to us, should be noted:

2.1.The idea of a new railway line between Turin and Lyon goes back to September 1989 when, under the initiative of the Agnelli Foundation, a project was presented in Turin that consisted in the extension of the French TGV network and foresaw the excavation of a 50-km-long tunnel under the Moncenisio mountain pass. The presentation was followed by the establishment of a Committee for the Promotion of the High-Speed Turin – Lyon Line under the joint chairmanship of Umberto Agnelli (representing Fiat spa, the largest private economic group in Italy at that time, and also with significant participation in the ownership of several large newspapers that then became very vocal supporters of the project) and the President of the Piedmont Region. In the meantime, the project has undergone several changes, concerning the layout of the railway tracks and its ultimate purpose, which became then that of mixed railway line for passengers and freight and later on primarily for the transport of goods, in view of the progressive reduction of demand for the transport of passengers. The present project  – that has its normative base in article 1 of the Agreement between Italy and France of 29 January 2001 (ratified in Italy through law n. 228 of 27 September 2002) – foresees a 270-km-long line, of which 144 km are under French jurisdiction, 58 km under mixed jurisdiction between Saint-Jean-de-Maurienne and Susa/Bussoleno and 68 km under Italian jurisdiction (RFI) from Susa/Bussoleno to Orbassano and Settimo, where it should connect to the Turin-Milan line. To date, no work has begun on any of the three sections, which are at different procedural and administrative stages, while the excavation of the exploratory tunnel continues in France and Italy and, due to the lack of financial resources, the indication by the Government has been to proceed only with the 57-km main tunnel which should pass through the Alps at a level of about 600 meters, postponing the decisions concerning the other sections to a future date.

2.2.On the Italian side, the layout of the tracks, the projected entrance of the tunnel in the international section and the work in progress for the exploratory tunnel all impact the Susa Valley (Valley or Valsusa), a valley of slightly less than 40 municipalities and a population of 120.000 inhabitants (including the upper part which is not affected by the project) which is already traversed by the historic railway line, the A32 motorway and two national roads. Following the presentation of the project and the start of the preparatory work in the Valley, a broad opposition movement against it known as “No TAV Movement” emerged and continues to develop. The movement began in 1989 and encompasses citizens, local administrators, university teachers and experts from several disciplines. The main reason for the opposition is, clearly, the feared risks for the environment and the health of the population, taking into account, on the one hand, the cyclopean character of the project, and, on the other hand, the presence of uranium and asbestos in the mountains to be excavated. The meetings of experts and citizens in the Valley have become a regular feature and contribute to the overall growing awareness, knowledge and participation. Gradually, as the project progresses and the work goes forward, the opposition turned to other aspect: the perceived uselessness of the new line, the squandering of resources in times of severe economic crisis (in view of the forecast for a total expenditure estimated at 26 billion Euros by the French Court de Comptes) and the complete exclusion of the local community from any debate about the real utility of the project. Over the years (and decades) the ideologically and politically heterogeneous opposition movement has become deeply rooted in the territory, has attracted consensus at a national level and organized demonstrations with very large numbers of participants of up to 70-80.000 people according to the movement’s own estimates. Until 2005, the conflict between the movement and governmental institutions, though harsh, did not generate civil strife. It, however, started on that year with the first expropriations and the beginning of the project work. The moments of highest tension took place in Venaus, on the night of 6 December 2005, with the clearing out by the police force of a protest site organized to prevent the drilling of probe-holes and the execution of work. And, six years later, on 27 June 2011 with a similar violent clearing out of a protest site in La Maddalena to prevent the beginning of the perforation of an exploratory tunnel. Since then, the substantial conflict has been accompanied by more or less frequent “attacks” on the project fencing, sometimes for purely demonstrative purposes, other times together with stone throwing, paper bombs and fireworks to which the security forces respond with the use of tear gas. Thus, an increased militarization of the territory (as will be explained later) and a radicalization of the conflict has taken place, while appeals continue being addressed to the Government – that always go unheard – from intellectuals, experts, economists, trade unionists, lawyers, religious figures, artists and also politicians of national renown, requesting the suspension of work and the opening up of a true dialogue about the real need/utility of the project.

2.3.The investigation phase has clearly revealed that no detailed and adequate information about the characteristics and the effects of the project was provided to the population or to local administrations in the phase prior to the 2001 agreement between Italy and France (which is still the legal basis for the new line). All witnesses heard on that issue pointed out that “the institutional information has been limited to (scanty) propaganda communication containing slogans and fanciful forecasts (like the film sent by the Comitato Traspadana to the municipal councillors of Valsusa and Val Sangone at the end of the nineties, that was shown during the session) and some superficial meetings organized by the sponsors at the Regional offices in Turin exclusively with representatives of the newly created “No TAV Movement”. Incidentally, this situation has not been contested and has been indirectly confirmed by the Italian Government itself which in its reply to question no. 5 of the document published on its own website on 9 March 2012  (“Has the project been the subject of consultation with the territory?”) refers exclusively to facts (to which we shall refer later on) from the year 2007.

2.4. Further, it has been established that, after the signing of the agreement between Italy and France in 2001, the new railway line was included by the Italian Government, in application of art. 1 of law no. 443 of 21 December 2001 (the so-called “target law”) among the “structures of overriding national interest to be realized for the modernization and the development of the Country”, transferring all decisions regarding  environmental compatibility to the Italian Prime Minister (with prior deliberation by the CIPE – the Interministerial Committee for Economic Planning) and consequently, negating the corresponding decision-taking process by the local administrations (thus taking away their powers to award permits, authorizations or approvals).  This has further excluded local communities from the possibility to participate in the dialogue about the project. Moreover, when in June 2006, following a specific decision by the Prime Minister, the Turin-Lyon line was excluded from the field of application of the “target law”, the procedure concerning the project continued as if nothing had happened (thus allowing inter alia the approval for the exploratory tunnel in Chiomonte using the procedure initiated for an earlier project in a different location  and without any new tender). This was also made possible thanks to specific declarations (that were proven to be untrue) by public institutions, such as the “Technical Structure Tasks” of the Ministry of Infrastructure and Transport (Struttura tecnica di missione) in a note on 8 September 2009 replying to a specific query from LTF, stated that “the railway connection Turin-Lyon had been included in the first programme of strategic works, approved, in application of law n. 44372001, with the deliberation of the CIPE n. 121 on 21 December 2001, after which no further deliberation by the same Interministerial Committee had taken place to formally revoke the inclusion of the project in the strategic structures programme” (thus misleading inter alia the Administrative Tribunal TAR of Lazio that, in its judgment of 4 December 2013-27 February 2014, rejected the complaint lodged by the Mountain Community against the deliberation of the CIPE of 18 November 2010).

2.5. Still on the issue of participation by the local community, it is illustrative to refer to the situation of the Observatory for the Turin-Lyon railway connection, established by a decree of the President of the Council of Ministers of 1 March 2006, to carry out a dialogue among the different territorial components and to identify the solutions to be submitted to political decision-makers (by mediating in the conflict that had arisen in the preceding months). The Observatory and its activities are constantly portrayed by the project sponsors, by the Government, the Piedmont Region, the political majority, the European Commission and the independent media, in Italy and in Europe, as an example of the right relationship between institutions and citizens and as a demonstration of effective participation of local administrations and citizens in decisions regarding the project (everyone can the already mentioned “reply” no. 5 by the Monti Government of 9 March 2012, according to which: “The Observatory has gone a long, hard and complex way, seeking a consensual and shared solution, approaching primarily the issue of the appropriateness and the modalities for the implementation of the new Turin-Lyon railway line and reaching an agreement among the different representatives. On 28 June 2008, the agreement of Pra Catinat was signed, which sets out the undertakings by the different actors of the project, according to which it was decided to carry out the preliminary design of the complete section on Italian soil. The result was a preliminary project that represents the first example of participation and discussion with regard to a large infrastructure project in Italian history”). The preliminary proceedings have shown that such a statement is totally groundless. The Observatory has indeed carried out intense work gathering information and documents, as evidenced by the booklets it has published (especially the first ones) but it has avoided discussing the main issue – which is decisive for the real participation of the local community – namely, the need for a new railway line or the opportunity to modernize and utilize the historic one. No formal discussion seems to have taken place on that issue. The president of the Observatory  has taken over, in this context, the position of head of the Italian delegation to the Italian-French  Intergovernmental Conference for the implementation of the project (thus showing that he plays an active role in the realization of the new line). Furthermore, in January 2010, the Government decided to “redefine local representation within the Observatory”, to admit “only those municipalities that expressly declared that they are willing to take part in the best realization of the project”. In this regard, the issue of the so-called Pra Catinat agreement, already mentioned above, is particularly telling. The agreement is presented as an historic example of participation, not only in the governmental document of 9 March 2012 but also in the Observatory’s booklet No. 7, that is entirely dedicated to it, where it is said: “the text of the agreement, called ‘points of agreement for the design of the new line and new transportation policies for the territory’ is the product of an uninterrupted ‘workshop’ of around 50 hours that allowed the members of the Observatory, in the favourable conditions created by the mountain Hermitage of Pra Catinat (at 1.760 meters height) to tie up all the loose ends from the arduous work initiated on 12 December 2006.  At the conclusion of this work and following a continuous relationship between technicians and mayors, and multiple institutional representatives, a rich, uninterrupted, intense democratic debate that brought down to the reality of the territory and the local communities the developments and the successes of a technical discussion about sensitive issues, going beyond the strict scope of a working commission and becoming an open-ended political and social debate that was oftentimes harsh, but, thanks to the mayors, firmly rooted on institutional ground”. Nonetheless, as emerged in the preliminary proceedings, such reconstruction bears no relation to reality: the document defined as an “agreement” was not signed by any mayor, but only by the president of the Observatory, the mayors who were heard by the Tribunal declared they never signed such a document (and in many cases, never participated in the workshop). There was never any deliberation of community councils to ratify such an “agreement”. There wasn’t any form of participation but an untrue and purely propagandistic representation of reality. The matter is particularly serious and symbolic due to the attempt to exclude any form of participation while trying to create the opposite impression of the process.

2.6. An important part of the session was dedicated to the analysis of data and the forecasts mentioned by the proponents and Italian and European governmental institutions to support the need for the project. This is relevant for the purpose of the present trial because the already mentioned Italian-French agreement of 29 January 200, “taking note of the recommendations submitted by the Intergovernmental Commission in its report of 15 January 2001”, foresees, in article 1, that “the Italian and French Governments undertake, in applying the present Agreement, to build or to have the project built on the Italian-French common portion which are necessary for the realization of a new mixed railway connection for freight and passengers   between Turin and Lyon, the activation of service of which should take place at the date of saturation of the existing projects”. Beyond the prudence in use of terminology of international agreements, this means that, at the moment of the signing of the agreement, the underlying premise for the construction of the new line – although it was wished by the signatory Governments – was the actual or immediately impending saturation of the historic line (as is, incidentally, evident not only due to common sense but evident in parliamentary debate, especially with regard to the French side). Thus, from all the collected information, including from  governmental sources, and beginning with that contained in the above mentioned booklets from the Observatory, it follows that the envisaged conditions are very far from happening and, as a matter of fact, they are destined not to take place, given that the historic line is utilized at  20-30 per cent of the existing capacity and, instead, a consistent reduction of traffic, either by rail or by road, on the East-West axis can be observed (which inter alia has proven all the forecasts advanced by the proponents of the project at the beginning of the nineties wrong). This is also admitted by the Italian Government which, in the above-mentioned document of 9 March 2012, though the text of the Italian-French agreement has remained unchanged, claims in support of the need for the new line, no longer the saturation of the old one but rather its “suitability”.  In reply n. 8 of the above-mentioned document, it is indeed said that: “The Frejus historic line is like a typewriter in the age of computers: a service that nobody wants anymore. It is thus necessary to create a new infrastructure that satisfies the demand for goods and persons. The requirements of a modern and efficient freight transport, in which the private component takes on an ever increasing role, make the  utilization of the existing capacity on the historic Turin-Modane line impossible. Taking into account the objective of promoting the rebalancing of transport modes between road and rail in the Alpine region in every possible way, it is necessary to build a new railway pass and a new railway route. In a nutshell, given the objective of modal shift in the Alpine arc, it becomes necessary to promote the use of the railway at a speed and at a cost that the market considers satisfying. These requirements cannot be ensured by the present railway line between Turin and Modane”. However, such an assertion, which is obviously provocative and propagandistic in nature, cannot be sustained by reliable forecasts and verifiable data available in several respects: the development of traffic in the sense already mentioned, as well as its future projections, the cost-benefit ratio, the modalities for the transport mode shift from road to rail (at a time when among other things, the doubling of the Frejus motorway tunnel is taking place), the environmental impact related to the execution of the project and the pollution caused by trains travelling at the projected speed, the connections between the new line and the existing routes, and so forth. The weakness, the inadequacy and the unfounded basis of the (few) elements produced by the proponents and the interested institutions have been underlined by all experts (from different disciplines) that have taken the floor during the session and are documented in the numerous material submitted. Quite obviously, this has a significant impact on the democratic processes regarding either the definition of public interest (that must be defended also against private interests) or with regard to the decision-making processes and participation in them (which must be based on reliable information).

2.7. Over the course of the session, it was established that, starting in 2003 to the present, an extraordinary number of requests, demands, appeals, documents (some of them are attached) have been submitted to the Government, to the Head of State, to the European institutions by municipalities, environmental associations, doctors, university professors, scientists, citizens, intellectuals, church representatives and the labor sector, with a view to obtaining a real dialogue, the suspension of the preliminary activities and the involvement of independent international experts to verify the real utility and the environmental safety of the project.  Such requests have remained for the most part unanswered and, even in those (rare) instances in which representatives have been received by the relevant authorities, the meetings do not seem to have  allowed for any substantive dialogue.

2.8. A similar lack of response has also been the result of numerous appeals filed by representatives of the anti-TAV movement before the courts, both in the administrative and the ordinary jurisdictions. Concerning administrative justice, the limitations of the Italian normative system must be emphasized, since it does not foresee any specific protection for scattered interests (but only for interests related to an individual or a group  of individuals with legal standing) and prevents collective legal action for the protection of the common good, like those affected by the situation of Valsusa. With regards to ordinary jurisdiction, it has been established that the different demands concerning general or specific aspects that were brought to the Public Prosecutor’s Office (Procura della Repubblica) in Turin and Rome were shelved and discontinued de plano without a specific review of the merits (as was the case for the issue addressed on 31 March 2014 to the Prosecutor’s Office in Rome – Roma da Cancelli – with three submissions relating to potential criminal charges of “abuse of power, irregularities and false testimony” related to the project) or have produced a “boomerang effect” (like the request submitted on 22 May 2013 to the Prosecutor’s Office in Turin by the president of Pro Natura Piemonte and the representatives from other environmental associations about the danger of an active landslide affecting the area foreseen for the construction of the Maddalena exploratory tunnel, that led to the commencement of criminal proceedings against the complainants with charges of causing a “false alarm”).

2.9. Another matter of particular relevance dealt with during the session, which has produced an enormous amount of documents (some of them submitted also by nationally well known entities like the National Association of Democratic Lawyers) has to do with the restrictions to some fundamental rights taking place in Valsusa. The lack of dialogue and consultation with the local population on the part of national institutions has generated – as outlined previously – frequent and harsh confrontations. This has been followed by institutional responses that have often exceeded the physiological threshold for maintaining democratic law and order and balanced crime prevention, engendering, through the methods employed, distortions and excesses, substantive violations of constitutionally guaranteed rights (especially with regard to freedom of movement, the right to demonstrate, freedom of expression and thought as well as liberty tout court). In fact, from the witness testimonies and the documents obtained it emerges that:

a) ad hoc rules have been issued, with the introduction of a sort of “special” criminal code for the area around the construction site at La Maddalena in Chiomonte. Article 19 of law n. 183 of 12 November 2011, in a provision that has only a precedent in law-decree n. 90 of 23 May 2008 relating to waste disposal facilities in Campania establishes: “To ensure the construction of the Turin-Lyon railway line and, to that effect, guarantee the smooth progress of the work concerning the exploratory tunnel at La Maddalena, the areas and sites of the Municipality of Chiomonte identified for the installation of the exploratory tunnel and the construction of the base tunnel constitute areas of national strategic interest. Unless the offence in question constitutes a more serious crime, any person gaining unauthorized access to the areas of national strategic interest dealt with in para. 1 or preventing or obstructing authorized access to the said areas shall be punished under article 682 of the criminal code (“Entry to places where access is forbidden in the military interest of the State”) which provides that: “anyone who enters places where access is forbidden in the military interest of the State shall be punished, if the act is not a more serious offense, with detention from three months to one year or with a fine between 51 and 309 Euros”. In this manner, the area surrounding the construction site in question has been transformed, for all intents and purposes, into a military zone  (with the ensuing application of rules that are close to those that govern military conflicts).

b) in the immediate vicinity of the above-mentioned construction site, a “red zone” has been set up, access to which is prohibited to citizens unless there are substantiated reasons connected to their work. This has been achieved by the continued and recurring issuance of substantially identical executive orders from the Prefect of Turin through which the area surrounding the construction site at La Maddalena in Chiomonte has been entrusted to the police forces, prohibiting “anybody” from “entering and parking” in the zone, as well as forbidding circulation in nearby areas. Over and above that fact itself, it is questionable that such prefectural orders have been issued for an uninterrupted period of over four years (from the 22 June 2011 to the 30 September 2015, with a validity period until 30 January 2016), on the basis of article 2 of the Single Text on Public Security (Royal Decree n.773 of 18 June 1931), that provides for powers that can be exercised in conditions of need and urgency (“In case of urgency or great public need, the prefect is empowered to adopt  the necessary measures for the protection of public order and public security”).

c) in the described zone and, in general, in large areas of the Valsusa a veritable militarization of the territory has taken place, with the anomalous utilization in peacetime of army units in charge of controlling the territory and supporting the different police forces. This has meant restrictions to the right of freedom of movement,  intrusive monitoring of people and serious disruption in the daily life of those areas, affecting work and personal relationships. This state of affairs was directly experienced by the delegation of the Tribunal that travelled to visit the zone and, in order to access an area that was not subject to the restrictions of movement and circulation, had to endure a long delay and the monitor and registration of documents and was then followed, photographed and filmed during the entire visit by law enforcement personnel.

d) in order to control the territory and to overcome the existing resistance and opposition, a presence has been put in place and use has been made of legal powers and force that were, at the very least, disproportionate: constantly requesting documents for the purpose of identification, photographing and filming peaceful citizens, particularly violent interventions to carry out the removal of demonstrators at Venaus on 6 December 2005 and La Maddalena on 27 June 2011 (seriously damaging the necropolis situated there that dates back to 4000 B.C.), massive use of tear gas in the attempts to control demonstrations in the vicinity of the construction site, and so forth.

2.10. The documents gathered in the preliminary proceedings also show the collaboration in the violations described above of some European institutions, in particular the Commissioner designated as Coordinator for the TEN-T n. 6 priority project, Laurens Jan Brinkhorst, and the Committee on Petitions of the European Parliament. Concerning the first, as can be established on the basis of several declarations made either of his own accord or as part of annual activity reports, he reproduces the allegations of the Italian Government and the president of the Observatory for the Turin-Lyon railway link without taking into account (albeit to contest them) the observations of the territorial institutions and their experts, underestimates the potential damage to the environment and the underground water tables as a result of the project, and acknowledges (in a manner that does not correspond to the truth) the existence, in Valsusa, of a broad consensus about the new railway line. Regarding the Committee on Petitions of the European Parliament, what has emerged, also through witness evidence originating in the Parliament itself, is the continued inaction and the “omissive” behaviour of the Committee regarding on-the-spot checks of the complaints lodged by the territorial institutions and citizens (which took place only once without providing any follow-up to the report provided by the dispatched delegation) and the lack of a contradictory debate of the complaints, that were all shelved without considering the merits of the case.

2.11. As has been stated, as part of the preliminary inquiry, the Tribunal also carried out an in-depth investigation concerning numerous other Italian and European projects. In this regard, in preparation for the present session, the review of the project for a planned airport of Notre-Dame-des-Landes, and the related opposition movement, was particularly thorough and included on-site access. The project, which concerns adding a new airport to the present one near the town of Nantes, dates back to the end of the sixties and became topical again in 2000, with the forecast of completing the construction in 2017.  Since the seventies, strong opposition has emerged and has grown over the years, due to the perceived uselessness of the project (in view of the possibility of enlarging and rationalizing the already existing international airport), the unsustainable cost and the ensuing environmental damage (including the irreversible loss of agricultural land and particularly valued wetlands). The opposition movement presently embodies over 50 committees, associations, political movements and trade unions and develops intense and continuous activities in certain fundamental areas:  resistance within the territory (which includes the occupation of an area called “ZAD”, that stands for “Area To Be Defended”, crop extensions and repeated demonstrations), documentation and condemnation of the uselessness of the project and the irregularities that characterize it (that has had the effect of enlisting significant sectors of the local administration in opposition) and legal action (with the submission of complaints to courts at all levels, both against the expropriation of land and against specific aspects related to the execution of the project). As a result of such intense and continuous opposition, in spite of the advance of administrative procedures, the construction work for the airport has not yet started.  However, the governmental political forces continue to maintain that the project is necessary and that it will be implemented in any case and the conflict with opponents has become increasingly harsh. In addition to those that have already been pointed out, the preliminary investigation has demonstrated that there are many common traits between the case of Notre-Dame-des-Landes and that of the TAV in Valsusa. These include: the breadth and heterogeneity of the opposition movement itself which, above and beyond the affected territorial area, encompasses  people from very diverse social categories; the lack of effective involvement and real consultation with the interested communities and the respective institutions in the decision-making process about the projects or the purely superficial character of such consultations (as occurred specifically in the management of the procedure for the Dèbat public); the establishment, following some violent clashes in 2012 of a “Commission for Dialogue” that has, however, excluded any discussion about the “zero option” (that is, the option of enlarging the existing airport, cancelling the construction of new structures); the lack of response to appeals, requests, accusations and the failure to transmit documents submitted by opponents to European institutions; the repeated manipulation of data and the provision of completely unbalanced information in favour of the project by institutions; the adoption of police intervention with a disproportionate use of force to oppose the protest demonstrations and a especially harsh judicial repression for offences committed by demonstrators; the use at a political and journalistic level of terms and language aimed at criminalizing the opposition movement (and even going as far as categorizing it as “terrorism”).

2.12. As has been previously mentioned in point 1.2, other large projects admitted for review by the PPT include the Mose dam in Venice, the TAV railway passage in Florence, the solar thermodynamc plant in Basilicata, the Messina bridge, the Orte-Mestre motorway, the airport of Notre-Dame-des-Landes in France, the new high-speed railway line in the Basque Country in Spain and France, the HS2 London-Birmingham railway line and the train station in Stuttgart) as well other similar initiatives from the perspective of their environmental impact (the Muos plant in Niscemi, the widespread drilling projects throughout the territory, the intensive exploitation of  marble quarries in the Apuan Alps, the start of open-pit gold mining in Roșia Montană, Romania). It should be particularly emphasized that the reports regarding the Mose were the result of an entire and very intense day of public hearings in Venice, with the presence of the General Secretariat of the PPT, on the 10 October 2015. In the case of the railway underpass in Florence, according to the opinion of the experts from the people’s committees, the appraisal of the following risks is completely inadequate: pollution and deviation of the water tables with consequential damage to buildings, reduction of soil resistance, a permanent “mortgaging” of the underground portion of an extremely delicate city which necessitates action on urban traffic including adoption of using the underground area, which would be prevented by the “barrier” created by the project, the lengthening of connection times between high-speed trains and the regional railway network, the non-compliance with seismic norms, outdated and unreliable project data and tests and an improper use of the “observational” model.

Without going into details, very notable similarities emerged (in some cases we can even speak of overlaps) in the methods used with reference to such projects, regarding the authoritarian and centralized character of the decisions related to them, the exclusion of the local population and administrations from decision-making (or with a purely superficial involvement), the inadequacy and (sometimes) clear inconsistency of the data  provided in support of the projects, the transformation of political issues inherent to the projects into issues of public order that are assigned to the police and the judiciary (including through the use of special legislative and administrative measures of a general character) and the rather heavy police and judicial interventions that are interpreted by many as direct methods to discourage and/or block emerging opposition and protest.

The management of the TAV affair in Valsusa has thus emerged not as an isolated stand-alone episode but as symbolic of a widely used method of interference with regard to major issues concerning territorial modification and the environment.

III. ASSESSMENT OF THE FACTS AND FRAME OF REFERENCE FOR THE SCHEMA

A global evaluation of the roles and responsibilities of various public and private bodies characterized as sponsors and agents of the development and management of major development projects and identified in the structured and very precise documentation submitted to the PPT (a summary of its essential elements was presented at the previous session) may be broken down into three types of considerations.

3.1 Democracy as the fundamental frame of reference

The processes of building democratic systems are the outcome of a long path of democratic conquests by peoples enabling the establishment of an order of human rights, social rights, political rights and cultural rights, which are the basis and the guarantee for democracy and the legitimacy of the state’s powers and institutions.

The international system has shaped the International Charter of Human Rights which is the basis for all national constitutions. It was later reinforced by other international instruments. More recently, it has explicitly stipulated social groups and ethnic minorities, after they had demanded recognition and self-determination for which a more general wording is provided by Article 16 of the Universal Declaration of Human Rights proclaimed in Algiers in 1976. It is considered as the specific frame of reference (on the doctrinal and operational level) for all activities, working criteria and rulings of the PPT: “Every people has the right to conserve, protect and improve its environment.”

The universal character of these rights as the fundamental principles of coexistence and democratic governance is even recognized as such on a constitutional level and is the fundamental pillar for the notion of public interest. Faced by the development of critical environmental and territorial situations, the international community and individual states have developed other frames of reference, which have consolidated the specific obligations and rights of peoples and states in view of a sustainable management of common goods, natural resources and territories. It is appropriate at this stage to emphasize in particular the multilateral conventions on the environment and certain more specific documents such as the Aarhus Convention which provide for mandatory procedures for the participation of local communities in all decision-making processes regarding the managementof the environment and territories. It is especially appropriate to highlight the protection of the right to access adequate information, which is provided within a given (opportune) period on projects proposed for development in specific territories, the participation in the decisions taken in the context of activities to be realized and access to legal remedies by mechanisms of administrative law whose outcome shall be to resolve disagreements or diverging opinions on these processes.

In this sense, the essential respect of the right to participation matches the principal instrument guaranteeing and legitimising decision-making processes in connection with projects concerning the respective rights and territories of individuals and local communities as well as reviewing the need for such projects, and this might ultimately result in alternative options to expressing opposition. Any major limitation to exercising the right of participation constitutes a barrier to guaranteeing other rights and translates into a violation of democratic governance.

In this context, we clearly see the devastating emergence of recent developments in the international economic and financial system, their progressive institutionalisation as well as the creation of a system of parallel rules which, in the interest of promoting economic growth as the primary condition of well-being and development, purport to be independent and hierarchically superior to the system of democratic rights and guarantees.

3.2 Local interest and general interest

On the one hand, at the very least all the evidence in the dossiers presented over the course of these days has allowed the PPT to reflect upon the limits of the affirmation which argues that any local interest cannot be totally opposed to the interest considered as a general one. On the other hand, the statements before the Tribunal highlighted that the way of developing an opposing view to major development projects is emblematic of a deterioration of relations between politics, the state and its citizens.

Considering the common sense saying that the interests of the many prevail over the interests of the few – which, generally speaking, could be considered valid – may be considered valid when “qualitatively” similar interests are compared. These are the only cases when the determining element (which will prevail) is really the “quantity” of the interests at stake. In the cases before us, the problem is that the interests at stake primarily refer to the local community, the local people, while the interests defined as the general interest diverge and are not defined in the same way. When local communities identify with a specific and clearly defined territory, the larger community falls back on a concept of the market, which is not only difficult to identify, but also stands for different values. In the cases submitted for the debate there is no opposition between the local interest and the general interest; instead, they refer to something qualitatively different. It is a matter of confronting values: on the one hand, the social values and reasons the acceptance of which is geographically defined, and the values and reasons defined by the economy, on the other. It is a question which may be qualified as physiological in a market economy, but it must be given the highest level of attention. We must not forget that the market economy may be considered as the expression of a bet, which professes to allow for the coexistence of market signals and a respect of the values providing the basis for building a modern democracy, and that it will always be possible to find a balance between these different signals.

Such a balance does not imply that market forces will always prevail over those of society, that this balance may only be realised by an open and transparent confrontation or meeting of the parties concerned and public opinion.

It is this confrontation/meeting which has obviously failed in the cases presented for review. On the one hand, it has failed for institutional reasons, i.e. the fact that the decisions on major development projects were made by technical international institutions which are more aligned with the market factors of a given territory and, from the first stage of the decision-making process, this makes a comparison almost impossible. Furthermore, this confrontation or comparison must certainly not be confused with the national governments adopting the indications provided by these institutions. On the other hand, the comparison has failed in the decision-making process by national institutions which seem to be a disruptive element with respect to these persistent balances. Such behaviour seems to be the more or less conscious expression of the will to pursue a project of an “economic society” meeting the requirements of hypothetical economic laws. As a result, the balance between economic reasons and societal reasons sacrifices the latter for the benefit of the former whose only plausible outcome presented is revenue growth, a growth for which other values may be sacrificed in the longer term.

A society, which thus differs from the society conceived by the European constitutions and embraces the idea of a general interest which is confused with market interest and exposes politicians to the risk of being crushed by the interests and the culture of large economic powers.

The absolute lack of transparency in the manner in which investments of such importance are decided and the “weakness” of technical arguments, which have been widely stressed in the witness statements, are therefore presented to the Tribunal as emblematic and not occasional factors, as the expression of problems of a more general nature, which are related to a change of attitude among politicians, when it comes to the role to be given to the economic dimension in relation to the non-economic dimension; it is ultimately a matter of reviewing the very meaning given to the market economy in the past, and also a matter of a change, for which the functioning of democracy has to pay a high pricein the broader sense, and of the relationship between the state, society and politics.

The facts presented to the Tribunal during the debate, the very harshness of the confrontation in their often widely differing geographic realities may – in this sense – be a statement in themselves. Politics basing its choices on the direction of international institutions and systematically forcing society to adapt to economic laws no longer manages to protect these rights and simultaneously leads to a loss in the “quality” of democracy. From this perspective, it is the primary reason for which the state must reform itself so that it is able to impose the logic of the economy on the logic of the law, particularly because it disrupts its relationship of trust with its citizens, a rupture which makes the aggressions of sectoral interests against politics possible on the one hand, and on the other, forces politics itself to embrace stories with a view of creating short-term emotional confidence, even though they will ultimately weaken this confidence.

From the perspective presented in the witness statements regarding questions of an opposition between the general interest and special interests, it is possible to discern a greater respect for the general interest in the motions coming from local communities than in those coming from politics and businesses which, in the latter case, support the evidence developed around major special interests.

3.3. Megaprojects: a counter-model

Based on the general picture which was presented of megaprojects and which emerged from the documentation submitted in this session of the PPT, it is useful to simply introduce and design a model or rather a counter-model, when the criteria considered for the deliberation are the only criteria of value in the discourse of the sponsors of these development projects.

Normally, they concern enormous projects, which will significantly change the physical reality in which they are realized, which regularly lead to devastating effects on the environment and, therefore, significantly and irreversibly change the pattern of life in the affected communities. If these are the effects of megaprojects on a socio-structural level, they will be just as negative for the institutional order. Given the very nature of these projects which impose a modus operandi, which translates into the development of real states of emergency in the proper sense of the term, together with the accompanying legal and political environment, this cannot be any different. This is the way in which a project plan should be characterized which – in the Italian case – must label hundreds of these projects as “strategic” and equate them to a militarization in view of precluding queries and questions coming from a justifiably alarmed opinion.

The governments emerging from the elections have constitutional competences to realize development projects which are physiologically embedded and introduced in the electoral programmes backed by the citizens’ vote. In these circumstances, it is possible to legitimately impose on citizens – or one or the other group among them – potential sacrifices which are proportionate and sufficiently justified while respecting the procedures provided by law. This type of option, which is submitted to an obvious rationale in a review of the correlation of means and outcomes, is a sign of normalcy in democratic politics.

The problem is caused by an absence of this kind of rationale. Such an absence may occur when the outcomes are not constitutionally recognizable: either because they might be right and proper but they have not been considered with all the necessary coherence in the context of the means employed. Or even, and this is the most serious hypothesis, when – according to the available data – the means or the outcomes, i.e. the ways of proceeding, are objectively inacceptable.

And this is exactly the case for the planned megaprojects. It is, therefore, possible to conclude that they do not respond to the outcomes of general interest proclaimed by the sponsors, an element which, taken by itself, is already a powerful de-legitimising factor. Furthermore, on the level of the means and the procedures used, their workings disrupt the legal and regulatory frame of reference, which must support any action by administrative and political powers in a constitutional democracy.

From the start, the above-mentioned state of emergency becomes more visible when the identity of the authentic players in the decision-making process is disclosed, i.e. the truly responsible agents who are well-established in theopaque extra-institutional circles and therefore escape the scope of the control bodies which function, at least in principle. Secondly, using institutional operators through individuals or other means, they employ ad hoc procedures to act – in the name of efficiency (efficiency without principles) – in the framework of an atypical formality/informality which actually makes them irreproachable.

The lack of transparency of the outcomes pursued in reality requires obscure formulas in their programming and the presentation of activities undertaken while replacing transparency with secrecy and thus providing the perfect breeding ground of authoritarian power.

In at least formally democratic contexts populated by citizens who are not only the holders of rights but also the owners of decision-making as such, it is inevitable that the previously described procedural methods result in the more than justified demand to be precisely informed about these subjects – especially when they directly and profoundly concern these citizens. It is also clear that this “will to know” expressed by the movements having demanded this session of the PPT is doubly legitimate; above all because it concerns their direct interest being confronted by a serious risk of their inalienable rights being violated and, secondly, because this will is practised in a confrontation with subjects and forms of exercising power which happen at the margin of existing rules, as well as and above all, forms of exercising factual power insofar as they are integrated in institutions or use them for their own purposes.

This is the reason why the highly doubtful legitimacy of options, decisions, procedures and practices arising from them is rightfully submitted for discussion from the very start and is part of a particular continuity as a result of the form and the quality of intolerable reactions to the justified concerns and questions raised by the communities concerned.

A strategy of penalizing protests is the response to a wide variety of these protests. This concerns not only the decisions and the debates which are challenged by a behaviour seriously infringing on the rights and vital interests of important demographic groups, but this demographic group is also subjected to a new form of violence, violence added to violence, on the one hand.

On the other, the lack of transparency and insufficient clarity surrounding the choice of objectives, decision-making processes and the evolution of megaprojects as such, become even more intolerable, when the manipulation by major media is extended to the movements opposing these development projects. The media transform themselves into agents of disinformation or even “contaminants”. Integral “agents” at the service of the sponsors and the beneficiaries of megaprojects given the fact that the owners of these publications belong to the same sphere of interest.

A kind of antidemocratic and oligarchic vicious circle then encloses the populations, which are already victims of major development processes, and these are managed by interests considered to be very powerful, with the major economic players using the institutional resources of the democratic system for their own exclusive interests. In reality, the media which should guarantee the fundamental and absolute right to information turn out to be accomplices.

For the reasons shown in this summary, it is appropriate to conclude that the strategy of megaprojects symbolized by the TAV are, when:

- considering the manner in which choices are made, how economic decision-making centres intervene in the political sphere where they escape its control;

- considering the dissimulation of the outcomes actually pursued, the enrichment of private entities opposed to the public interest;

- considering the procedures which are characterized by exceptional measures and secrecy (confidentiality);

an anticipatory metaphor for the development of crisis management at a global level. Governed by the institutional centres which differ from those of the representative democracy of the countries on which they impose their interests, they are opposed and alienated from the strategies of concerned citizens who are deprived of their rights, while the role of constitutional institutions is reduced to providing police services and upholding law and order.

This is exactly the reason why these policies become the subject of discussion and opposition by utilizing both reason and the law, as well as the practices which result from them in the realization phase, as it is not only a matter of defending the legitimate interests of the persons directly concerned but of translating them into a specific contribution toward the re-establishment of constitutional order as the only legitimate framework for democratic policies, which must not ignore a clear culture of support by citizens.

JUDGEMENT

PERMANENT PEOPLES’ TRIBUNAL

Whereas the Universal Declaration of the Rights of People adopted in Algiers in 1976 and, in particular, articles 7 and 10;

Whereas international treaties and other instruments for protecting human rights, including economic, social, cultural and environmental ones, as well as civil and political rights;

Whereas art. 21 of the Universal Declaration of Human Rights of 10 December 1948 in particular, and art. 25 of the International Covenant on Civil and Political Rights of 16 December 1966, which recognizes the right of all people to participate in issues of public interest;

Whereas the Convention on access to information, public participation in decision-making processes and access to justice on environmental issues adopted in Aarhus on 25 June 1998, which has 47 member states including Italy since 13 June 2001 and France as of 8 July 2002, and approved by the EU with decision 2005/370/CE of the Council of 17 February 2005, the partial application of which was realized at a Community level with Directive 2003/4/CE relative to civil society access to environmental information and Directive 2003/35/CE related to public participation in procedures related to the environment;

Whereas Directive 85/337/EEC of 27 June 1985 concerning environmental impact assessments of public and private projects modified through Directive 2011/92/EU regarding environmental impact assessments of public and private projects and Directive 2014/52/EU of 16 April 2014;

Whereas all of the documented evidence and testimonies that were presented over the course of the session,

HOLDS that art. 1 of the Universal Declaration of Human Rights must be mentioned, which affirms: “All human beings are born free and equal in dignity and rights” and above all: “They are endowed with reason and conscience and should act towards one another in a spirit of fraternity.” The concept of fraternity, which is too often substituted with solidarity, has a constitutional value in French law (Preamble and art. 2, French Constitution 4/10/1958) referring to the idea that it is through the fraternity of human beings on a world level and on an intergenerational level that the imperative of protecting the environment is radicated. Therefore, it is important to refer back to the judicial value of the concept of fraternity  as an active principle that inspires, guides and provides a frame of reference in formulating legislation. In the Italian Constitution, which deems fulfilling the duties of political, economic and social solidarity mandatory, the principle of fraternity is absent, but the requirement of fulfilling the duties noted above, in fact recalls the notion of fraternity, in the way that it is used in the Universal Declaration of Human Rights. It is this fundamental principle of “fraternity” that is the heart of the claims of the people who are mobilized against the TAV, the unnecessary megaproject.

THE TRIBUNAL in keeping with the cultural and judicial trends which are already affirmed and guaranteed in treaties and other international norms cited above, regarding the behaviour linked to the construction of megaprojects, understood as projects that produce important territorial and environmental repercussions, as listed in the attachments of the Aarhus Convention: RECOGNIZES, that included in the fundamental rights of individuals and peoples, is that of participating in the deliberations pertaining to those same projects. This right, in addition to being an expression of the right of individuals and peoples to participate in their government – as was established in the Universal Declaration of Human Rights (art. 21) and the Convention on Civil and Political Rights (art. 25) – is integral to the principles of democracy and popular sovereignty and the guarantee of the effective respect of other human rights, including the right to an environment and quality of life in conformity with the human dignity of the individuals and local communities affected by the projects.

HOLDS censurable all States who, in rights and praxis, are not open to effective forms of participation – the model of which can be gleaned from the Aarhus Convention – regarding the procedures of megaprojects. REQUESTS therefore, that all States, in Europe and the world, equip themselves with the norms and follow the procedures necessary for this. The cases presented in the PPT session by representatives of the communities from Val di Susa, Notre-Dame-des-Landes, from HS2 London-Birmingham, from Roșia Montană, from France’s Basques country, from Stuttgart, from Venice, from Florence, from Basilicata and the regions of Italy concerned about drilling projects, from Messina and Niscemi, and all the other projects considered, document a general model of operational non-conformity with these principles, on the part of a large number of governments, public agencies, as well as those charged with realizing the megaprojects.

THE TRIBUNAL FINDS ILLEGITIMATE this procedural behaviour and denounces it before the public opinion of the world and

DECLARES

- that in Val di Susa the fundamental rights of its inhabitants and local communities have been violated. On the one hand, those of a procedural nature, like the right to full disclosure of information on the objectives, characteristics and consequences of the new Turin and Lyon railway line (known as the TAV), initially provided for in the bilateral Agreement between France and Italy on 29 January 2001; to participate, directly and through institutional representatives, in the decisional processes related the feasibility and ultimately the design and construction of the TAV; to have access to legal processes that are effective for upholding the above-mentioned rights. On the other hand, fundamental civil and political rights have been violated such as freedom of opinion, of expression, to demonstrate, of  movement, as a result of the strategy of criminalizing the protest which will be described in detail further on.

- that these violations have been committed both by commission and by omission. On the one hand, by omitting an important study on the environmental impact of the project in its entirety, before authorizing it; complete and truthful information was not guaranteed with enough advance time for the communities involved; individuals and local communities were excluded from every effective participatory process in the deliberation and monitoring of the realization of the project, simulating fictitious and ineffective processes of participation; there has been no application of the procedures activated by tribunals to uphold the right to access information and participation in the decision-making processes. On the other hand, there are violations that are the product of  deliberate and planned acts: the diffusion of false information and the manipulation of data regarding needs, utility and impact of the work; simulation of a participatory process with the establishment of the Osservatorio for the Turin Lyon railway link, which ends up excluding dissent (Decree of the President of the Ministers Council of 19 January 2010), and announcing an inexistent Accord of  Prà Catinat from June 2008, largely used in relation to public opinion and the European institutions;

the adoption of legislative measures with the objective of excluding participation of citizens and local communities; the strategy of criminalizing protest with administrative, legislative, judiciary and police practices that also include disproportionate penal persecution and the imposition of excessive and repeated fines, the disproportionate use of force.

- that, in particular, illegally declaring the territory around the construction of mega projects “areas of strategic importance”, with special systems that modify and interfere with the ability to manage the territory excluding the local administrations, with Law 433 of 21 December 2001, known as the Legge Obiettivo (“Proxy to the Government regarding infrastructure and strategically productive initiatives and other interventions to re-launch productivity”) and law-decree 190 of 20 August 2002 (“Implementation of Law 21 December 2001, n. 433, for the realization of infrastructure and strategically productive initiatives of national interest”) or law-decree 133 of 12 September 2014 (“lays out emergency measures to open the work site, executing public projects, digitalization of the country, bureaucratic simplification, the hydrological emergency and kick starting productivity”.) Subsequent modifications of the government’s position in utilizing the Legge Obiettivo in the TAV case, based on false data, have resulted in the decision of the Lazio Administrative Tribunal sentence regarding the Mountain Community which, in a decision (Decision 02372-2014 Tar  Lazio 04637-2011 Reg. Ric), deduced from a ministerial note, provides the proof that the project never exited from the Legge Obiettivo, while the document attached to the 7th DPEF 2010-2013, to which the ministerial note refers, attests to the exact opposite. The decision is irrevocable as it is not subject to appeal by the Mountain Community because that entity has vanished (commissioned) with a Piedmont Region decree only 3 days after notice of the sentence.

- that the hundreds of projects defined as strategic can (as is happening in Val Susa) be subjected to police and military control and forbidden to citizens. In the case of the Maddalena work site in Chiomonte (Turin-Lyon Project), on the one hand article 19 of Law 12 November 2011, n. 183 (commonly known as the “Stability Law” or 2012 budget) provides, under the heading « Interventions for realizing the Turin-Lyon corridor and the Tenda Tunnel » that « the areas and sites of the Municipality of Chiomonte, identified for setting up the work site for a geognostic tunnel and for realizing the base tunnel of the Turin-Lyon railway line, constitute areas of strategic national interest », moving Italian military troops to that location. On the other hand, an incorrect  application of art. 2 of the Single Text on public safety was set in motion, amplifying the situation in the affected area in an exaggerated manner, and converting it into permanent a measure that could have been only transitory, through successive ordinances by the Prefect of Turin, starting from 22 June 2011, who stationed police in the area adjacent to the work site, prohibiting access, parking in the area, and circulation in the surrounding area. During their visit to the area, members of the PPT delegation were treated like potential criminals. This illustrates that the effects on the daily life of inhabitants are enormous, from the perspective of the obstacles impeding normal work activities (moving from or to place of residence and agricultural work place), to the moral damage represented by the fact of having to continually show identity documents and being faced with the arbitrariness of the public enforcement agents for authorization or not to pass, or the fact of having to be, in peacetimes, impotent observers of the occupation of your territory by the national armed forces, as a direct action against citizens by their own State. In this context freedom of expression and to gather, are repressed as they are considered issues of public security, and those who participate are even accused of terrorism crimes, leaving it to police and the judiciary to repress issues of democratic and social relevance.

 - that the people mobilizing against the TAV like those against the Notre-Dame-des-Landes airport or other projects, must be considered « sentinels who set off the alarm » in identifying rights violations that can have a grave social and environmental impact and whom, through legal means, are trying to alert authorities with the view of stopping acts against the interest of all of society. Academics, professionals, civil servants, farmers, any inhabitants can play this role. In European law the rules are numerous and precise and the recommendations that define the statue of this function of being a “sentinel that sets off the alarm”: these rules are binding for the judges of each single country (European Council, Resolution 1729 (2010) of 29 April 2010 and Recommendation CM/Rec (2014)7 of 30 April 2014).

- that resorting to the denigration and criminalization of the protest is the most evident proof of the inconsistency and lack of credibility of the arguments of the promoters of the mega project, which aims to convince people and communities affected of the benefits and advantages of the projects. Wide reaching means of communication participate in a decisive manner in this activity, substituting their function of providing the service to fulfill the right to information with explicit disinformation in the service of the interests of their owners and managers.

- that authorization to go ahead with the work for the tunnel at Maddalena is particularly serious, in that it was decided despite: no preliminary environmental impact assessment able to adequately define the current and future risk derived from the presence of asbestos and uranium, the impact on the hydrological balance in the area was conducted as a precaution; a defined plan of analysis and treatment of the material that is being extracted as a prevention measure, doesn’t exist to  this day. Moreover, it must be noted that this has resulted in the deliberate and unjustifiable destruction of a necropolis dated at 4000 b.c., which represented a fundamental element of archeological patrimony for the region, demonstrating the absolute lack of social and cultural sensibility of the perpetrators.

- that responsibility for these violations must be attributed firstly to the Italian governments in charge over the last two decades, to the public authorities responsible for making the decisions and the implementation of procedures that have been exposed, and to the promoters of the project and the company responsible for realizing it TELT (Tunnel Euralpin Lyon Turin).

- that responsibility for these violations must also be attributed to the European Union which, with its omission to respond concretely to the complaints repeatedly formulated by the communities affected and presented to the Petition Commission of the European Parliament, and by uncritically accepting the positions of the Italian State, has permitted the consolidation and, even more serious, the co-financing of the project that is being developed is a clear violation of the principle of prevention, affirmed in art. 191 of the Treaty on the Functioning of the EU, of the European directives on the environmental impact assessments of projects, on access to information and participation in the adoption of decisions regarding the environment, in this way distorting the priority criteria that foresees the construction of links still unfinished and the elimination of bottlenecks especially in trans-boundary sections according to the corresponding European norms in force (Regulation (EU) No 1315/2013 of the European Parliament and of the Council of 11 December 2013 on Union guidelines for the development of the trans-European transport network, and Regulation (EU) n. 1316/2013 of the EU  Parliament Council of 11 December 2013 establishing the Connecting Europe Facility”).

- that it is underscored the particular gravity and insensitivity of the behaviour of the European Coordinator of the TEN-T Mediterranean Corridor Laurens Jan Brinkhorst, who contributed to the uncontrolled diffusion of information and the disqualification of the protest by the community of Val di Susa ignoring the real content, and stigmatizing them as being unrepresentative and violent.

- that the non-application of the principles referred to above to ensure the full and effective participation of citizens, so well documented in the Val Susa case, is not an isolated case in Italy as it was possible to observe in all the cases presented in the public sessions and as the PPT was able to constitute in many other cases examined in non-European citations.

- that everything that has been highlighted seems to demonstrate the existence of a consolidated model of behaviour in the management of the territory and social dynamics each time that a scenario pertaining to the approval and realization of infrastructure mega projects is present: the governments are at the service of big economic and financial, national and supranational interests and their institutions having neither limits nor controls in the disposition of their territories and their resources: opinions and arguments are ignored, but even more so the real sentiments of the populations directly affected. This represents an extremely serious threat to the essence of the rule of law and the democratic system in the heart of Europe which must necessarily be based on the participation and promotion of the rights, well being, dignity of its people.

This session allowed the PPT to appreciate and share the enormous capacity the community of Val di Susa has in putting together their energy and knowledge, which are the result of the scientific and technical competencies and diffused knowledge that derives from a life and daily work routine with profound roots in the territory, and permitted the construction of a reality of knowledge and a coherent and convincing narrative, allowing  for the continued struggle of 25 years in the defense of their fundamental rights.

RECOMMENDATIONS

Noting that in the case of the TAV Turin-Lyon, in the Notre-Dame-des-Landes airport case and in all the cases under examination in this session dedicated to « Fundamental rights, participation of local communities and mega projects », the right to information and citizen participation, as well as many other fundamental rights, have been violated.

THE PERMANENT PEOPLES’ TRIBUNAL

Recommends, in the case of the Turin-Lyon TAV that the Italian and French States proceed with serious consultations with the affected population, in particular with the inhabitants of  Val di Susa to guarantee the possibility of expressing themselves on the pertinence and suitability of the project and ensure their rights to good health, safeguarding the environment and the protection of their social context. These consultations must be realized without omitting any technical data on the economic, social and environmental impact of the project and without manipulating or deforming the analysis of its economic and social utility. All possibilities must be considered without discarding the « Zero » option. Until this serious and complete popular consultation is not guaranteed, the realization of the project must be suspended in order to wait for these results, which must be able to guarantee the fundamental rights of citizens.

Recommends that the French State, in the case of the Notre-Dame-des-Landes airport, present a documented study on the usefulness and necessity of the project and its social, economic and environmental consequences and suspend the realization of the project.

Recommends that the Italian government reconsider the Legge Obiettivo of December 2001, which totally excludes local administrations from the decisional process related to the project, as the “Sblocca Italia” decree of September 2014 does by formalizing the principle according to which it is not necessary to consult the populations affected in the event of projects that transform the territory.

The military control of the territory in the area of the project in Val id Susa constitutes a disproportionate use of force. In a democratic State in peace times, the army cannot interfere in internal affairs, limiting the rights of citizens guaranteed by the Constitution, the Universal Declaration of Human Rights and the European Convention on Human Rights.

The PPT recommends that the Italian government suspend the military occupation of the Val di Susa area.

The State must also stop criminalizing the citizen protest which is justified given the lack of consultation and is protected by the Constitution and by many international instruments ratified by Italy. The PPT recommends that the State must not impede the expression of social protest.

Asks that the Authority for Archeological Heritage of Piedmont inspect the archaeological zone of the Maddalena to verify the damage sustained by archaeological objects by the military according to the testimony collected at the location also on the part of the Tribunal, so as to adopt the necessary measures for safeguarding and restoration.

Asks that the competent European institutions, the European Commission and the Petition Commission for the European Parliament, examine with the appropriate seriousness and in a critical manner, the projects presented by the promoter companies and the States, taking into consideration the real interests of the communities affected and the populations in general. Recommends that governments consider embarking on mega projects only if they are examined thoroughly with serious and effective technical participatory procedures which demonstrate the real necessity in substituting or integrating existing infrastructure where it has been assured that significant improvement is impossible. To give priority, with regards to mega projects, to vast and effective programs inherent to services and projects of vital and day-to-day interest to citizens, such as projects that address the hydrological phenomena and hydrological situations of degradation and the lack of maintenance to buildings and transportation of public interest.

The States have the constitutional duty to protect the rights of their citizens. For this reason they must uphold this protection against national and transnational economic and financial lobbies by examining every project according to the criteria defined by the various international treaties, in particular the Aarhus Convention of 25 June 1998 which foresees providing appropriate and effective information, effective citizen participation during the decision-making process and the obligation of competent institutions of taking into account the results obtained by citizen participation in the appropriate manner.

Finally, the Tribunal recommends to social movements, associations and committees which struggle against or could struggle against the violation of the above-mentioned obligations regarding mega projects, to ask with the same vigor, according to the example of what has taken place in Val di Susa, to the States and other subjects responsible for ensuring public participation in the deliberation process from the beginning of each deliberation activity and for the duration, as is requested in the Aarhus Convention ; as well as trying every legitimate instrument to compel them in the case of the failure of such obligations, in particular recourse to the Compliance Committee of the Aarhus Convention.


 Annex 1

PERMANENT PEOPLES’ TRIBUNAL

Fundamental rights, participation of local communities in megaprojects

From the TAV (High-speed train) to the global reality

Torino, Almese, 5-8 November 2015

PROGRAMME

Thursday 5 November, Turin – Fabbrica delle “E”

9 a.m. OPENING OF THE SESSION

Gianni Tognoni  (General Secretary of the Tribunal)

9:15 a.m. Presentation of charges

Livio Pepino (Controsservatorio Valsusa)

9:30 a.m. – 7 p.m. THE TAV IN VAL SUSA AND DENIAL OF PARTICIPATION

  1. 1General situation of  Valsusa

        Speaker  Ezio Bertok (Controsservatorio Valsusa)

Witness hears and films projected

  1. 2. Denial of participation: manipulation of data and forecasts

Speaker Angelo Tartaglia (Professor, Politecnico of Turin, Member of the Technical Committee of the Comunità Montana Val Susa and Val Sangone)

Witness hearings and experts

  1. 3.   Exclusion of citizens and institutions from the decision-making process

Speaker  Luca Giunti (naturalist, Member of the Technical Committee of the Comunità Montana Val Susa and Val Sangone)

Witness hearings

  1. 4.  Substituting dialogue with repression

Speaker Paolo Mattone (Controsservatorio Valsusa)

Witness hearings and film projected

1:15 – 2:30 p.m. Working lunch

Friday 6 November, Turin – Fabbrica delle “E”

9 a.m. – 7 p.m. MEGAPROJECTS AND VIOLATIONS OF FUNDAMENTAL RIGHTS IN THE WORLD

1. The Italian context (in particular, Messina bridge, Orte-Mestre motorway, achievement of drillings, Florence railways station, regasification terminal in Livorno)

Speaker Tiziano Cardosi (Forum Against Unnecessary & Imposed Megaprojects)

Focus on:

Mose in Venice (Armando Danella and Cristiano Gasparetto)

Muos in Niscemi (Sebastiano Papandrea)

2. The European situation (in particular: Hs2, Lgv/Tav in both Basque Countries, Stuttgart 21, open-cast goldmine in Roșia Montană)

Speaker  Sabine Bräutigam (Forum against Unnecessary Imposed Mega Projects)

Focus on:

Notre-Dame-des-Landes airport (Geneviève Coiffard-Grosdoy, Françoise Verchère, Thomas Dubreuil)

The public debate process in France (Daniel Ibanez)

3. The situation in Latin America

Speaker  Andrés Barreda (College of Economics, Universidad Nacional Autónoma of México)

1:15 – 2:30 p.m. Working lunch

Saturday 7 November, Turin – Fabbrica delle “E”

9 a.m. – 11 a.m. Space for arguments and defence of those facing the charges

11 a.m. – 12:30 FINAL ARGUMENTS

Livio Pepino (Controsservatorio Valsusa)

12.30 Closing the public session

Sunday 8 November, Almese – Teatro Magnetto, 4 p.m.

PRESENTATION OF THE VERDICT


Annex 2

LIST OF CHARGES – Livio Pepino

1. I have the task to summarize, on behalf of the Controsservatorio Valsusa, the reasons why we have turned to the Permanent Peoples’ Tribunal. In the course of the process, we shall submit and prove those reasons with the help of documents, witnesses, videos and statements. We shall prove them borrowing the words of those who, for over 25 years, have been waiting for a chance to take the floor and who today have come here in great numbers from Valsusa and other places to say that, at long last, today is a beautiful day.  We shall prove all these reasons, but today, at the initial stage of the Tribunal proceedings we must, first of all, briefly summarize them.

In our submission of 18 April of last year we requested two fundamental things of the Tribunal. First of all, we asked it to establish “that in the matter of the layout and the construction of the new railway line Turin-Lyon there have been grave and systematic violations of the fundamental rights of the Valsusa community”. Secondly, we indicated, and requested consideration of the fact that the issues we have raised do not only concern a small Alpine valley, but that it is the tip of the iceberg of a general postcolonial situation (the term does not seem to be excessive here) in which “options regarding the livelihood and the future of whole communities are removed – also in the heart of Europe – from the population concerned and are appropriated by large economic and financial powers: a situation in which the violation of fundamental rights of individuals and peoples takes place in a less brutal manner than what has happened in other situations reviewed by the Tribunal, but represents the new frontier of rights against the attacks that endanger the very (ecologic and democratic) balance of the planet”.

2. The defence of fundamental human rights has always enlisted, in parallel with and in support of the mobilization of  the concerned populations (which is and remains the main instrument for their protection), the commitment of individuals as well as institutions. This applies also to the judicial field or (as in the present case) to fields that can somehow be equated to it.

There were times (even in old Rome) when it was possible for a single citizen (and a fortiori for a group of citizens) to start legal action in court against the government in order to safeguard the general interest.  This is presently foreseen, to a different extent, by some Constitutions, such as in Brazil, Bolivia and Colombia. But this is not so in Italy where, on the contrary, formal and anachronistic administrative jurisprudence still refuses to recognize the standing of citizens without personal interests of an economic nature at stake. And this is not so in Europe, despite some timid overtures by the European Court of Human Rights. And it is also not so in the wide range of international organizations, given that even the International Criminal Court has excluded economic crimes from its jurisdiction – as was underlined by the Permanent Peoples’ Tribunal in its judgment of 23 July 2008.

This is the reason why we – together with the communities of Notre-Dame-des-Landes, London,  Birmingham and Manchester, Roșia Montană and Corna, Venice, Florence, Basilicata, Niscemi and so many other parts of Italy, Europe and the world, have applied to the PPT to obtain a reply to our unanswered request for justice.

We know that the Tribunal’s judgment will be limited to matters pertaining to democracy and the participation of citizens in decisions that affect them. And we shall adhere to this approach while we will, nevertheless, continue asserting elsewhere – as we have been doing for 25 years – the many other valid reasons that we have. But the situation in Valsusa must be mentioned, if only for everyone to be clear on what we are talking about, and which are the rights, the goods and the expectations we would like to express and receive answers about.

The proposal of a new railway line between Turin and Lyon began at the end of the 80’s of the last century. The initial plan was for a high-speed passenger rail. Thereafter, the proposal was changed into a rail line also for the transport of goods (in view of the sharp fall in demand for passenger transport on that line, which was admitted even by the proponents of the project). The current project foresees a 270 km long line, 144 of which on French soil, a 58-km-long cross-border tunnel and 68 km on Italian soil impacting on the middle and lower areas of Valsusa, with the historic railway line, the A32 motorway (the construction of which was completed in 1994), two national roads and other minor roads crossing through it.

Ever since the presentation of the first project, strong opposition has developed in Valsusa with the  involvement of the population, local administrators, university professors, and experts from various disciplines that have highlighted multiple critical aspects. The reasons for the opposition had and still have to do with the protection of the environment and the health of the population (considering inter alia that the mountain where the excavation must take place is rich in asbestos and uranium), the uselessness of the new line (given the fact that the historic one is used only at 20 per cent of its potential), the squandering of resources in a period of severe economic crisis (given that ten meters of TAV cost in excess of one and a half million Euros) and, especially, as has been stated above, the authoritarian character of the decision to implement the project, which was made disregarding the local population and institutions. Over time, an opposition movement has been structured around the above-mentioned content and demands that is presently known, both domestically and internationally as the “No TAV Movement” (Movimento No TAV), which is deeply rooted in the territory and capable of organizing demonstrations with tens of thousands of people. Nevertheless, that movement, in all its shapes and forms (including the institutional ones) has been systematically excluded from decisions that regard its life and future. Exactly as has happened, to refer to previous sessions of the Tribunal, in Amazonia and in Tibet, in Guatemala and in Zaire, and in countless other places around the globe. Exactly as is happening in various locations in France, the United Kingdom, Spain, Romania and Italy (just to mention situations having to do with the present session).

In Valsusa, this systematic exclusion has become apparent in various forms, but most particularly through:

a) the lack of procedures for information, consultation and negotiation (or the adoption of purely superficial consultation processes);

b) the dissemination of misleading information and forecasts without any serious scientific basis, in order to influence and condition public opinion and political decision-making;

c) the failure to reply to requests, appeals, demands and statements from institutions and numerous technical experts, while at the same time trying to turn the issue about the TAV into a public order issue.

4. From 1989 to date there has not been any genuine process of consultation, participation and dialogue, although this is expressly established as binding by article 6 of the Aarhus Convention of 25 June 1988 and, above all, this is the “abc” of democracy (that is either about participation or is not real democracy). The forms may have changed, but not the substance:

- Initially, and until the end of 2001 (a period in which the intergovernmental agreement between France and Italy on 29 January 2001 came about inter alia, which continues to be the fundamental reference point for the project) the very existence of local communities was completely ignored. Nobody cared to inform them and to listen to them, and not even “façade” consultations were initiated, like the ones foreseen by the procedure of the National Commission for Public Debate (“Commission nationale du débat public”), established in France by law 95-101 of 2 February 1995, or by law 69/2007 from the Tuscany Region regarding the “promotion of participation in the elaboration of regional and local policies”. There was no consultation whatsoever;

- Subsequently, at the end of December 2001, the so called “target law” (legge obiettivo) was adopted through which the previous de facto situation became a legal norm and the local administrations (and the communities represented by them) were also completely excluded from the decision-making process concerning projects that were considered strategic for the country. In short, the “target law” has ensured that every major decision regarding environmental compatibility, territorial planning and the public utility of large projects be transferred to the Italian Prime Minister (and the Interministerial Committee for Economic Planning) thus appropriating any permissions, authorizations and approvals within the competence of state or local authorities. What until that moment was a de facto exclusion became a de iure exclusion;

- Between December 2005 and December 2006, a change of course seemed to have taken place, but it soon became clear that it was all about the Lampedusan approach of “changing everything so that noting changes”. Sandro Plano, who played a leading role in that phase will speak about it. I will therefore confine myself to making only one consideration: the governmental decision – as a consequence of the large demonstrations in December 2005 – to bring the railway line Turin-Lyon back within the area of “ordinary procedure” (setting aside the “target law”) and to establish an Observatory with the aim of “carrying out a dialogue between the interested bodies and analyzing the problems related to the project and the solutions to be submitted to the political and institutional decision-makers”) was just a “flash in the pan” or, more exactly, a hoax to curb conflict in the valley. In fact, nothing has changed in the administrative procedures and the Observatory has proven to be impermeable to any real discussion about the actual appropriateness of the project. Finally, in 2010, that mask also came off, and the Government decided to “redefine local representation within the Observatory”, accepting “only those municipalities that had expressly declared that they were willing to take part in the best possible implementation of the project”;

- The renewed applicability of the “target law” and the assumption by the president of the Observatory of the parallel office as head of the Italian delegation to the Italy-France Intergovernmental Conference for the completion of the project gave the final seal of approval for the total exclusion of local communities from decisions regarding the project.

However, this exclusion also took place through the dissemination of misleading information and forecasts without any serious scientific basis, in order to influence and condition public opinion and political  decision-makers. We shall provide ample proof of it in the course of the session, but for now we would like to emphasize that the entire information strategy of the project sponsors was ultimately geared towards demonstrating that the historic line would very soon be near saturation – though, on the contrary, it is presently utilized only at 20 per cent of its potential – and there would be a foreseeable increase of traffic according to the guidelines in question (which is contradicted by the most reliable forecasts and, above all, by the studies carried out in the meantime that have determined a constant decrease in traffic).

This is not a coincidence, for it is the result of a precise plan. In fact, the agreement of 29 January 2001 between Italy and France, that remains the key normative act regarding the Turin-Lyon line, expressly subordinates, in article 1, the implementation of the new line to the saturation of the historic line, as it was also reiterated in the parliamentary debate that preceded the ratification of the Agreement by the French Parliament, in which it was expressly stressed that “the saturation of the existing line was an indispensable precondition”.

The dissemination, in support of the decision to implement the project, of misleading and fanciful data and scientifically unattainable forecasts, that have been taken over and amplified by the most important media organizations (the management boards of which include, more often than not, representatives of groups interested in the project) has expropriated citizens of their right to dialogue, has violated their right to information (the nature of a fundamental right which is becoming increasingly apparent at the beginning of this millennium) and has exposed the blending of interests of political decision-makers and economic and financial operators that undermines substantive democracy.

6. Having been expelled from decision-making bodies and lacking reliable information, the community of Valsusa, its local authorities and the experts and intellectuals close to it, have produced dozens of requests, appeals, proposals and complaints related to specific aspects regarding the illegality of the project before all Italian and European institutions without ever obtaining a debate on the substance, or even receiving a reply to the arguments and the criticism put forward by them. On the contrary, there has been a conspicuous refusal by governmental institutions and the enterprises charged with the execution of the project to reply to the questions, the objections and the criticism from the “No TAV Movement” and the experts (with the sole exception of the Monti Government that, on 9 March 2012, published on its institutional website the reasons in favour of the project in form of a list encompassing 14 items, thus opening a dialogue that, on the other hand, was discontinued after the submission of counter-arguments by  experts from the Valsusa community).

Moreover, in order to further condition national public opinion in which, despite everything, the consensus in favour of the No TAV claims continued to grow and, according to the latest survey carried out by ISPO Mannheimer for Il Corriere della Sera in 2012, had reached 44 per cent of the Italian population, a new phase began: that of turning the movement into a public enemy. Laws were enacted (in 2011 and 2013) according to which the construction site of La Maddalena was transformed into a “location of strategic interest” (with the prohibition – facing criminal sanction – of obstructionist behaviour, photographic reproduction and so forth) and the territory of the Valley has been literally militarized, including through the use of military forces engaged in wartime missions abroad. This has been accompanied by firm judicial repression, a state of affairs that is well known from a global perspective and was recently reviewed by the Inter-American Human Rights Court which, in its judgment of 29 May 2014 (regarding representatives of the Mapuche people against the State of Chile), expressly criticizes institutional intervention aiming at creating “fear in other community members that are involved in social protest activities or claims concerning their territorial rights or that may eventually want to take part in them”.

7. The present state of affairs in Valsusa raises – as we had forewarned – critical questions concerning democracy and respect for fundamental rights that are increasingly more widespread throughout the world and were already the subject of review by the Tribunal (most recently in the case concerning the “Policies of Transnational Corporations in Colombia”, which concluded with the judgment of 23 July 2008). These are issues that converge in the definition of a mode that is critical in contemporary times: that of the claim to autonomy by the economy (and through it, by political decision-makers, enterprises and large financial groups) with regard to any tie or restriction, including those consistent with the respect for the fundamental rights of individuals and real people.

The complete and systematic exclusion of the local population and territorial institutions has to do with the minimum rules and standards of democracy. When even quarries and landfills are declared “strategic sites of national interest”, and they are assimilated to military facilities and are actively defended by troops – the army in times of peace! – the citizens feel their rights violated and are convinced that the State has declared war on them. Nor can there be any justification in an alleged power of the majority to which the minority should submit for the sake of the “general interest”. Regarding the relationship between majority and minority, it should be pointed out – recalling the teachings of a distinguished constitutionalist – that:

“in democracy, no vote (except for one regarding the constitutive or constitutional norms of democracy itself) puts a definite end to a match. Both players [the majority and the minority, editor's note] are waiting, preparing the ground for the next challenge in the return match using the good arguments that can be submitted. […] The dictum vox populi, vox dei purports only to legitimize the violence that the  more numerous ones exert over those who are fewer in numbers. It is only apparently democratic because it negates the freedom of those who are in the minority, whose opinion, by opposition, could be described as vox diaboli and therefore deserving to be smashed to prevent that it can rise again. At most, this would be an absolutist or terroristic democracy, rather than a democracy based on the freedom of all”. (G. Zagrebelsky, Imparare la democrazia, Einaudi, 2007);

8. There can be no doubt that the rights that have been infringed upon are fundamental rights. Let us just consider the right that is deemed to have been violated: the right to participate, to take part in decisions that affect one’s own habitat, one’s own life and one’s own health, as well as the health and the life of future generations.

The character of “fundamental rights” of such subjective situations results clearly from the  “Universal Declaration of Human Rights”, adopted by the General Assembly of the United Nations on 10 December  1948. In that Declaration, considering that “it is essential if man is not to be compelled to have recourse, as a last resort, to rebellion…that human rights should be protected by the rule of law”, it is expressly stated inter alia that “everyone has the right to an effective remedy by the competent national tribunals for acts violating fundamental rights granted him by the constitution or by the law” (article 8) and that “everyone has the right to take part in the government of his country, directly or through freely chosen representatives” (art. 21, point 1).

The violations referred to so far have been clearly identified by the Permanent Peoples’ Tribunal in its judgment of 23 July 2008 regarding the “Policies of Transnational Corporations in Colombia”, in a passage that seems specially written with Valsusa and Europe in mind, in which it asserts and denounces a widespread infringement of the “right to participate”, that has occurred:

“although all the reference standard-setting texts recognize the right of populations to participate in decision-making processes concerning the issues that affect their rights, in particular the right to be consulted to obtain a free, prior and informed consent before adopting and implementing legislative or administrative measures to their detriment, before adopting any project that may affect their land or territories or other resources, especially with regard to the development, the use and the enjoyment of mineral, water and other resources, and before using their land or territories for military operations.”

9. In light of all of the above, we submit our demand for justice to the Peoples’ Permanent Tribunal. We are aware that, in Valsusa and all over the world, megaprojects, and the practices that accompany them, do not only take their toll in the construction of mega-bridges, the excavation of mountain tunnels or the felling of forests but – as experiences in recent years shows us – also have an effect on the  general mechanisms required for the functioning of institutions and democracy itself.

We ask the PPT to declare that, besides the classic colonialism that is exercised over countries that are far away from Europe, there is – the term does not appear to be excessive – a European internal colonialism that mortifies people and their rights by drawing railway lines and megaprojects on the map just as in earlier times when the borders of new States were traced with a line (thus creating the premises for wars and all kinds of atrocities). We request that the PPT, with full regard for its prerogatives, but with equal resolve, bring back to the aggrieved communities the conviction that participation and democracy can indeed be a reality and are not just words that are instrumentally used to cover up the exploitation of individuals and peoples by the powerful.

We shall offer the Tribunal our full cooperation. We hope that the sponsors of the project will agree to adversarial proceedings, the kind of proceedings that have been denied to us. Others – not us – are afraid of confronting arguments.

With these wishes, with these commitments, with these hopes, we submit our contribution to the opening of the session of the Tribunal.

Turin, 14 March 2015


Annex 3

FINAL STATEMENTS

Livio Pepino

1. President, judges,

It falls upon me to sum up these two days and address our requests to you on behalf of the applicants. I cannot deny that it is a very emotional task. After more than 40 years in the judiciary, I have often had to sum up complex and sensitive court cases. But today is different. As the proceedings continued, something unprecedented happened: it is as though the applicants vanished and the stage was taken over by a massive people’s movement which, with strength and determination, has called for justice. It is a movement behind which the people of Val Susa are, in some way, the driving force. A movement which, since the end of the second millennium, has stood up for Italy and for Europe (as emerged in detail yesterday), taking inspiration from what has been happening for over a century in the countries of the South, in Africa, Asia and Latin America, in the form of dozens of struggles in defence of  land and peoples’ rights (as outlined in several of your judgments, starting from the first, that of 11 November 1979 on the Western Sahara, and later those on East Timor, the Brazilian Amazon, Colombia and so forth, until the most recent, handed down just one year ago on ‘free trade, violence, impunity and peoples’ rights in Mexico’). That movement has indeed been the key protagonist over the last two days.

Over the course of these two days, you have been given a glimpse of a reality which speaks volumes. You have seen the faces and heard the voices of informed, responsible and determined women and men: the young people of Bussoleno (who have spoken to you of their motivations and of the  fears that the TAV [HST] lobby is seeking to stir up), the pensioners of Borgone (who, for the past 10 years, on every God-given day on Earth, have occupied their “presidio” [permanent protest meeting site – editor’s note] in defence of the valley), the Chiomonte municipal councillor (who, although initially in favour of the TAV, resigned in tears in the face of the devastation of the Maddalena), the university professors (who for decades have been decrying the folly of the project and who have been ignored by our institutions and politicians), Emilio, the Bussoleno fishmonger (who – as he proudly told you – had never set eyes on a judge before becoming involved in the TAV protests and who is making his plea for the sake of his daughter’s long-term good health, the good health which he and his wife no longer have), Luca (who never talks about himself or his fall from the hydro-electric tower, but only about the future of the Earth and of the mountains) and many others. You have not seen or listened to unreasonable Luddites, to Asterix- and Obelix-like figures beyond time and history, and certainly not to dangerous terrorists (as they have been presented and treated). I know full well that this still does not necessarily mean that the movement, those men and women, are right. But it does mean that they deserve respect, attention and a hearing, all the things that they have been denied in recent years by the institutions and by the megaprojects lobby (an economic, political and media lobby that dominates this region and this country, a domination which has only been threatened, on a few rare occasions, by investigations and arrests for corruption and shady activities).

Over the past two days you have seen and heard fragments of reality. Not the distorted versions disseminated by the media, by politicians with influence or by segments of the judiciary. Not the glorious scenarios outlined in glossy brochures and propaganda videos; not the spectacular descriptions published by newspapers belonging to companies on whose boards the proponents of the project and the would-be contractors sit; not the campaign ads for ministers who, as telephone tapping has revealed, cannot tell a motorway from a railway and for mayors who confuse Kiev (the planned terminus of the rail corridor of which the Turin-Lyon line forms a part) with Moscow or Beijing. In the face of the ironclad media and advertising campaigns, the protest movement seems to be a tiny David engaged in an unequal struggle against Goliath. But the game is not over yet, and the No TAV movement is determined to win, and determined to continue using the tools of politics, words, arguments and reason. This is also why we have turned to you, an international and independent court, in the knowledge that this is only one step, but convinced that it is an important one for Val Susa and for all the communities that face similar situations.

2. On 20 September 2014, in declaring our appeal admissible, the Presidency of the Court clarified the scope and the limits of this judgment that concerns – to use your own words – ‘the effectiveness of the procedures for consulting the people affected and their impact on the democratic process’, in a context marked by the use of ‘tactics ‒ as repeatedly observed in the PPT sessions as well – that call into question and jeopardise the effectiveness and the meaningfulness of consultations and the equal dignity of all the groups making up the communities concerned’.

This, therefore, is what we have mainly been talking about over the past two days: the rights of individuals and communities, and participation. About democracy, one might say if the term were not increasingly being used as a cover for decisions that represent a step in the opposite direction and arrangements that are anything but democratic. More specifically, we have been talking about the relationship between fundamental rights and the procedures for reaching (and the limits of) political and economic decisions which concern megaprojects that will have an irreversible impact on the environment, the economy and the health of tens of thousands of people. Just like the megaprojects we have spoken about over the past two days: the TAV in Val Susa (but also in Florence, the United Kingdom and the Basque Country), the Mose dams in Venice, the Messina bridge (which, incredibly, has been back in the news recently), the Notre-Dame-des-Landes airport in France and many others. We have widened the discussion to include other projects which damage the environment and which reflect the same type of thinking, such as the Roșia Montană open-cast gold mine in Romania (whose sinister images remind us of similar mines in Peru and Chile), gas and oil exploration in various parts of Italy, intensive marble mining in the Apuan Alps and the MUOS in Niscemi.

Our starting point was the TAV in Val Susa: a massive, devastating project (the construction site that some of you saw last Wednesday is for an exploratory tunnel and therefore provides only a small preview of what is planned), with a huge environmental impact, pointless in transport terms and unsustainable in public expenditure terms. At the same time, it is a project – and this is the first point to be emphasised in this session – approved in an authoritarian manner, on the basis of the systematic exclusion of any real debate with the local community.

Exactly – and this is the second point to be emphasised – the same as what happened in the design or construction phase of all the major projects examined in recent days. And exactly the same as has been established – this is the third point to be emphasised – in previous sessions of this Court, such as those concerning the Amazon, Guatemala, Canada and countless other regions of the globe.

We are dealing with a system which, with very minor differences, is employed in the context of all the pointless megaprojects conducted around the world and which falls into three key phases:

a) systematic exclusion of the communities affected from decision-making and supervision of the project, by shutting down, either in de facto terms and/or by means of ad hoc legislative and administrative measures, every information, consultation and discussion procedure and/or by employing consultation procedures that are nothing more than a sham and/or by disregarding the outcome of the consultations being carried out;

b) influencing and misrepresentation of the views expressed by the communities concerned, by the general public and sometimes by the political decision-makers themselves through the manipulation of data concerning the usefulness and the impact of the project, as well as the compilation and widespread dissemination of false data and forecasts devoid of any serious scientific basis (hyped by a press that is often controlled by stakeholders in the project);

c) total disregard from the outset for the requests, appeals, submissions and petitions made by local authorities, citizens’ committees, experts and intellectuals and, in parallel, the handling of protests and opposition as public order issues, sometimes on the basis of specific legislative provisions, military supervision of the area and the mass deployment of police officers and soldiers (significantly restricting citizens’ constitutionally guaranteed rights).

3. As it is impossible to describe exactly how this system was employed in the individual cases examined here, I will confine myself to considering what has happened in Val Susa (with some brief references to other situations).

I will start with the absence of genuine consultation, involvement and cooperation procedures. It is worth remembering that procedures of this kind are now explicitly provided for in international law, starting with the Aarhus Convention of 25 June 1998 (referred to very effectively yesterday by Tiziano Cardosi and Sabine Bräutigam), which states that ‘when a decision-making process is started that affects the environment, the public concerned is to be informed in an appropriate, effective and timely manner from the outset’ so that ‘it prepares itself and participates effectively in the works throughout the decision-making process’. More fundamentally, however, procedures such as these go to the very heart of democracy (is the public properly involved or not).

This is what happened in Val Susa:

a) From the early 1990s until the end of 2001 (a crucial period in which the Italy-France Intergovernmental Agreement of 29 January 2001, which constitutes the legal basis for the project, was concluded), the very existence of the local communities was ignored. Nobody bothered to inform them or listen to them (as Ezio Bertok, Claudio Giorno and Gianfranco Chiocchia documented in their analysis);

b) Then, at the end of December 2001, the so-called Objective Law (still in force today) was passed, making what had been a de facto situation a de jure situation. By means of this law – as has been shown by Luca Giunti and Massimo Bongiovanni – local government was totally excluded from the decision-making process for a project regarded as strategically important for the country, with every important decision to be taken by the Prime Minister (and the Inter-ministerial Committee for Economic Planning). It was thus established by law that, for the TAV (and for similar projects), the involvement of and scrutiny by the communities actually affected are a pointless waste of time! Needless to say, the principle has become firmly entrenched, to the extent that – as Advocate Bongiovanni again documented – in the brief period during which the TAV was not covered by the Objective Law procedure, the developers simply continued, in practice, to act as though nothing had changed;

c) A new approach to public involvement was announced in 2006. Mass demonstrations forced the centre-left government, followed in May 2006 by the Berlusconi government, to set up an Observatory to ‘encourage debate between the relevant stakeholders and to analyse the critical features of the project and the solutions to be submitted to the political and institutional decision-makers’. However, it soon became clear that this was a Gattopardesque system of ‘changing everything so that nothing changes’. Mayors and experts (Sandro Plano, Loredana Bellone, Angelo Tartaglia and Luca Giunti) who took part in the first phase of the Observatory’s work, or who were involved in discussions with it over time, have talked about it here. I will limit myself to three summary findings, because this is a telling sequence of events:

- The setting-up of the Observatory was, upon closer inspection, a trick to cool tempers in the valley. In fact, it soon demonstrated that it was not prepared to engage in any real discussion on the suitability of the project until, in 2010, the mask slipped and the government decided to ‘reorganise the local representation within the Observatory’, admitting only municipalities that explicitly declared their willingness to contribute to the successful completion of the project’;

- In practice, the Observatory proved to be purely a propaganda machine, unscrupulously run by its chair, the architect Mario Virano. A textbook example of this is provided by the so-called Pracatinat Agreement of June 2008, repeatedly cited in Italy and in Europe in the wake of architect Virano’s assurances, as proof of local institutions’ involvement and participation. In reality, it was not an agreement, but a document signed only by the chair (and I must confess that never, in a 40-year judicial career, have I seen an agreement which was signed by only one of the parties…). Regarding that agreement, the statement made to you by one of the administrators involved, Barbara De Bernardi (who was mayor of Condove at the time and was also among those who had been prepared to accept the Observatory’s role), in the second part of this session’s inaugural meeting on 14 March 2016 at Bussoleno (and which you can read in the Counter-Observatory’s Booklet No 3) is enlightening:

‘This brings us to 28 June 2008, when the chair of the Observatory convened a final meeting at Pracatinat. That afternoon I received a phone call from a journalist from a national newspaper who asked me to make a statement about my signing of the Pracatinat Agreement. I was amazed, in particular because I was 1 000 km away in Puglia. I obviously had not signed anything, nor had I authorised somebody else to do so in my place. I phoned some colleagues: they had not gone to Pracatinat either and they had not signed any agreement either. And yet, this is what the newspaper headlines said on 29 June: ‘Agreement reached. Mayors-Government train path agreement signed’ (Corriere della Sera). […]

I close, therefore, with a question to which unfortunately I have already given an answer: what is worse than a State that does not listen to its citizens and their freely and democratically elected representatives? The answer is, a State that lies. Lies about what it is doing and what others are doing, using signatures never put to documents, agreements never signed and an obliging media which, rather than searching for the truth, is happy to be the sounding-board for a lie: almost as if a lie, if repeated often enough, can become the truth. There has often been talk in recent years of the violence employed by the No TAV movement. Let us ask ourselves once again who the truly ‘violent ones’ in this story are.

- However, as they say, truth is the daughter of time and the true purpose of the Observatory operation has been revealed over the years. Its Chair first took on the parallel post of Head of the Italian delegation to the Italy-France Intergovernmental Conference upon the implementation of the project, and then, without being replaced, that of director of the company responsible for carrying out the work. To use football terminology: he has never been a neutral referee in a clean and honest match, but only a player in more than one of the teams on the pitch;

d) Finally – and this is today’s story – the new Turin-Lyon railway line has been brought back within the scope of the Objective Law, which has been strengthened, if possible, by a new legislative measure (the ‘Unblock Italy Decree’ of September 2014). This new instrument, whose stated purpose is to ‘overcome bureaucracy, revitalise the economy and boost private initiative’, has formalised the principle that, with reference to medium- to large-scale infrastructure projects, there is no need to listen to the communities affected.

So far I have spoken about Val Susa, but the same refusal to engage in consultation has characterised, for example, the Orte-Mestre motorway project (even the mayors concerned have no knowledge of its existence), the Notre-Dame-des-Landes airport project (which sidestepped any need for consultation because the relevant decision was taken 10 days prior to the approval of the law on public debate) or the railway line between London and Birmingham.

4. The second constant feature of the ‘megaprojects system’ lies – as discussed – is in the compilation and dissemination of false data and forecasts that are devoid of any serious scientific basis, in order to secure acceptance of the project by the communities concerned, by the general public and, sometimes, by political decision-makers themselves. It is also a constant in other fields. You only have to look at the Volkswagen scandal (which, when compared to what has happened and is happening in connection with the Turin-Lyon TAV, seems to be the work of ham-fisted amateurs).

In the case of Val Susa, the method takes on ‘benchmark’ status, so to speak. Many have documented it, from Tartaglia to Ponti, from Cancelli to Franchino, from Clerico to Tomalino. I will therefore not repeat things said and demonstrated in a far more effective manner than I am able to do. I would simply point out that all the forecasts made with reference to deadlines which have already passed were resoundingly disproved by the real data and let’s recall, with regard to the forecasts, that – as Professor Cancelli told you – those made by the proponents of the project are based on models, calculations and graphs that are so fanciful that, if presented by a second-year student in any science faculty, they would result in his or her immediate ejection from the university. One was so far-fetched as to be put online by physics faculty students with the eloquent title: ‘The Mad Hatter’s Graph’. None of this – and this is the key point – has anything to do with chance, superficiality or ignorance. It has everything to do with the urgent need to justify projects that are in reality unsustainable and unnecessary.

The fact is that, in an unusual outbreak of rationality and common sense, the agreement of 29 January 2001 between Italy and France, which is still the legal basis for the Turin-Lyon line project, made the construction of the new line contingent on the saturation of the historic one. This was reiterated, for example, during the debate that preceded the ratification of the agreement by the French Parliament, in which it was explicitly noted that ‘the saturation of the existing line is a necessary precondition’ for the construction of the new line. Now, with this in mind, the so-called calculation errors and the scientific non-sustainability of the many forecasts issued by developers, the chair of the Observatory, ministries, mayors and embedded journalists are in reality nothing more than untruthful conjecture, deliberately intended to deceive local communities, public opinion, the (few) national and international policy-makers acting in good faith, and to convince them that the historic line is nearly saturated. This is all happening while the line is being used at only 20 % of its full capacity, and in a context where the volume of traffic on the line in question, far from increasing, is actually plummeting (as confirmed by information which has come to light in the meantime).

The impact is obvious. The publication of these forecasts and data, picked up on and amplified by a friendly press (that is, by all the most important news outlets), has multiplied the influence of the major economic and financial lobbies, severely restricted local and national communities’ right to information, and deprived citizens of the right to participate and communicate, undermining the very foundations of democracy.

Doesn’t it feel like you’re hearing the same story all over again, the same lies that you heard in connection with the Venice Mose project, the Stuttgart railway station, or for the Roșia Montană open cast mine?

5. We thus come to the third constant that characterises the system of major infrastructure projects: the substitution of discussion with conflict, and the systematic portrayal of opponents as enemies of society to be isolated, neutralised and repressed.

Having been expelled from the decision-making bodies and deprived of reliable information, the community of Val Susa, its citizens, its local authorities and its experts ‒ with intellectuals, trade unionists, men of culture and of faith, and citizens from across Italy at their side ‒ have produced dozens of requests, appeals, proposals and charges concerning the specific unlawful aspects of this project and submitted them to all the Italian and European institutions, without ever receiving a substantive analysis of the points raised and, a fortiori, without ever receiving a response to their criticisms, arguments and proposals (which have been referred to here, among others, by Paolo Mattone and Paolo Prieri, and have been documented in Counter-Observatory’s Q2, included in the supporting material). Instead of dialogue there has been a brazen refusal on the part of the governing institutions and the companies tasked with bringing the project to fruition to provide answers to the questions, objections, and criticisms put forward by the No TAV Movement and by experts (with the sole exception of the Monti government, which, on 9 March 2012, published 14 arguments in favour of the project on its own official webpage, thus initiating a debate that was shut down when the experts from Val Susa put forward counter-arguments). Furthermore, the requests to suspend the work and open a roundtable discussion with independent foreign experts on the fundamental issues arising in connection with the project, the conclusions of which would govern the continuation of the work, have quite simply been disregarded. This is happening despite the fact that, less than a year ago, the latest scandal and high-profile arrests in connection with megaprojects led to the Minister of Infrastructure, who had also remained completely silent on the substantive requests coming from Val Susa, being replaced.

You have further proof of this through the failure of the project’s supporters, the contractors and the political decision-making institutions to respond to the Tribunal’s invitation to hold a discussion with us in this chamber, and indeed through the contractor’s refusal to allow your delegation to visit the Maddalena construction site accompanied by experts appointed by the Counter-observatory, in order to obtain further information regarding the scope of the work, the environmental risks and all other relevant aspects.

Nonetheless, national public support for the No TAV movement’s claims has continued to grow, with 44 % of Italians in favour in 2012 according to the most recent significant poll carried out on behalf of one of Italy’s biggest newspapers, Il Corriere della Sera.

This is also why a new phase has begun: the transformation of the movement into a public enemy. Thus, in 2011 and 2013, two laws were passed under which the Maddalena site was declared a ‘site of strategic interest’, and the valley was literally militarised, with members of the armed forces already deployed abroad being used in some cases (as shown by, among others, Paolo Mattone, Alessandra Algostino, Alberto Perino and Guido Fissore). This was followed by very harsh judicial repression, which – as the lawyer Novaro has shown here and as is documented in the Val Susa Counter-Observatory’s first workbook – has seen hundreds of trials held involving over a thousand defendants indicted on very minor charges, prolonged and repeated precautionary measures, extensive use of the charge of conspiracy, the revival of crimes of opinion (including the indictment of the writer Erri De Luca for incitement for having claimed, with reference to cable cutting at the Chiomonte site, that ‘sabotage’ is lawful), and even allegations of terrorism (dismissed by magistrates and by the Court of Appeal, but which earned some young people long periods of solitary confinement).

This step also seems to be consistent, given the photos of clashes, the number of arrests, the duration of trials, the unequal treatment and the contested allegations, with what happened at Notre Dame-des-Landes, at Niscemi, at Stuttgart, in the Basque countries, in Roșia Montană and so on and so forth. And this is part of a recurrent strategy (going beyond megaprojects) that makes decision-making inflexible and increasingly limits the constitutional rights of citizens. It is the ‘criminal law of the enemy’ gambit, the effects of which have most recently been described and criticised by the Inter-American Court of Human Rights, in its judgment of 29 May 2014 (on members of the Mapuche people against the State of Chile), because it is also designed to instil ‘fear in other members of the community involved in social protest and in the process of claiming their territorial rights, or those who might want to participate in that process’.

6. So, what happened and is happening in Val Susa has happened and is happening in numerous other places in the same, or at least similar, ways.

In other words, we are dealing here with a method, a system.

Yesterday, the President asked why this system exists. Why do we continue to insist on carrying out megaprojects when they are a source of major environmental risks and are clearly worthless from an economic perspective? This highly relevant question brings us to the heart of the matter. The apparently incomprehensible obsession with large-scale projects can be explained by a combination of elements. Three of them are: the underlying existence of major economic and financial interests, the survival of a pro-development culture (or a culture that supports the idea of development), which is as anachronistic as it is enduring, and the desperation of a political system that is unable to provide rational solutions to the crisis:

a) Yesterday, Tiziano Cardosi reminded us of Salvatore Settis’ analysis: ‘megaprojects aren’t useful in themselves, but it is useful to carry them out’, as is shown by the fact they are often finished years or even decades after the scheduled completion date, or indeed are never really finished. Isn’t this paradoxical? All the projects we have spoken about over the last few days have involved billions of euros. Enormous sums of money are quoted, and the final calculation will see these sums multiplied several times over. We’ve spoken here of the doubling or tripling of costs. This is not accurate. It’s much worse. Let me give just one example. For the high-speed rail line between Turin and Milan (which is entirely flat, with no hills to climb and just two rivers to cross), the 1991 forecast was the equivalent of EUR 1.74 billion, but by the time the work was completed in 2010, the actual cost was EUR 8.3 billion. These are hefty sums in times of crisis… Especially if you consider that we are dealing almost entirely with public money, paid in advance by banks that guarantee themselves huge, secure interest payments for decades to come. Is that rational? No, of course it’s not! But were the subprime loans rational? The ones that triggered the biggest financial crisis of the new millennium, which caused huge damage to savers and zero damage to the banks bailed out by States? This is the ‘development model’ that protects the major economic and financial powers;

b) “Developmentalist” culture is one that, despite reality, continues to envisage a world with constant economic growth, and the investment and infrastructure to support and encourage it. It is a culture that allows supporters of major projects to commit acts of pure faith, for example, to sustain that the decline in transport will be halted and reversed by the construction of a railway;

c) Finally, there is the desperation of the politicians, who are unable to propose credible ways out of the crisis. Sometimes political decision-makers are aware of the fact that this system cannot survive, but know that its collapse will completely and irreversibly destroy their credibility, which is already at an all-time low.

Furthermore, all of this leads to a serious situation, not only for the economy but also for ethics and culture, as emphasised most recently in an extremely authoritative document. I’m referring to the papal encyclical entitled ‘Laudato si’, which states, among other things, that:

‘56. In the meantime, economic powers continue to justify the current global system where priority tends to be given to speculation and the pursuit of financial gain, which fail to take the context into account, let alone the effects on human dignity and the natural environment. Here we see how environmental deterioration and human and ethical degradation are closely linked’.

 ‘183 … The participation entails being fully informed about such projects and their different risks and possibilities; this includes not just preliminary decisions but also various follow-up activities and continued monitoring. Honesty and truth are needed in scientific and political discussions; these should not be limited to the issue of whether or not a particular project is permitted by law’.

This system, therefore, brings to the fore political issues which hark back to the idea of freeing the economy (companies, major financial groups and political decision-makers) from constraints, such as the relationship with communities and individuals affected by megaprojects, and the respect for their health and rights. All of this is clearly linked to the minimum rules and principles of democracy. And when, in order to make that idea a reality, we end up declaring construction sites ‘sites of strategic national interest’, treating them like military zones and defending them with soldiers – the army in peacetime! – it follows that citizens feel defrauded of their rights and are convinced that the State has declared war on them.

It goes without saying that this kind of system cannot be justified by the so-called power of the majority to which a minority must submit in accordance with the ‘general interest’.

The Permanent Peoples’ Tribunal has on many occasions – most recently and particularly effectively in its ruling of 23 July 2008 on transnational policies in Colombia – warned against the ever-present danger of a ‘tyranny of the majority’ based on contingent electoral consensus, emphasising that ‘democracy does not consist only of an electoral process, but also involves public debate open to all members of society and to every citizen, guaranteeing them the free exercise of all their rights. This is the only way to build and constitute the ‘public reason’ which justifies the protection of the common interest’.

All of this, for that matter, reflects the thinking of the fathers of liberal thought, beginning with French aristocrat Alexis de Tocqueville who, returning from a long stay in America in 1831-32, where he was studying the sources and forms of democracy, wrote:

‘When I feel the hand of power lie heavy on my brow [...] I am not the more willing to wear the yoke because it is held out to me by the arms of a million men. [...] If democratic people replaced all the different powers that impede or delay the progress of human reason with the absolute power of the majority, only the nature of the evil will have changed’.

The meaning of this statement – and of many other similar ones – is clearly still relevant. Democracy cannot be equated solely with the principle of the majority, which is certainly one of its cardinal promises, but not the only one. By means of its vote, the majority decides who is to govern, and political decisions are made using the same system. These decisions are, moreover, the result of mandatory processes and discussions and must comply with certain restrictions as to their substance (to the extent that some constitutions give citizens the right/duty to resist if they are faced with political decisions that violate rights and fundamental principles). Rendering the principle of the majority absolute implies abandoning the democratic model in which different functions are governed by different principles. Take the example of decisions made by judges who are appointed on the basis of pre-established rules and criteria, and not the wishes of the majority, or the checks on the constitutionality of laws which are carried out by the Constitutional Court on the basis of interpretative assessments that can lead to the repeal of laws which have been approved by the majority, or even by the entire Parliament).

So, the violation of individuals’ and communities’ fundamental rights cannot be legitimised by the vote of a majority. What is more, as we stated in our introductory appeal, as renowned constitutionalist Gustavo Zagrebelsky stated: ‘in a democracy, no vote (except for those regarding the constructional or constitutional rules of democracy itself) closes a debate for good. [...] The maxim of vox populi, vox dei just legitimises the violence that the majority exercises over the few. This is democracy in appearance only, since it denies the freedom of those in the minority, whose opinion deserves to be crushed and extinguished for good. If anything, this would be absolutist or terrorist democracy, not democracy based on the freedom of all’.

7. To summarise: denying citizens and the local community the right to challenge decisions on high-speed trains and similar megaprojects, systematic disinformation or misinformation regarding the basis for and proposed outcomes of the projects, the attempt to eliminate every form of opposition by means of ad hoc legal arguments, the militarisation of whole areas and a disproportionate judicial clampdown, are conditions proven beyond any reasonable doubt. As has been ascertained, given the omnipresence of these features, we are faced not with accidental and coincidental occurrences, but with a method, a fully fledged system of government for this sector of public life and the economy.

On the other hand, the ability to challenge decisions concerning one’s own environment, life and health, and those of future generations, is enshrined as a fundamental right of citizens and communities in the Universal Declaration of Human Rights, approved by the United Nations General Assembly on 10 December 1948. Given that ‘it is essential, if man is not to be compelled to have recourse, as a last resort, to rebellion against tyranny and oppression, that human rights should be protected by the rule of law’, this document explicitly states, among other things, that ‘everyone has the right to an effective remedy by the competent national tribunals for acts violating the fundamental rights granted him by the constitution or by law’ (Article 8), and that ‘everyone has the right to take part in the government of his country, directly or through freely chosen representatives’ (Article 21(1)).

This has been established unequivocally by the Permanent Peoples’ Tribunal, for instance in its ruling of 23 July 2008 on ‘Transnational corporation policies in Colombia’, in which, in an excerpt that could have been written for Val Susa and Europe, it affirms: ‘the right of men and women to be consulted in order to obtain free, prior and informed consent before adopting and applying legislative and administrative measures that damage them, before adopting any project that compromises their lands or territories or other resources’.

8. One serious problem remains to be settled, and it is one that has been raised over the past few months and that we ourselves considered when we submitted our appeal (and that we also referred to in a subsequent brief presented on 1 July 2014).

The issue is the following: do the transgressions, the unlawfulness, the abuses of power regarding the TAV in Val Susa and other megaprojects examined in this session constitute a serious and systematic violation of the fundamental rights of peoples and minorities and/or the rights and freedoms of individuals which (alongside crimes against peace and humanity) legitimises the intervention of the Permanent Peoples’ Tribunal pursuant to Article 2 of its statute? Or, whilst serious, do they fall short of that threshold, in a world where we see one serious crime committed after another on a daily basis (from the daily slaughter of migrants on our coasts, in our seas and even on dry land, to the very real attempts at annihilating populations in Syria, Kurdistan, the Middle East and the heart of Africa)?

This is not a rhetorical question but a real one, and one we have asked ourselves – as I mentioned – because we are witnesses to these dramas, these tragedies that have actually become part of Val Susa’s own struggle (the most recent example being the twinning and aid project that joined the municipality of San Didero – whose mayor, Loredana Bellone, has spoken to you recently – with the city of Kobane and the Rojava region in Syrian Kurdistan). It is therefore a valid question, whose implications we do not underestimate, but which we sincerely believe must be answered positively.

We said this in the opening of our introductory appeal. In our case (in European cases) ‘the violation of fundamental rights of people and populations takes place in a less brutal way than in other cases examined by the Tribunal, above all in the first decades of its work’, but the case of Val Susa and other similar cases ‘represent – at a local and regional level – the new rights frontier, in the face of attacks that endanger the very (ecological and democratic) balance of the planet. It is therefore fully eligible for analysis and judgment by the PPT. Indeed, on the one hand, Article 1(2) of the Tribunal’s statute states that it is competent to rule, among other things, on ‘serious and systematic violations of individuals’ rights and freedoms’ without additional conditions; on the other, under current law, the scope of the Tribunal’s interventions has gradually been extended to cover situations involving violations of the rights of individuals and communities within single States that are very similar to the one being considered here. For example – besides the decisions cited in the appeal – consider the judgment of 21 May 1999 (Examen de la plainte déposée par le collectif “ELF ne doit pas faire la loi en Afrique” contre l’entreprise ELF-Aquitaine) which states the following:

‘the work of the session of the Permanent Peoples’ Tribunal on ELF is based on the Universal Declaration of the Rights of Peoples, which proclaims the right of peoples to political self-determination and cites their economic rights, in particular the right to control their natural resources and the right to respect their environment. The ELF case has revealed practices that block the exercise of these rights. [...]

Rethinking the role of the Permanent Peoples’ Tribunal in a way that reflects its original mandate means paying attention to the following problems:

- the way in which the foundations of imperialist legislation – equating ‘order’ with the protection of private property – can be questioned and curbed formalises liberation from economic tyranny;

- the way in which procedures for ‘speaking’ and ‘listening’ should be updated to give priority to the voices of those who suffer, with a view to creating a form of social justice to counter the economic crimes of transnational corporations.

9. The Permanent Peoples’ Tribunal’s approach – your approach – is clear and leaves no room for doubt. But – I want to emphasise this – it is an approach validated by numerous other elements

The first comes not from environmental fundamentalism, but from the Pope in the encyclical ‘Laudato si’, which we have already cited and which in paragraph 95 reads:

’95. The natural environment is a collective good, the patrimony of all humanity and the responsibility of everyone. If we make something our own, it is only to administer it for the good of all. If we do not, we burden our consciences with the weight of having denied the existence of others. That is why the New Zealand bishops asked what the commandment “Thou shall not kill” means when “20% of the world’s population consumes resources at a rate that robs the poor nations and future generations of what they need to survive”’.

Pay close attention to the words I use, which have obviously been chosen for a reason! Irreversible damage to the environment which threatens the lives and health of current and future generations is actually forbidden by none other than the following commandments: ‘Thou shalt not kill!’ and ‘Thou shalt not steal!’. It, therefore, follows that excluding communities when making decisions that affect them is quite clearly a violation of collective fundamental rights.

Secondly, the authoritarian logic applied when making decisions in matters that are so important and have such irreversible consequences is, for all intents and purposes, a colonial type of logic, the kind that led to most of this Tribunal’s interventions. What was, and indeed is, the essence of colonialism if not the domination by the West of the resources of other peoples, imposed forcefully by the colonisers on the basis of a sense of ethical and cultural superiority (the same sense of superiority which led Sir Thomas Watt, once British Secretary for the Interior in South Africa, to say: ‘no ethical considerations such as the rights of man will be allowed to stand in the way of white rule’)? But these are not the arguments – obviously with the necessary adaptations (mutatis mutandis, as legal experts say) – used when it comes to opponents of the TAV (Italian high-speed rail network) and other megaprojects of this kind, who are instead seen as ignorant enemies of progress who are only interested in protecting ‘their own back yard’ and who may even become violent, thereby legitimising the use of force (instead of dialogue) to silence them? Obviously I’m talking about reasoning and underlying culture, not actual events. And this is what links the decision you are called upon to hand down today with the Tribunal’s decisions from decades past, regarding, for example, the Sahara (1979), East Timor (1981), Zaire (1982), and Guatemala (1983). Throughout its history – as we well know – the PPT has always examined cases of violations of human rights in countries outside the European Union, with the sole exceptions of the former Yugoslavia and Chernobyl (judgments of 20 February and 11 December 1995 and judgment of 15 April 1996). This is not a coincidence, but reflects the Tribunal’s origins, which are rooted in the experience of colonialism (as expressly stated in the Algiers Declaration, published as long ago as 4 July 1976). In the new millennium, moreover, conventional colonialism is accompanied by other forms of exploitation and expropriation of the rights of people and citizens stemming from the absolute and unbridled power of force and wealth. It is, therefore, understandable and logical that the Tribunal should extend its reach to cover such matters, as it did, after all, when it investigated the International Monetary Fund and the World Bank (1988-1994), industrial risks and human rights (1994), the rights of children and minors (1995) and the rights of workers in the clothing sector (1998).

And there’s a third point to be kept in mind. Violations of the rights we’re looking at today are certainly less glaring than others, but they should be seen as an omen. In modern-day societies, which are characterised by unfair and authoritarian decision-making processes, the centre is increasingly often blind to a truth perceivable only from the margins regarding matters that concern only specific sections of society and herald more widespread phenomena. As research has shown, including the now classic studies by Enzo Traverso on Nazism and its origins, the failure to perceive and analyse a number of ominous signs of things that could have been so easily avoided is what led to the unspeakable sorrows and disasters of the 20th century. It is up to the PPT, which has always been ahead of its time, to play its part in changing the prevailing short-sighted and inappropriate outlook and, in denouncing and condemning the violations of the fundamental rights of small groups, preventing this from becoming the standard method of governing society.

10. It is in light of all of the above that we submit our requests to the Permanent Peoples’ Tribunal.

The impact of megaprojects and the related practices, in Val Susa, in Italy and in Europe, is not limited to the construction of a dam or mega-bridge, the destruction of a forest or the hollowing-out of a mountain (which is sometimes enough in itself to cause terrible events, as was the case with the Vajont Dam tragedy of 1963 in Italy, which killed 1,917 people and which is no longer cited in the debate on megaprojects), but also affect – as recent experience has taught us – the complex mechanisms that keep institutions and democracy itself functioning. This is why we – together with the communities of Notre-Dame-des-Landes, London, Birmingham, Manchester, Roșia Montană, Corna, the Basque communities in France and Spain, Stuttgart, Venice, Florence, Basilicata and the Italian regions affected by drilling projects, Messina, Niscemi, and many other places in Italy and Europe – ask the Permanent Peoples’ Tribunal to rule, with the authority vested in it by its history, composition and independence:

- that in Val Susa, the fundamental rights of residents and the local community to be properly informed and involved directly or through their institutional representatives in decisions regarding the planning and construction of the new Lyon-Turin railway line (TAV), decisions that have a crucial impact on natural resources, the environment, health and the very life expectancy of present and future generations, have been infringed;

- that this infringement was the result of deliberate acts of omission (in particular failure to involve the local community and its institutional representatives in decisions concerning the new railway line, failure to introduce effective consultation and decision-making procedures, failure to make proper provision for legal appeals against exclusion from decision making in the context of the project); and acts of commission (in particular the manipulation of data relating to the need for and impact of the works, the compilation and repeated dissemination of inaccurate and/or scientifically unfounded information, forecasts and data regarding the nature of, need for and impact of the project; the adoption of legislative measures designed to prevent public involvement and criminalise protests; the use of administrative and law-enforcement practices and measures for the same purpose, up to and including the large-scale deployment of the military to establish control over the area in a disproportionate show of force against protesters and demonstrators, in some cases in combination with the adoption of specific legislative measures, the cumulative effect being to significantly restrict guaranteed constitutional rights;

- that among those responsible for these infringements were the organisations behind the project, the companies responsible for carrying it out and successive national governments over the last two decades (both directly and through officials seconded to key coordinating bodies such as the Lyon-Turin Observatory); furthermore, the EU institutions responsible (Commissioner appointed to coordinate TEN-T Priority Project 6 and the European Parliament’s Committee on Petitions) condoned or facilitated these infringements through their uncritical acceptance of projects submitted without appropriate checks and with complete disregard for representation by the Val Susa local authorities and their designated experts;

- that the situation in Val Susa is the result of a neocolonial approach to regional government and social issues guided solely by the interests of national and supranational economic and financial lobby groups and their institutional allies, which have been given unlimited and unsupervised access to regional resources, regardless of the concerns of the people affected (regarded as the expression of specifically local interests, and therefore irrelevant);

- that this approach is now widely employed in Italy and Europe, as shown by the management of many of the projects discussed at this meeting, in particular Notre-Dame-des-Landes airport in France, the Roșia Montană open-cast mine in Romania, the ‘Basque Y’ rail network in Spain, the Messina Bridge, the Mose dam project in Venice and hydrocarbon exploration boreholes in various parts of Italy;

- that this approach stands in stark contrast to the requirements laid down in numerous international agreements and other instruments (such as the Aarhus Convention of 25 June 1998, which stipulates the provision of ‘adequate, timely and effective’ information and effective ‘public participation’ throughout the ‘decision-making process’ on an environmental level and requires that the competent authorities must ‘take due account of public concerns’), undermines the foundations of participatory democracy (enshrined in the provisions of most western constitutions in the concept of ‘sovereignty of the people’) and, in the very heart of Europe, jeopardises the fundamental principles enshrined in the Universal Declaration of Human Rights adopted by the UN General Assembly on 10 December 1948.

I have now concluded my arguments. In referring this matter to the People’s Permanent Tribunal, I can only acknowledge the inadequacy of my words to describe the seriousness of the situation arising from the infringement of fundamental rights in the context of megaprojects and the damage which is caused (and which is even more likely to be caused in future) by the way society is run and by the relationship between major economic and financial powers and the public.

I derive consolation from the belief that my failure to express this fully will be offset by the message transmitted through the apprehension, the intelligence, the passion and the uncompromising commitment that you have observed in the small community with which you have become acquainted over the past few days.

Turin, 7 November 2015